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Pourquoi le LLM souverain peut-il être une fausse bonne idée ?

Avec l’avènement de l’intelligence artificielle générative s’ouvre une nouvelle ère, redéfinissant nos approches traditionnelles en matière de technologie et d’innovation. Dans cette vague émerge le concept du LLM souverain, une proposition séduisante, mais qui pourrait bien se révéler être une fausse bonne idée.

L’intelligence artificielle générative, avec en particulier les grands modèles de langage (LLM), offre une autonomie et une capacité d’adaptation accrues en générant du contenu nouveau et inédit. Cependant, la fiabilité des informations fournies par les LLM dépend de la qualité des données qu’ils absorbent, encourageant ainsi une approche souveraine.

Cette approche, visant à réduire la dépendance externe en matière de protection des données et à préserver les langues et cultures locales, peut sembler essentielle. Mais une réflexion approfondie sur ses implications et son application pragmatique s’avèrent nécessaires.

L’évolution de l’IA Générative et l’avènement des grands modèles de langage (LLM)

Contrairement à l’intelligence artificielle (IA) traditionnelle, l’IA Générative (IAG) n’est pas limitée à une tâche spécifique ; elle vise à découvrir des schémas et des relations générales dans les données pour générer du contenu nouveau et inédit. Parmi ces IAG, on retrouve les grands modèles de langage (LLM) qui sont quant à eux des modèles d’apprentissage automatique capables de comprendre et de générer des textes en langage humain. Ils fonctionnent en analysant des ensembles de données linguistiques massives et s’inscrivent dans cette lignée générative, offrant une autonomie accrue et la capacité de s’adapter à divers besoins.

Un grand modèle de langage (LLM) est capable de comprendre et de répondre au langage naturel humain, en utilisant l’analyse de données pour interpréter des questions ou des invitations de manière logique. Toutefois, la fiabilité des informations fournies par les LLM dépend étroitement de la qualité des données qu’ils absorbent. Si ces données sont erronées, les réponses fournies par les LLM seront également imprécises et de ce fait, il sera impossible pour elles de délivrer des informations précises et fiables.

Certains secteurs du monde des affaires et du marketing souhaiteraient exploiter les capacités des LLM, mais pourraient bénéficier davantage d’un outil spécifiquement adapté à leur langue locale. C’est également vrai pour les particuliers : une personne ayant une connaissance limitée de l’anglais pourrait bénéficier de ce type d’outil. Plus largement, les LLM pourraient également favoriser les progrès dans la recherche. 

Les conditions essentielles pour un LLM souverain réussi

Face aux défis de la fiabilité et de la protection des données, la question de la souveraineté des LLM devient essentielle. Plusieurs motivations alimentent le concept de LLM souverain.

Tout d’abord, de nombreux gouvernements cherchent à réduire leur dépendance à l’égard d’entités externes en matière de protection des données. De plus, la préservation et la promotion des langues et cultures locales sont également des facteurs clés.

À titre d’exemple, la Suède a tenté de développer un LLM pour son administration, mais a rencontré des difficultés, car de nombreuses données étaient en anglais et non en suédois, limitant ainsi l’accès aux données. Ils ont alors opté pour la création de leur propre modèle souverain, prenant en compte plusieurs langues.

Étant donné que ces LLM s’appuient sur des modèles existants, si l’Islande envisageait une démarche similaire, elle pourrait bénéficier du « transfert d’apprentissage » en utilisant une base de connaissances existante qui a déjà fait ses preuves. En capturant les subtilités linguistiques propres à chaque région, le LLM souverain peut contribuer à enrichir le patrimoine culturel et linguistique.

Le chemin vers un LLM souverain fonctionnel est toutefois semé d’embûches. Des contraintes budgétaires considérables ainsi que des défis liés à la gestion des données entravent sa mise en œuvre. Le coût exorbitant de tels projets, illustré par les 4,6 milliards de dollars investis dans le développement de ChatGPT-3, rend l’accès à cette technologie prohibitif pour de nombreuses entreprises, en particulier les petites structures.

Malgré ses promesses, le LLM souverain soulève aussi des préoccupations légitimes en matière de sécurité, d’éthique et d’impact environnemental. La gestion responsable des données, la réduction de l’empreinte carbone et le respect des normes éthiques deviennent des impératifs incontournables dans ce contexte.

Au-delà de ses avantages potentiels, le LLM souverain ne saurait être considéré comme une solution universelle. Son utilité dépend étroitement du cas d’utilisation envisagé. Pour les gouvernements, une approche collaborative au niveau européen pourrait être plus pertinente, permettant de mutualiser les ressources et de réduire les coûts. De même, plutôt que de viser une souveraineté absolue, une approche sectorielle, axée sur la création de valeur, pourrait offrir des résultats plus tangibles.

En somme, le LLM souverain représente un jalon important dans l’évolution de l’IA Générative. Cependant, son adoption généralisée exige une réflexion approfondie sur ses implications, tant sur le plan économique qu’éthique. Plutôt que de succomber à l’engouement généralisé, il est impératif d’adopter une approche pragmatique et réfléchie, en tenant compte des défis et des opportunités inhérents à cette technologie.

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