Oracle – Cerner : « le potentiel de l’analytique big data dans la santé est colossal » (Forrester)
Intégration de systèmes pléthoriques et historiquement en silos, sécurité ultrasensible, cloudification à faire, nouvelles sources de données externes à anticiper : les défis ne manquent pas pour Oracle avec son rachat de Cerner. Mais le potentiel de la fusion est « énorme », dixit Natalie Schibell, analyste de Forrester.
L’acquisition de Cerner par Oracle a un potentiel énorme. Mais son succès dépendra d’un facteur clef : la stratégie cloud d’Oracle qui devra lui permettre d’exploiter la puissance des données des dossiers médicaux numériques, mais aussi celle des données qui n’y sont pas.
2022 sera en effet l’année où l’analytique Big Data va mûrir dans la santé, que ce soit pour aider à la personnalisation ou à la prise de décision clinique. Les montées en puissance du « consumérisme » et de l’évaluation plus fine de la « valeur » des soins se traduiront par un afflux de données. Ces nouvelles données seront générées à la fois par les « wearables » grand public et des dispositifs de monitoring à distance de patients.
Les plateformes qui motorisent les dossiers médicaux électroniques devront s’y adapter. Elles devront donc s’appuyer sur l’Intelligence Artificielle et le Machine Learning pour analyser ces sources de données médicales externes, pour équilibrer les ressources internes, pour contenir les coûts, pour réduire le gaspillage et pour optimiser les workflows cliniques.
Le premier chantier : l’interopérabilité des données
Pour concrétiser toute cette valeur que promet l’accord entre Oracle et Cerner, Oracle aura besoin d’une stratégie gagnante pour assurer l’interopérabilité des données de santé.
Les organisations (CHU, etc.) sont aux prises avec cette problématique depuis que les dossiers médicaux électroniques existent. Par exemple, le gouvernement américain a certes dépensé 36 milliards de dollars pour numériser ces dossiers. Et certes cela a généré une quantité incroyable de données. Mais une grande partie de ces informations n’est pas structurée et les données sont le plus souvent stockées dans des dépôts séparés les uns des autres – des sources en silo.
Les hôpitaux ont un réseau complexe de fournisseurs pour gérer leurs données médicales (Electronic Health Record). En moyenne, on compte 18 fournisseurs EHR par établissement. L'absence de framework pour rendre leurs données interopérables empêche les cliniciens d'avoir une vue à 360 degrés des patients tout au long du continuum de soins.
La pandémie a encore plus mis en lumière la fragmentation des soins dans les systèmes de santé et les problèmes que posent des données disparates et cloisonnées. Ce dysfonctionnement continue de miner l’efficacité des workflows, d’augmenter les coûts, et en fin de compte, empêche les soins d’être plus « data-driven ».
Oracle et Cerner vont donc devoir résoudre l’un des plus grands défis actuels de l’informatique de santé : rassembler toutes les données, les convertir en un format unifié et standard, et les rendre interopérables.
À partir de là, ces données pourront être ingérées par des algorithmes et être transformées en « insights » pour aider les médecins et les équipes soignantes à prendre des décisions en s’appuyant réellement sur ce patrimoine d’informations.
Concrètement, Oracle devra se concentrer sur la normalisation des plateformes de Cerner et des dossiers médicaux électroniques des patients. Cela permettra l’agrégation des données dans des data lakes, puis l’usage de l’IA et du ML pour mieux aiguiller les décisions cliniques et améliorer les retombées positives de la donnée pour les patients.
De nombreuses opportunités du Big Data dans la Santé
Car ces bénéfices sont nombreux. Et le potentiel de l’analytique big data dans la santé est absolument colossal.
Natalie SchibellForrester Research
Le big data permet de maintenir les patients en bonne santé et de prévenir certaines maladies dans des environnements distants. Plusieurs dispositifs médicaux grand public et des wearables (comme Fitbit et la Apple Watch) sont même désormais approuvés par des organismes officiels (comme la FDA aux États-Unis) pour superviser les niveaux d’activité physique des patients et remonter des tendances sanitaires spécifiques.
Le big data alimente aussi les progrès de la médecine de précision. Combiner la génétique, l’environnement et le mode de vie d’une personne permet de déterminer de meilleures approches pour prévenir ou traiter une maladie.
Les outils Big data d’aide à la décision peuvent aussi repérer les erreurs de prescription en amont, avant qu’elles ne se soient faites.
Et dans la recherche, les scientifiques et les organismes de financement intègrent et partagent aujourd’hui leurs données dans des lacs de données, pour ne pas dire des « océans de données ».
Les atouts du cloud
Pour tirer parti de ces données et les traiter dans ce nouveau paradigme de santé « data driven », Oracle devra aussi accélérer la migration de Cerner vers le cloud.
Les serveurs du cloud d’Oracle pourront être exploités pour permettre l’import et l’export de données depuis et vers les EHR pour que les médecins et les équipes chargées des soins puissent surveiller au plus près les biomarqueurs.
Natalie SchibellForrester Research
La puissance de l’informatique hyperscale ouvrira également la porte à une pléthore d’opportunités de recherches et d’analyses.
Plus largement, passer du big data brut à des insights exploitables devrait aussi aider les établissements de santé à évoluer d’un modèle de rémunération à l’acte vers un modèle qui prendra plus en compte la valeur du soin.
Pour réussir à « disrupter » la santé, Oracle va devoir se concentrer sur trois domaines stratégiques.
Le premier est l’optimisation et la modernisation digitale pour créer une connaissance situationnelle en temps réel pour le patient et le fournisseur.
Le deuxième est l’optimisation et l’orchestration des workflows métiers et cliniques – en utilisant l’intelligence opérationnelle et les informations exploitables.
Le troisième est l’amélioration de la collaboration entre les équipes par la communication, l’engagement des patients et les solutions virtuelles de soins. À mesure que les soins se déplacent en dehors des hôpitaux vers le domicile des patients, les plateformes de Cerner devront s’adapter à cette évolution (ce qui passe, comme nous l’avons dit, par l’analytique big data, l’IA et le ML, et le cloud).
Conclusion : l’impératif de cybersécurité
Oracle devra donc outiller le dossier médical électronique pour le préparer à ces soins virtuels qui vont être amenés à se développer, y compris pour des soins lourds.
Une stratégie cloud proactive et moderne devra anticiper et appuyer ces échanges de données, avec des données interopérables, conservées dans un dossier de soins complets et pérennes… et partagés en toute sécurité
Car dans la Santé, sécuriser les données est tout aussi important que de tirer parti de leur puissance. À mesure qu’Oracle voudra croître dans le secteur, son investissement dans la cybersécurité devra également croître de manière exponentielle.