Sergei Beloussov (Acronis) : « Nous avons conçu un stockage universel sécurisé par la Blockchain »
Dans un entretien avec LeMagIT, Sergei Beloussov, le CEO de la firme fait le point sur la société, la transformation de son marché et sur sa nouvelle offre de stockage logicielle en mode bloc, fichiers et objet sécurisable par le biais de la Blockchain.
À la fin du mois de décembre 2016, LeMagIT a pu s’entretenir avec Sergei Beloussov le CEO et fondateur d’Acronis. Beloussov est un entrepreneur en série. Il est connu comme le fondateur de SWSoft, devenu Parallels, la société dont les technologies ont permis l’émergence du modèle de serveurs privés virtuels chez les grands hébergeurs via la combinaison des technologies de conteneurs de Virtuozzo et la console de management Plesk [ Virtuozzo et Plesk continuent aujourd’hui leur route dans des sociétés autonomes, spin-off de Swsoft]. Il a aussi créé plusieurs fonds d’investissements dans des start-ups, dont le dernier, Qwave Capital, a pour mission d’investir dans des champs de recherche fondamentaux comme récemment les nano-technologies et la technologie quantique avec le Suisse ID Quantique, les Américains Nano Meta Technologies et Centrice et l’Estonien Clifton.
Le CEO d’Acronis a répondu à nos questions sur le développement de la société et sur sa vision de l’évolution du marché de la sauvegarde vers le cloud. Il a aussi fourni quelques détails sur Acronis Storage. Cette offre de stockage en mode « software defined » créée à l’origine pour les besoins de stockage du cloud d’Acronis offre un stockage universel accessible à la fois en mode bloc, en mode fichiers et en mode objet et s’interface en option avec BlockChain Notary, un module développé par Acronis pour signer l’ensemble des contenus stockés via la Blockchain. Une façon originale et innovante de s’assurer de façon formelle que les données stockées ne soient ni modifiées ni compromises.
LeMagIT : Acronis est relativement discret en France et n’y a sans doute pas le même succès qu’ailleurs. Comment expliquez-vous cette situation ?
Sergei Beloussov : La France est l’un de nos marchés qui ont été en croissance au cours des dernières années. Mais vous avez raison, nos performances en France par rapport aux autres grands pays comme le Royaume-Uni et l’Allemagne sont en retrait. Il y a une raison historique à cela. Il y a quelques années, nous avons promu aux États-Unis l’un des responsables de la filiale française pour accélérer notre développement là-bas et il a naturellement pioché dans le vivier de la filiale pour l’épauler. Cela a eu un impact sur notre développement en France, mais à l’époque il était plus important pour nous de nous développer aux USA. Aujourd’hui, Acronis France compte 7 personnes et l’équipe devrait très rapidement passer à dix personnes.
LeMagIT : Acronis est à la fois présent sur le marché grand public et sur le marché des entreprises et votre portefeuille de produits est plutôt vaste…
S.B. : Le portefeuille produit a beaucoup évolué depuis la création de la société [qui est une spin-off de Swsoft, aujourd’hui Parallels]. La transformation la plus récente est l’adaptation de nos produits au cloud. Quand je parle de cela, je ne parle pas d’une évolution du modèle tarifaire ou du modèle de licence. Nous avons mené un important travail d’ingénierie pour ajouter des fonctions de multitenant à nos produits pour leur ajouter des fonctions de facturation, de supervision… Et ce travail d’ingénierie a porté sur l’ensemble des produits : sauvegarde, partage et synchronisation de fichiers, stockage en cloud, Monitoring.
LeMagIT : La sauvegarde reste le cœur de votre activité toutefois ?
S.B. : Il y a 3 ans, 95 % des revenus étaient dérivés de la sauvegarde, aujourd’hui ce n’est que 75 % et cette part devrait encore se réduire l'an prochain [en 2017, NDLR]. En France, la part de la sauvegarde dans nos revenus reste encore un peu plus importante, mais ici aussi les choses bougent rapidement. Le marché du backup dans le passé était statique. On pense que les temps changent et que l’on peut faire plus pour le stockage et la transformation des données. La protection des données est une cible mouvante.
Nous croyons aussi beaucoup dans notre nouvelle solution de stockage, Acronis Cloud Storage. C’est une solution de stockage logicielle que nous avons lancée en « Soft Launch » au mois d’octobre et sur laquelle nous allons mettre l’accent en 2017. La technologie est mature puisque c’est celle que nous avons utilisée dans nos propres Datacenters pour nos services de stockage en cloud au cours des six dernières années. Nous la proposons aujourd’hui aux entreprises et aux services providers. Nous aurons aussi deux nouveaux produits à annoncer en 2017.
LeMagIT : Avec l’ajout du multitenant, il semble que votre cible de clientèle s’élargit aussi de plus en plus aux services providers…
S.B. : C’est lié à la transformation du marché et à l’appétit des entreprises pour les services cloud. Je suis dans le marché des services providers depuis longtemps. Je me souviens qu’en 1999, à l'époque SWSoft, nous discutions déjà de taxonomie des services providers. C’était il y a 18 ans.
Les fournisseurs de services ne sont pas des clients comme les autres, au sens où ils ne se satisfont pas d’utiliser nos logiciels clé en main, comme le font les entreprises. Ils agissent comme des OEM et intègrent nos technologies pour proposer leurs propres produits. C’est un canal de distribution très différent de la distribution traditionnelle. Ils sont plus sophistiqués dans les services qu’ils proposent. C’est un marché important puisque selon nous, il y a potentiellement près de 100 000 Service providers dans le monde.
Et ils ont un appétit pour les nouveaux produits. L’un des enjeux de ce marché est de pouvoir non seulement délivrer des services fiables aux clients, mais aussi d’innover en permanence et de proposer de nouveaux services aux clients afin de multiplier les opportunités de vente additionnelle et de vente croisée (up-sell et cross-sell).
Nous avons lancé notre produit de backup en cloud, il y a deux ans. L’an passé, on avait 20 service providers. On en a plus de 1500 cette année. Ceux qui ont signé il y a deux ans étaient de petits fournisseurs de services. Les nouveaux sont bien plus gros. Ce marché progresse extrêmement rapidement. Globalement, les sociétés qui proposent du cloud backup progressent à un rythme de 55 % par an contre 7 % pour le marché global de la sauvegarde. Cela en dit long sur les tendances du marché.
LeMagIT : Vous avez évoqué le lancement d’une nouvelle solution de stockage. En quoi est-elle innovante.
S.B. : Nous avons construit notre stockage pour être universel. Nous pensons qu’un même système peut gérer plusieurs types et classes de stockage, c’est à dire du bloc, du fichier et de l’objet. Ce que nous voulons, c’est simplifier le management des données pour les entreprises. Car cela a toujours été la vraie difficulté et le problème ne fait que s’accroître avec l’explosion des quantités de données à gérer. Cette approche simple du stockage est à mettre en perspective avec celle d’un Amazon AWS qui selon les usages propose Glacier, EBS, S3, mais aussi DBStorage et File.
Une autre innovation de cette couche de stockage est l’intégration optionnelle d’un service de signature des objets ingérés via la Blockchain, baptisé Blockchain Notary, et de mécanismes de distribution et de protection sophistiqués de données par codes à effacement.
L’intégration de la Blockchain est pour nous un moyen de signer tout objet digital que l’on stocke. Le fait de s’appuyer sur un registre distribué permet de s’assurer qu’un n’a pas été modifié ou compromis et si cela est le cas de le restaurer dans son état d’origine. C’est une application évidente de la blockchain hors de la certification des transactions financières et qui permet d’assurer la sécurité et l’intégrité des données via un registre tiers.