SAP : le « clean core » est la « bonne méthode » pour migrer vers le cloud
Interview – Juergen Mueller, directeur technique de SAP, explique pourquoi un « clean core » est essentiel pour passer à la version cloud de l’ERP S/4 et comment un architecte peut aider à y parvenir.
Face à une base de clients qui font encore largement tourner des ERP sur site, SAP a fait de gros efforts pour promouvoir le passage à S/4HANA Cloud Public Edition.
Le cœur de cet effort est Rise with SAP, lancé en 2021, une offre conçue pour simplifier la migration vers l’environnement SaaS. L’une des clés de la réussite d’un tel projet cloud, selon SAP, nécessite un « noyau propre », un « clean core », dans lequel les entreprises transforment les personnalisations de leurs systèmes SAP ou éliminent entièrement leurs développements spécifiques pour passer à des processus standardisés.
Toutefois, la réalisation d’un « clean core » est complexe et c’est probablement l’une des raisons pour lesquelles de nombreux clients ont été réticents à passer au « cloud ».
Lors de Sapphire en juin, SAP a annoncé qu’un architecte serait alloué à chaque client dans le cadre de Rise afin de faciliter le passage à un « clean core » et la migration cloud.
Lors de cette même conférence, Juergen Mueller, directeur technique de SAP, est revenu sur ce que signifie ce « clean core », pour les clients, et pourquoi SAP a introduit ce rôle d’architecte dans Rise.
Le « clean core » a été longuement évoqué lors du Sapphire. Son rôle est clé dans votre stratégie cloud. Mais il semble que de nombreux clients ne sachent pas exactement de quoi il s’agit. Pouvez-vous nous définir ce qu’est exactement le clean core de votre point de vue ?
Juergen Mueller : Tout d’abord, laissez-moi vous dire pourquoi c’est important. C’est important parce que nous voulons que les entreprises soient en mesure de bénéficier en permanence des mises à jour et des innovations au fur et à mesure que nous les déployons. En tant que CTO, je ne suis heureux que si ce que nous construisons chez SAP est utilisé. Sinon, cela ne crée aucune valeur.
Par le passé, nous ne fournissions pas aux clients les outils et les méthodologies qui leur permettraient de profiter de ces mises à jour en continu.
Nous avons donc imaginé ce que nous appelons l’approche « clean core », ce qui signifie que même si vous personnalisez votre système en fonction des besoins particuliers de votre entreprise, vous le faites de manière à être toujours prêt à procéder à des mises à jour.
Cela signifie que toutes les extensions sont réalisées à l’aide d’APIs publiques, et que nous maintenons ces API stables afin que (lorsque nous mettons notre système à jour) vos extensions, vos automatisations de processus et vos flux d’intégration continuent de fonctionner.
Pourquoi est-ce si important ?
Juergen Mueller : Parce que cela réduit considérablement l’effort des entreprises pour les mises à jour et les upgrades. SAP fait partie des systèmes les plus critiques au monde qui font fonctionner [des systèmes comme des chaînes d’approvisionnement ou de fabrication], et c’est un énorme problème si ces systèmes ne fonctionnent pas.
Pour mettre les choses en perspective, [notre client] Hitachi mettait à niveau [ses systèmes sur site] tous les 7 à 10 ans. Aujourd’hui, il procède à une mise à niveau tous les ans, ou à chaque fois que nous sortons une version majeure. Et le temps pour ces mises à niveau est passé d’un an et demi à environ six semaines.
Tout cela n’est possible que grâce à une approche « clean core », qui permet d’éliminer ou de réduire considérablement la quantité de tests et de corrections nécessaires.
SAP a introduit un rôle d’architecte dans Rise. Pourquoi avez-vous besoin de faire cela ?
Juergen Mueller : Nous voulons nous assurer que les clients passent au cloud, mais qu’ils le font aussi de la bonne manière.
Dans la plupart des cas, c’est ce qui se passe naturellement. Mais nous voulons nous assurer que les clients sont parfaitement informés sur les différents aspects d’une telle migration.
Juergen MuellerCTO de SAP
Il s’agit d’un projet centré sur S/4HANA. Mais les clients peuvent venir d’un environnement d’une ou plusieurs instances ECC [ERP Central Component] ou d’un ou plusieurs S/4HANA. Et cette migration ne va pas que vers S/4HANA, elle peut aussi impliquer les RH avec SuccessFactors ou Fieldglass [ou] les appros avec Ariba et les dépenses avec Concur.
Ce type de projet concerne aussi vos capacités d’intégration. Et l’analytique, où vous pouvez passer de BusinessObjects à SAP Analytics Cloud. Il s’agit aussi – pour faire des extensions – de passer d’un ABAP classique à un ABAP cloud. On peut aussi évoquer la planification – où vous passez des versions on prem aux versions cloud des outils de planification – ou encore la transformation liée aux données, lorsque vous passez d’un Business Warehouse à un hybride de BW et de SAP Datasphere. Ou encore de la manière dont vous intégrez les données non SAP.
C’est une entreprise complexe qui se met en place. De nombreux clients profitent d’ailleurs de ce point d’inflexion pour revoir leurs processus. Et une fois que vous avez ce modèle avec Signavio – et que vous savez où vous en êtes aujourd’hui et où vous voulez aller avec vos processus –, vous devez le mettre en correspondance avec vos stratégies opérationnelles. Cela signifie que vous devez déterminer où vous voulez vous différencier et où vous allez utiliser un logiciel standard et simplement le configurer.
Vous le voyez, c’est un projet aux multiples facettes. Il est donc judicieux de faire appel à une personne de SAP qui possède une connaissance approfondie de tous ces sujets.
D’où viendront ces experts ? Disposez-vous de suffisamment d’architectes capables d’effectuer tout ce travail particulièrement complexe ?
Juergen Mueller : On peut dire qu’on n’en a jamais assez. Mais nous avons un bon vivier d’architectes au sein de SAP. Et nous recrutons de très bons profils dans nos équipes de consultants ; des personnes qui ont une grande expérience en matière de conseil et de déploiement. Ils occupent des postes d’avant-vente et d’après-vente, où ils travaillent depuis longtemps avec les clients.
Ils bénéficient tous d’une formation supplémentaire, car rares sont les personnes qui possèdent des connaissances étendues dans tous ces domaines.
SAP utilisera-t-il aussi des partenaires certifiés pour aider à respecter cette méthodologie SAP ?
Juergen Mueller : Oui, nous sommes très ouverts avec nos partenaires. [Lors de la conférence Sapphire], nous avons discuté avec eux sur la manière d’augmenter le vivier de talents et de certifier davantage de personnes.
Il se passe tellement de choses et il y a tellement d’innovations [chez SAP] que nous voulons que l’écosystème des partenaires suive. Nous en avons besoin. C’est pour cela que nous avons modifié le programme de formation et de certification, de sorte que lorsque vous obtenez une certification, vous rafraîchissez vos connaissances, ce que nous ne faisions pas dans le passé.
Ces efforts ne sont-ils pas (dans une certaine mesure) un signe que les clients ne sont pas passés à S/4 aussi rapidement que SAP l’espérait, en particulier à la version cloud public ?
Juergen Mueller : Je ne dirais pas ça comme cela. Rise a été l’une des activités qui ont connu la croissance la plus rapide que SAP ait jamais vue (il en va de même pour BTP). Mais il s’agit d’aller encore plus loin, de faire les choses avec la bonne méthode, et d’arriver au point où le « clean core » rayonne sur toute l’entreprise, où l’effort livre tous ses bénéfices. Nous voulons aller encore plus loin en aidant les entreprises à faire une transformation holistique.