Zoom : nouveau cafouillage, nouvelle polémique
Alors que le chiffrement de bout en bout de ses visioconférences n’est encore qu’une hypothèse lointaine – et plutôt positive – Zoom a tout de même réussi à raviver les critiques. Ubuesque. Mais mérité ?
Rebelote. Zoom crée une nouvelle fois la polémique. Sur le chiffrement de bout en bout cette fois.
Alors que ce projet est une avancée vers plus de sécurité dans l’outil de visioconférence, le cafouillage dans la communication de l’éditeur a relancé une vague de critiques. À l’origine de cette nouvelle volée de bois vert : le fait que cette future fonctionnalité soit réservée aux clients payants.
A priori, pas de quoi s’offusquer.
Cisco, par exemple, propose une option de ce type, et lui aussi la réserve aux clients payants de Webex (et encore, pas à tous). D’autres éditeurs (comme BlueJeans – qui ne chiffre pas de bout en bout – ou le Français Tixeo – qui le fait) ne proposent tout simplement pas de visioconférence gratuite (hors période d’essai) du fait qu’ils s’adressent exclusivement aux professionnels.
C’est le cas de Zoom qui se positionne également comme un outil B2B, payant, et qui offre à la marge une version gratuite pour le grand public (et donc altérée comme la plupart des versions freemium d’outils payants).
La polémique semble donc injuste pour Zoom.
Sauf que Zoom donne le bâton pour se faire battre. La nouvelle polémique se nourrit en effet d’un cafouillage, non plus de son marketing – comme c’était le cas pour la précédente sur le faux « bout en bout » de son chiffrement – mais de son PDG lui-même.
FBI or not FBI ? Telle est la question
Le matin du 3 juin, Alex Stamos – l’ancien responsable de la sécurité de Facebook recruté par Zoom comme consultant expert – affirmait on ne peut plus clairement que « Zoom ne surveille pas de manière proactive le contenu des réunions, et il ne le fera jamais. Zoom n’enregistre pas secrètement les réunions. Ni l’un ni l’autre ne changeront ».
Pas d’écoute donc. Une position que défendait d’ailleurs quelques jours plus tôt, et presque au mot prêt, Loïc Rousseau le responsable de Zoom France, lors d’une discussion avec LeMagIT.
Mais dans l’après-midi même, Eric Yuan – le fondateur de Zoom – déclarait lors de la présentation de ses résultats trimestriels aux analystes financiers que « pour les utilisateurs gratuits, c’est sûr, nous ne voudrons pas permettre [le chiffrement de bout en bout] ».
Pourquoi donc ? « Parce que nous voulons aussi pouvoir travailler avec le FBI et les autorités locales, au cas où certaines personnes utiliseraient Zoom à mauvais escient ».
Eric Yuan pensait certainement à la lutte contre la pédophilie et la prostitution organisée (des réseaux qui ont déjà par le passé utilisé la version gratuite de Zoom pour leurs méfaits). Mais la simple évocation du FBI – ce qui a aussi invité dans l’inconscient collectif la CIA, la NSA, le CLOUD Act et les autres lois américaines (FISA, Freedom Act, Umbrella Act, Patriot Act) – a ravivé les braises de la polémique. « Zoom veut espionner ses utilisateurs gratuits et vend l’impunité aux plus riches », comprend aujourd’hui le grand public.
Ubu Roi
La situation est d’autant plus ubuesque que le chiffrement bout en bout dans Zoom n’est encore qu’un projet couché sur le papier, dont la réalisation hypothétique n’est prévue qu’à un horizon lointain, sans date précise, ni aucune feuille de route. Si jamais il voit le jour.
C’est ce qu’on pourrait familièrement appeler « remettre bêtement une pièce dans la machine ». Et repartir inutilement pour un tour de polémiques.