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Forrester : se préparer à l’ère du PC IA
Les fabricants de PC s’invitent à la fête de l’intelligence artificielle. Il existe désormais un certain nombre d’appareils qui intègrent du matériel d’accélération de l’IA.
Les ordinateurs (PC) infusés à l’intelligence artificielle (IA) ont été au cœur de l’édition 2024 du Consumer Electronics Show (CES), qui s’est tenue à Las Vegas en début d’année. Les fabricants de PC et de puces – comme AMD, Dell, HP, Lenovo, Intel et Nvidia, etc. – ont presque tous annoncé des innovations qui font que certains appellent déjà 2 024 « l’année de l’IA pour les PC ».
Une cinquantaine de modèles d’ordinateurs « intelligents » seront bientôt sur le marché. Et plusieurs puces « intelligentes » sont d’ores et déjà prêtes à être déployées dans les entreprises.
Chez Forrester, nous nous attendons à ce que ce soient les fonctions avec des besoins IT et computationnelles poussées – comme les créatifs, les data scientists et les développeurs – qui bénéficient considérablement de ces nouvelles machines.
Bien que les professionnels utilisent l’IA en local depuis des années – pensez au floutage automatique d’arrière-plan ou à l’annulation du bruit dans les réunions –, la plupart des traitements se font encore par le biais de services cloud. Les PC infusés à l’IA bouleversent ce modèle en réimportant ce traitement sur les terminaux, quel que soit l’OS.
Mais qu’est-ce exactement qu’un PC IA ?
Forrester définit un PC IA comme un PC équipé d’algorithmes spécifiquement conçus pour améliorer l’expérience utilisateur et la prise en charge des traitements liés à l’IA au travers de trois puces distinctes, un CPU (unité centrale de traitement), un GPU (unité de traitement graphique) et un NPU (unité de traitement neuronal).
Après la sortie de ChatGPT en novembre 2022, l’idée d’un PC IA – qui tirerait parti de l’immense potentiel de l’IA générative (GenAI) ainsi que d’autres types d’IA – a rapidement attiré l’attention des dirigeants qui cherchaient des moyens d’apporter cette technologie à chaque employé, sur chaque point de terminaison, dans chaque organisation.
Devenus réalité, ces appareils promettent d’augmenter considérablement la productivité des collaborateurs. Et les responsables IT ainsi que les chefs d’entreprise prévoient déjà de nombreux cas d’usage (création de contenu, transcription de réunions, développement de code, etc.).
Avantages d’un PC IA
On l’a dit, les applications de GenAI taillées pour les entreprises, comme Microsoft Copilot, fonctionnent le plus souvent comme des services cloud. Les exécuter localement leur permet d’interagir avec le matériel local (caméras, microphones, etc.) avec moins de latence.
Les développeurs auront aussi la possibilité d’utiliser les puces du PC pour imaginer de nouveaux logiciels qui permettent des cas d’usages inédits, en particulier pour les créatifs.
Par exemple, l’éditeur de logiciels d’édition musicale open source Audacity collabore avec Intel pour offrir aux musiciens des capacités de production audio augmentée à l’IA (text-to-audio, la séparation des instruments ou la transcription de la voix en texte).
Autre exemple, l’éditeur de logiciels Topaz Labs permet désormais, grâce à la technologie Ryzen AI d’AMD, d’exécuter des fonctions d’amélioration de photos et de vidéos par l’IA en local, beaucoup plus rapidement qu’ils ne pouvaient le faire il y a quatre ans sur des ordinateurs dotés uniquement de GPU.
Un PC IA permet également d’améliorer l’expérience collaborative. Les puces dédiées à l’IA amélioreront encore des fonctions de collaboration classiques comme les fonds virtuels, en répartissant les besoins de calcul entre le CPU, le GPU et le NPU. L’IA traitée en local distinguera de manière beaucoup plus fine le sujet et l’arrière-plan.
Plus important encore, l’IA sur le PC permettra de nouveaux cas d’usages, comme le cadrage automatique, le réglage de l’éclairage ou les avatars numériques.
Un autre avantage des puces dédiées à l’IA embarquées dans les PC est qu’elles permettent d’optimiser les performances et la longévité des appareils.
Faire tourner une IA était faisable sur les PC actuels, mais cela épuisait rapidement la batterie. L’ajout d’un NPU permettra d’en préserver la durée de vie. La supervision des vitesses d’horloge, des ventilateurs ou des températures des composants alimentera également les algorithmes en local, afin d’optimiser les performances de la machine, d’anticiper les pannes et de prolonger la durée de vie globale de l’ordinateur.
L’exécution locale des modèles réduira également les temps de latence et permettra même aux employés d’accéder aux fonctionnalités infusées à l’IA sans connexion internet.
Parmi les autres avantages, citons la capacité à fournir une IT personnalisée qui facilite grandement le travail des employés.
Les PC IA apprendront en effet à connaître les préférences et les comportements de l’utilisateur au fil du temps. Et ils s’adapteront en conséquence. Ils seront capables de comprendre des traits personnels comme les accents et les modes d’élocution, grâce aux microphones, afin de créer des réponses plus précises aux courriels.
Ils seront également capables d’apprendre des préférences individuelles, par exemple en filtrant les notifications et les contenus distrayants pendant qu’un développeur essaie de coder, ou en alertant un vendeur lorsqu’un prospect à fort potentiel lui répond par mail.
Chez Forrester, nous pensons que le PC infusé à l’IA fournira même des suggestions sur la meilleure façon de structurer sa journée pour une productivité optimale.
L’étude Forrester Forrester workforce survey, 2023 estime que 68 % des employés qui utilisent un ordinateur au moins une fois par semaine reconnaissent qu’ils gagneraient en productivité s’ils avaient un appareil doté de fonctions de confort et « bien-être ». Les écrans anti-lumière bleue, les effets d’atténuation de la lumière qui imitent les rythmes circadiens, ou les schémas de couleurs en niveaux de gris qui limitent l’exposition à la lumière nocive existent depuis des années. L’IA renforcera ces effets grâce à des fonctionnalités comme la suggestion d’ajustements ergonomiques par rapport à la posture adoptée lors d’une réunion, l’incitation des employés à prendre des pauses pour s’étirer et la transcription automatique de la voix en texte pour les personnes malentendantes.
Prévisions concernant l’adoption de l’IA sur PC
Bien que les avantages du PC infusé à l’IA soient enthousiasmants, ils ne suffisent pas forcément à convaincre les acheteurs IT. Pourquoi ? Parce que les décideurs IT ne prennent pas leurs décisions d’achat de PC uniquement sur les effets de l’expérience. Le prix détermine aussi l’achat, tout comme les considérations sur la confidentialité et la sécurité.
La confidentialité des données et la sécurité sont des préoccupations majeures pour la GenAI (55 % des décideurs indiquent que leur organisation développe des contrôles et des politiques sur ce sujet). Une étude récente de Cisco montre qu’une organisation sur quatre a interdit l’utilisation de la GenAI pour des raisons de confidentialité des données. Le PC IA permettra aux employés de mieux contrôler les données qui restent en local et celles qui sont envoyées dans le cloud. Ce qui devrait éviter des problèmes comme l’utilisation de données privées pour l’entraînement des IA, ainsi que les violations de droits d’auteur et de brevets.
L’IA en local pourrait également aider d’une autre manière : par exemple, les caméras augmentées à l’IA pourraient alerter un employé si quelqu’un espionne son écran dans son dos pendant qu’il est au téléphone.
C’est connu, exploiter une IA dans le cloud coûte cher. L’exemple de Latitude le montre bien. La start-up spécialisée dans les jeux a vu ses frais de cloud computing grimper en flèche en 2021 pour atteindre près de 200 000 dollars par mois, lorsque son jeu AI Dungeon est devenu plus populaire. D’autres coûts liés à l’IA dans le cloud augmentent également : le matériel, les logiciels ou la main-d’œuvre. Tous ces coûts ne feront qu’augmenter avec l’utilisation itérative de plus en plus forte du cloud, que ce soit pour faire de l’IA générative personnalisée ou du Bring Your Own AI.
Parce qu’ils font tourner ces modèles en local, les PC IA réduiront considérablement la facture cloud. Ce qui pourrait fortement pousser les entreprises à les adopter. Aujourd’hui, un PC infusé à l’IA coûte entre 1 000 et 3 000 $. Même si on y ajoute le prix des logiciels associés, la facture ne représente que des clopinettes par rapport à l’hébergement et à l’exploitation de modèles d’IA dans le cloud.
C’est l’une des principales raisons pour lesquelles Apple et Samsung mettent la GenAI au cœur de leurs OS respectifs.
Mais il reste un grand « mais ». Pour la plupart des « travailleurs du savoir », il n’y a pas aujourd’hui suffisamment d’applications infusées à l’IA et de fonctionnalités augmentées qui changent véritablement la donne pour les tâches quotidiennes, et qui soient capables de pousser à l’adoption rapide de l’IA directement embarquée dans les PCs.
Cet article est basé sur un extrait du rapport « The year of the AI PC is 2025 » de Forrester, rédigé par Andrew Hewitt, analyste principal chez Forrester, avec Glenn O’Donnell, JP Gownder, Paddy Harrington, Paige Ludl et Frank Harris.