« Nous avons transféré les connaissances d’Oracle dans la blockchain », Amit Zavery (Oracle)
A l'occasion du lancement officiel de sa Blockchain as a Service (BaaS), le Vice-Président de l'Oracle Cloud Platform explique la démarche de l'éditeur, les chantiers internes concernant la Blockchain, son choix du BaaS, et la spécificité de son offre.
En octobre dernier, Mark Hurd, le co-président d’Oracle, lançait dans un salon privé de l’OpenWorld 2017 que la blockchain n’était pas le « Next Big Thing » (« le prochain gros truc ») mais, peut-être, le « next Next Big Thing » (le gros truc suivant). Depuis, la ligne directrice de l’éditeur n’a pas fondamentalement changé.
L’Intelligence Artificielle dans les applications, la cloudification de ses revenus, et les « bases autonomes » restent les trois noyaux au coeur de sa stratégie.
Ceci étant, le leader mondial de la base de données se garde bien d’être anti-blockchain. Il lorgne et investit aussi du côté de ces technologies de registres distribués. Et pour cause, si la blockchain a des usages – les PoC (Proof Of Concept) diront où et quand - elle remplacera des SGBD ou des systèmes distribués d’enregistrement de données, deux secteurs clefs pour Oracle. L’éditeur a donc logiquement décidé de se préparer à se cannibaliser en explorant la blockchain plutôt que de se faire rogner par la concurrence.
Après une première annonce l’année dernière (au même OpenWorld 2017) de la bêta d’un service de blockchain hébergée dans son PaaS, Oracle a officiellement rendu publique en juillet sa toute première offre disponible en production.
Pour l’occasion, Amit Zavery, Executive Vice President, Oracle Cloud Platform, est revenu dans un échange avec la presse internationale sur les motivations d’Oracle, les cas d’usages réels, la différence avec les bases classiques et la spécificité de son offre.
La première partie de cet entretien aborde l'intérêt (et la pertinence) d'Oracle pour ce marché naissant.
LeMagIT : Pouvez-vous revenir sur l’offre de blockchain que vous venez de lancer ?
Amit Zavery : Il s'agit d'une offre cloud (NDR : Blockchain as a Service) qui est entièrement gérée par Oracle. Elle s’appuie sur le standard Hyperledger Fabric de la Linux Foundation. L’offre est prête pour les mises en production depuis juillet. Elle est disponible dans presque tous les pays et pour tous les types de clients.
LeMagIT : Quel est l’intérêt d’une blockchain dans le cloud ?
Amit Zavery : Un des intérêts est que nous assurons toute la gestion du cycle de vie autour du provisionnement, de la mise à jour et de la sauvegarde. Nous veillons à ce que ce soit une blockchain facile à gérer, et que personne n'ait quoi que ce soit à faire pour l’utiliser.
En tant que client, vous travaillez sur votre chaîne de blocs plutôt que de gérer son implémentation.
Comme c’est une offre cloud, nous proposons ce service sous forme d'abonnement. Vous payez au fur et à mesure - et vous payez uniquement pour ce que vous utilisez - en fonction de vos besoins spécifiques.
Notre plate-forme de cloud continue d'évoluer pour intégrer de nombreuses fonctionnalités et la blockchain est clairement l'une d'entre elles.
LeMagIT : Pourquoi Oracle serait-il mieux placé qu’un autre pour « simplifier » la blockchain ?
Amit Zavery : Nous avons beaucoup travaillé en nous appuyant sur notre expérience dans le domaine des transactions distribuées et des logiciels d'entreprise. Nous avons transféré ces connaissances d’Oracle dans la chaîne de blocs.
Tout comme nous avons veillé à ce qu’elle soit simple à déployer et à gérer, nous veillons également à ce que notre service de blockchain réponde au niveau d’exigence professionnelle des entreprises.
Un de nos plus gros chantiers a été de rendre la blockchain hautement disponible, évolutive et sécurisée. Le but est que les développeurs puissent construire des applications critiques sur notre blockchain qui soient facilement exécutables et implémentables sans avoir à se soucier de ces problèmes.
Amit Zavery, Oracle Cloud Platform
Nos équipes en charge des applications utilisent et construisent aussi un grand nombre de solutions de registres distribués spécifiques, pour différentes industries. Nous travaillons avec de nombreux clients et des partenaires pour les accompagner dans ces cas d'utilisation spécifiques.
On constate d’ailleurs que la blockchain concerne de plus en plus de secteurs et quasiment toutes les régions géographiques. Nous avons vu des cas dans tous les domaines. Cela devient très encourageant.
LeMagIT : Justement, vous parlez de clients qui utilisent déjà votre BaaS (Blockchain as a Service). Pouvez-vous en citer ?
Amit Zavery : Oui, bien sûr. En Afrique une agence gouvernementale comme les douanes nigérianes utilisent la blockchain pour identifier les marchandises contrefaites et les licences frauduleuses. Elles mettent l'information dans un registre qui est ouvert aux tiers et aux partenaires pour faciliter les vérifications et les demandes.
La blockchain améliorera également le recouvrement des droits de douane. Cette agence travaille de façon très active sur cette technologie pour améliorer son efficacité, réduire ses coûts, améliorer la visibilité pour les utilisateurs et optimiser la collecte.
C’est un exemple mais nous avons bien d’autres clients en production.
LeMagIT : Lesquels ?
Amit Zavery : Je n’ai pas le droit de les citer tous mais aux Etats-Unis, nous avons signé Solar Site Design. Au Moyen-Orient nous travaillons avec la Arab Jordan Investment Bank. En Asie-Pacifique, il y a CargoSmart qui est une grande entreprise de logistique et d'expédition. En Amérique latine, Intelipost pour la gestion des colis et des documents d'expédition.
LeMagIT : Et en Europe ?
Amit Zavery : En Europe, parmi nos « early adopters » je peux citer Certified Origins, qui fait le suivi des chaînes d'approvisionnement en utilisant notre blockchain pour s'assurer que toutes les marchandises sont livrées à temps et pour contrôler la qualité.
Vous le voyez, il y a un large éventail de clients et des industries très diverses qui travaillent avec nous.
LeMagIT : Vous avez également sorti des APIs. Pouvez-vous préciser pourquoi, à quoi elles servent et quelle est leur logique ?
Amit Zavery : Nous fournissons effectivement un ensemble d'APIs. La blockchain change très vite, avec de nombreuses innovations et des mises à jour. Avec cet ensemble d’APIs, nous facilitons la vie des développeurs (NDR qui peuvent appeler le registre blockchain avec elles) et nous, nous continuons à fournir les mises à jour sous-jacentes et à nous assurer que les clients n'aient pas à réécrire leurs applications.
Amit Zavery, Oracle
En quelque sorte nous rendons la blockchain « Futur Proof » (sic), le tout en gardant des standards très ouverts. Ce sont deux points clefs de ce que nous avons fait.
LeMagIT : Votre blockchain est-elle 100 % cloud public ou prévoyez-vous d’autres options de déploiement ?
Amit Zavery : Nous permettons à nos clients d'exécuter ce service aussi bien dans notre cloud public que dans leurs centres de données - qu'il s'agisse de leurs propres centres de données ou d'un centre de données géré par un partenaire. Nous sommes très souples quant à la façon dont vous la déployez... mais elle est entièrement gérée par nous.
Dans la version sur Oracle Cloud (NDR : PaaS public), n'importe quel utilisateur peut s'inscrire, créer un compte test, et l'essayer. S'il est satisfait, il peut payer au fur et à mesure en fonction de son utilisation. Il peut aussi avoir un contrat avec nous sur une base mensuelle ou annuelle.
Dès le départ, vous pouvez voir combien cela coûte. Et vous ne payez que si vous l'utilisez. Si vous ne l'utilisez pas, vous ne payez pas. Il s'agit d'une tarification simple et directe. Tous les prix sont publics et consultables sur le site cloud.oracle.com.
Amit Zavery, Oracle Executive Vice-President, Oracle
Nous travaillons également en partenariat avec de nombreux opérateurs et intégrateurs de systèmes pour accompagner l'adoption de cette technologie par les clients, tant du point de vue des applications que du point de vue de la mise en œuvre.
Ce service est disponible dans le monde entier et peut être utilisé dans n'importe quel pays et dans n'importe quelle industrie.
Je me répète mais avec cette offre nous avons cherché à éliminer la pénibilité de la gestion et de la maintenance de la blockchain, en nous concentrant sur les besoins réels des entreprises. C'est représentatif de ce que nous faisons dans le cloud.
LeMagIT : Vous dîtes que votre service de blockchain est représentatif de ce que vous faites dans le cloud. Vous investissez massivement dans le cloud. Oracle prévoit donc d'investir plus dans la blockchain également ?
Amit Zavery : Oui, la blockchain est une partie importante de notre plateforme. Nous continuerons d'investir dedans. Nous continuerons à ajouter de nouvelles fonctionnalités et à faire évoluer notre plate-forme en fonction des cas d'utilisation que nous verrons apparaitre avec nos clients et en regardant ce qui se passe dans l'industrie.
LeMagIT : Dans une chaîne de blocs, les nœuds sont distribués. Vous allez gérer certains de ces nœuds dans votre cloud. Peut-on imaginer d'autres nœuds sur site - et/ou avec une version plus ancienne de Hyperledger ? Et comment puis-je déployer Oracle Hyperledger sur site si je veux garder le registre sur mon infrastructure ?
Amit Zavery : C'est une très bonne question. Pour répondre à votre première remarque, la réponse est "oui". Je pense qu'il est important d'être capable d'interopérer entre différentes implémentations et différentes versions.
Amit Zavery, Oracle Cloud Platform
Et pour votre deuxième question, nous avons la possibilité de déployer Hyperledger - notre implémentation - sur site avec ce que nous appelons Cloud@Customer (NDR : une appliance). Ce sont les mêmes fonctionnalités et la même couche logicielle que dans notre cloud, mais vous avez la flexibilité de choisir physiquement l'emplacement du déploiement. Les clients qui veulent gérer et exploiter leur propre environnement - peut-être pour des questions de protection de la vie privée ou pour des questions de réglementation gouvernementale - peuvent mettre en œuvre et exploiter notre service de blockchain derrière leur propre pare-feu et contrôler leurs nœuds.
Dans la deuxième partie de cet entretien, Amit Zavery donnera sa vision de la maturité du marché de la blockchain.