Workday
« Pour moi, chez SAP, un des modèles dont il fallait s’inspirer était déjà Workday », Franck Cohen
Un des visages les plus connus des clients de SAP depuis dix ans, Franck Cohen, est désormais conseiller spécial pour Workday. Nous avons profité de son « retour aux affaires » pour échanger avec ce connaisseur hors pair sur toutes les facettes de l’ERP et sur l’avenir de l’IT d’entreprise en général. Une suite d’entretiens passionnante et inspirante pour toute DSI.
Difficile de trouver plus fin connaisseur du secteur des ERP que Franck Cohen. Certes, celui qui a – pendant presque une décennie (de 2009 à 2017) – été responsable de la zone EMEA de SAP, avant d’en devenir le responsable mondial des ventes, a pris sa retraite. Mais cet infatigable voyageur, passionné d’IT et d’archéologie, n’a pas pour autant arrêté de travailler ni coupé les ponts avec le secteur des applications.
« Advisor » pour une grande banque d’investissements, expert éclairé à la pointe des avancées de l’Intelligence Artificielle ou encore Business Angel, Franck Cohen multiplie les casquettes. Et depuis qu’il est « libre », son profil n’a pas manqué d’attirer l’attention des concurrents de SAP. La preuve en est, il rejoint aujourd’hui… Workday (à mi-temps, précise-t-il, pour ne pas abandonner ses projets en cours). Et quand on lui demande si d’autres sont venus toquer à sa porte, disons Oracle, ce commercial d’élite, au contact jovial et au discours direct et franc, répond un simple « no comment » dans un sourire malicieux.
Il faudra donc s’y faire. Un des visages les plus connus de SAP auprès de ses clients européens et mondiaux est désormais un conseiller hors pair de Workday, un ERP qui monte.
Pourquoi avoir accepté de replonger ? Pourquoi Workday ? Quel regard cet ancien « insider » – désormais à l’extérieur – porte-t-il sur SAP, sur sa stratégie, sur ses produits, et sur son cloud ? Et comment le compare-t-il à Workday, qui lui est « né dans le cloud » ?
Et comme son regard est toujours aussi pointu, sa connaissance des secteurs d’activités toujours aussi large, nous lui avons aussi demandé de partager son analyse de l’avenir en fonction de ce qu’il constate sur le terrain.
Résultat : un entretien exclusif, complet, rempli d’éléments de réflexions pour tout décideur IT.
Bref, nous aurions pu titrer cette suite d’entretiens : « Attention ! Franck Cohen est de retour ». Mais la vérité, c’est que cet échange prouve qu’il n’est jamais vraiment parti.
Une histoire de personnes
LeMagIT : Comment allez-vous depuis votre départ de SAP, en juin 2019 ?
Franck CohenWorkday
Franck Cohen : Écoutez, ça va très bien (sourire). Après SAP, j’ai décidé de prendre le temps de faire d’autres choses. Je me suis dit que 60 ans c’était le bon moment pour passer à une autre vie, avec plus de temps en famille, d’arrêter de faire un million de kilomètres par an. Et de faire les projets que j’avais en tête. J’ai repris des études d’archéologie et j’ai le projet d’écrire un livre sur la période de la destruction du Second Temple… même si ça va me prendre 10 ans minimum (il rit). Je voulais avoir une vie plus centrée sur les choses que j’avais envie de faire.
Évidemment, la peur du vide m’a poussé à faire aussi d’autres choses. Je suis au conseil d’administration de cinq entreprises. Je suis aussi partenaire dans un VC en Israël.
LeMagIT : Mais malgré vos études, votre livre, votre fonds et votre famille, vous vous êtes laissé séduire par Workday ? Pourquoi avoir « replongé » dans l’ERP ?
Franck Cohen : Je suis resté très ami avec Chano Fernandez [N.D.R. : le co-CEO de Workday] avec qui j’ai travaillé de longues années chez SAP. Il m’a proposé de les rejoindre. Comme je travaille sur toutes ces autres choses, nous sommes arrivés à un accord à temps partiel. Cela me permet à la fois de garder du « temps libre » et d’avoir une activité professionnelle avec un pied dans un domaine que j’aime. L’ERP, c’est mon truc depuis 32 ans ! Je ne pouvais pas en sortir d’un coup, c’était trop difficile (rire).
Pour moi, c’était vraiment un bon sas pour passer d’une vie très active à une vie moins active. Et puis je ne suis pas encore si vieux que ça !
SAP et le cloud
LeMagIT : Je vous le confirme ! Mais est-ce juste une histoire de personnes ou aussi une histoire d’entreprise ?
Franck CohenWorkday
Franck Cohen : Oui, bien sûr, c’est aussi une histoire d’entreprise. Mes trois dernières années chez SAP, je suis passé de l’Europe à la responsabilité des produits (dont les ERP et toutes les solutions pour l’industrie). Mon objectif était de développer une solution cloud. Je me suis battu pour ça à l’époque. Mais je me suis aperçu à quel point c’était difficile, avec tout le legacy et en venant d’un monde « on prem ».
Et déjà à l’époque, pour moi, un des modèles dont il fallait s’inspirer était Workday – une des rares vraies alternatives à SAP ou Oracle.
Comme j’ai passé pas mal de temps sur les produits et à la R&D chez SAP, la première chose que j’ai faite en arrivant chez Workday a été de me plonger directement dans le produit et dans sa technologie. Et cela n’a fait que me conforter dans l’idée que c’était vraiment ce qu’il fallait faire. C’est la nouvelle génération d’ERP.
Et j’ai vu tellement de générations d’ERP depuis les années 80, que ça ne pouvait que m’intéresser de participer à la nouvelle vague.
LeMagIT : Chez SAP, vous vouliez pousser le cloud, mais ce n’était pas simple, dîtes-vous. Pourtant, le discours officiel de SAP c’est quand même qu’ils font tout pour y aller. Mais de l’intérieur, finalement ce n’était pas cela ?
Franck CohenWorkday
Franck Cohen : Ce que je dis, c’est que pour toutes les solutions qui ont un passé aussi large que celles de SAP, il n’est pas facile de couper le cordon ombilical au niveau technique.
Mais je le comprends très bien aussi ! Il y a un existant, des clients, un passé. De gros clients ont dépensé des fortunes. SAP ne peut pas les laisser sur le bord de la route. Je comprends parfaitement tout cela. Mais quand on vient d’un monde ABAP et NetWeaver, je comprends aussi que cela rend les choses beaucoup plus compliquées pour aller vers le cloud.
Je pense fondamentalement que SAP a fait de son mieux pour essayer de combiner des demandes parfois contradictoires. Et je m’aperçois encore plus aujourd’hui que ce n’est pas facile de les combiner.
Dans la deuxième partie de cette suite d’entretiens, Franck Cohen déchiffre la stratégie qui a mené SAP à faire HANA, l’évolution du marché de l’ERP pour les très gros groupes, et pourquoi Workday a réussi à y percer.
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