La 5G est un enjeu B2B autant que métier (entretien avec Helmut Reisinger, OBS)
Dans un entretien au MagIT, Helmut Reisinger, le patron d’Orange Business Services, explique pourquoi la 5G est un enjeu de compétitivité industrielle.
À la tête d’OBS depuis un an, Helmut Reisinger donne sa vision de ce qu’il appelle l’internet des entreprises. Pour lui, la 5G va être un élément déclencheur et va accélérer la numérisation du secteur industriel français. Il envisage ainsi le rapprochement entre la chaine de valeurs industrielle et celle des données. Entretien réalisé lors de la 2e édition de l’OBS Summit, qui s’est tenu au Palais Brongniart (Paris) le 18 avril 2019.
LeMagIT : qu'apportera la 5G dans le B2B ?
Helmut Reisinger : La digitalisation temps réel, c’est un point crucial. Vincent Bedouin, le PDG de Lacroix, l’a résumé en une phrase clé : « le temps réel c’est du cash ». La 5G apporte le temps réel à l’entreprise car, d’un point de vue technique, la latence est beaucoup plus faible. La 5G sera une opportunité pour créer de nouveaux business, de nouvelles façons de travailler ensemble autour d’une chaîne de valeur. Comme l’a constaté Philippe Varin, président de France Industrie, la partie industrielle des entreprises (OT pour Operational Technology) n’est qu’à 20 % numérisée. Ces 20 %, nous voulons les amener à 80 % parce que le temps réel apporte productivité et compétitivité. L’autre phénomène en lien avec la 5G est bien sûr la massification des objets connectés dans l’OT.
La 5G permettra aussi la création de réseau de campus mobile privé. Sur un site industriel, de nombreux objets sont en mouvements, le personnel se déplace, des véhicules circulent. Le Bluetooth et le Wifi sont limités. De nouvelles applications sont envisageables grâce à ce campus mobile privé, par exemple des drones qui enverront des images vidéo en temps réel.
LeMagIT : comment comptez-vous aider ces entreprises industrielles ?
Helmut Reisinger : Notre approche avec l'industrie française, que ce soit des professionnels indépendants, des PMI, des grandes entreprises, c'est vraiment la co-innovation. Schneider Electric par exemple s’est félicité de cette démarche de co-construction. Pour nous, la question de la 5G, c'est un grand enjeu B2B mais c'est aussi un grand enjeu de connaissance du métier. C’est pourquoi nous nous préparons pour acquérir cette connaissance, ce savoir-faire, pour pouvoir nous engager sur la partie production industrielle d'un client, sur les villes intelligentes. Nous aurons une approche métier. C’est pourquoi nous créons des structures autour de l'industrie du futur, de l'automobile ou mobilité de l’avenir, de l’e-santé et la quatrième autour des villes intelligentes.
LeMagIT : si l’OT n’est pas encore très développée en France, c’est peut-être que les entreprises n’y ont pas trouvé d’intérêt…
Helmut Reisinger : À côté de la chaîne de valeurs industrielle, il y a la chaîne de valeur des données, c’est ce que nous appelons le voyage de données, c'est-à-dire la génération de données, leur collecte, leur transport (les réseaux), leur stockage (le cloud), leur valorisation (l’analytics), leur partage. Et tout au long de ce voyage, il faut les sécuriser. Ces deux chaînes de valeurs, industrielle plus digitale, vont devenir un écosystème « digi-industriel ». Nous croyons à la convergence IT et OT. C’est l’occasion de rendre l’industrie française beaucoup plus compétitive au niveau mondial.
LeMagIT : Cela signifie-t-il que vous vous positionnez sur l’ensemble de cette chaine ?
Helmut Reisinger : En 2015, 30 % des données générées sur la planète venaient des entreprises. Ce sera 60 % en 2025. En 2015, c’était le succès des vidéos sur smartphone avec Youtube. En 2025, l’Internet des objets sera à l’origine de cette augmentation.
C'est pourquoi nous pensons que c'est important d'avoir non seulement un cerveau telco mais aussi un cerveau IT.
Aujourd'hui , plus de 30 % de nos activités sont IT. Dans le Gartner Magic Quadrant de janvier 2019 pour les services réseau, nous sommes devenus numéro 1 mondial dans la gestion des réseaux, nous, une entreprise française ! Et ce, devant les Américains ATT et Verizon, car nous sommes capables de gérer la partie IT au-dessus de la couche réseau, qui est plus ou moins plus virtualisée.
Nous avons quatre importants vecteurs de croissance, en dehors du réseau : le cloud, la cybersécurité, l’analytics et la 5G. Sur ces quatre secteurs, nous avons déjà une taille critique avec plus de 6000 salariés. Et nous procédons à des embauches. Nous signons aussi des partenariats parce que nous nous positionnons en tant que « Carrier grade integrator », intégrateur qui a la fiabilité d'un telco.
LeMagIT : Sur le cloud, vous n’êtes pas parmi les leaders, et le cloud souverain Cloudwatt n’a pas été un franc succès…
Helmut Reisinger : Cloudwatt, c’est de l’histoire. Nous avons acquis l’an dernier Basefarm, présente notamment en Norvège, en Suède, en Allemagne, en Autriche et aux Pays-Bas. Grâce à cette acquisition, nous avons énormément augmenté notre crédibilité. Nos grands clients doivent faire confiance à leur fournisseur de cloud, mais se soucient de la cyberdéfense associée, de la protection de la propriété intellectuelle de l’entreprise. C’est une problématique qui n’est pas gagnée par les fournisseurs d’outre-Atlantique.