Sergey Nivens - stock.adobe.com
ERP : les trois grands axes de développement de Cegid dans l’IA
Tout comme la cloudification, l’infusion de l’Intelligence Artificielle dans les applications métiers et dans les ERP prend différentes formes. Et rencontre des accueils très différents de la part des clients.
Nouvelles fonctionnalités dans les produits, ergonomie revisitée pour l’ERP, différentes applications de l’IA. Dans la seconde partie de cet entretien (la première abordait la question de la cloudification), le Chief Product » et « R&D Officer » de Cegid revient sur les évolutions récentes de la gamme de l’éditeur français.
Dans la troisième partie de cet échange avec LeMagIT, André Brunetière dévoilera les promesses et les perspectives de Cegid pour 2021.
Évolutions des produits en 2020
LeMagIT : Si on plonge dans les produits, pouvez-vous faire un bilan de ce que vous avez fait évoluer de manière significative en 2020 ? On parle d’une forte demande pour le e-commerce, qu’avez-vous fait dans ce domaine ?
André Brunetière : Nous n’avons pas d’offre e-boutique/e-commerce, mais nous avons beaucoup développé le back-office pour les faire fonctionner. C’est-à-dire : comment brancher mon site à mon produit cœur de métier pour bien synchroniser mes stocks, pour tenir à jour les tarifs, pour finaliser une transaction commencée en ligne dans un endroit physique, etc. Comment on assure cette cohérence de données ? Nous avons beaucoup travaillé les passerelles de communication avec les sites e-commerce, dans les deux sens.
LeMagIT : Ce n’est pas vraiment nouveau pour Cegid, si ?
André Brunetière : Non, ce n’est pas nouveau en 2020. Ce sont effectivement des fonctionnalités que nous avons commencé à développer en 2017 et que nous avons enrichies au fil du temps avec les demandes des clients. Mais ce qui est nouveau c’est qu’elles ont vraiment connu une accélération sur le marché en 2020.
Dans les nouveautés produits de cette année, je vais prendre domaine par domaine.
Donc, sur le Retail, nous avons consolidé et standardisé tous les usages de manière à avoir un package complet à proposer à nos clients.
Côté paie et RH, il faut bien avouer que nous avons passé l’année à suivre l’administration dans ses dispositifs d’ajustement permanents : par exemple, comment régler la question des mutuelles sur l’activité partielle (ce qu’on a mis dans notre moteur de calcul). Nous nous sommes donc beaucoup focalisés sur le « légal ».
Ceci dit, nous avons quand même fait du travail de fond pour investir. Au-delà de donner les tableaux classiques qu’on trouve dans les BDES (qui s’appelaient les bilans sociaux avant), nous travaillons sur la manière de donner plus de facilités aux utilisateurs pour explorer les données. Et sur tout ce qui est « self-service salarié » ou « self-service manager » – où l’on avait des expériences très attachées à l’ergonomie du produit –, nous nous dirigeons vers des ergonomies complètement détachées, qui fonctionnent sur mobile. Nous avons pas mal exploré en 2020 et nous prévoyons des sorties de produits sur 2021.
Sur la partie taxes, nous avons finalisé la migration en SaaS de la plupart de nos clients. Et là, on avait deux options : soit leur proposer de passer de leur produit on premise historique (Optim’IS) vers le même produit SaaS, soit de passer au produit de nouvelle génération (Cegid Tax Ultimate). Nous avons aidé nos clients sur ses deux chemins. Le travail de fond que l’on a fait ensuite a été de réduire l’écart entre les deux produits. Forcément, un produit nouveau n’a pas toutes les fonctionnalités d’un produit historique. De cette manière, au fil du temps, nous n’aurons plus qu’une seule solution qui convienne à tous.
Côté ERP, nous avons eu plusieurs projets.
Après la migration de nos écrans en HTML5, nous avons revisité dans sa globalité l’ergonomie de Cegid XRP Ultimate (ex-Qualiac). Un premier lot de livraison est arrivé fin 2020. Au fil de 2021, on va continuer cette évolution.
Évolutions clefs des ERP de Cegid en 2020
LeMagIT : Qu’avez-vous apporté à cette UI ?
André Brunetière : Concrètement, on a un graphisme beaucoup plus épuré, vraiment fait pour les écrans web (pas avec tous les onglets, les sous-fenêtres, etc.). Nous avons changé les couleurs pour mieux coller à celles de Cegid et à l’air du temps. Nous ne sommes plus dans les gris, les jaunes et les violets des solutions client-serveur d’il y a une quinzaine d’années. Il y a par exemple beaucoup plus de blanc.
LeMagIT : Vous parliez de plusieurs projets majeurs dans l’ERP, quels sont les autres que vous avez menés en 2020 ?
André Brunetière : Nous avons ajouté des écrans-portails avec des indicateurs qui permettent d’entrer dans les données (en drill down). L’indicateur de chiffre d’affaires donne par exemple accès à un tableau détaillé où chaque ligne est cliquable. C’est de la DataViz, mais qui va jusqu’à la transaction dans l’ERP. Et si jamais il y a des choses à corriger, on peut le faire directement.
Sur Cegid XRP Flex, qui a été lancé mi 2019, nous avons accéléré en 2020 avec des partenaires qui ont réellement commencé à vendre le produit. Dans ce produit, nous avons activé deux nouveaux modules : un autour de la gestion à l’affaire, un autre autour de la gestion de la relation client. Et nous avons enrichi tous ses autres modules avec les premiers feed-back clients.
Intelligence Artificielle : une concrétisation mature avec « PIA »
LeMagIT : En 2018, l’intelligence artificielle (IA) était un sujet mis en avant lors de votre évènement au Palais des Congrès. Où en est-on côté produit ? Et d’autre part, dans l’appétence des clients ? Beaucoup d’éditeurs disent aussi qu’à part automatiser l’entrée des factures et la réconciliation bancaire, les clients ne sont en fait pas très friands d’IA. Comment voyez-vous le marché ?
André Brunetière : Vous l’avez dit, le premier point où l’intégration a été évidente et – où l’IA est attendue maintenant comme un basique dans les produits – c’est l’automatisation de la chaîne d’acquisition de données sur tous les flux entrants de factures, d’extrait de banque, etc. Nous l’avons d’abord fait pour les experts-comptables parce qu’il y avait un effet volume extrêmement important. Il y avait un fort besoin. Mais quand on fait du machine learning, le fait d’avoir du volume aide aussi beaucoup ; cela permet aux algorithmes d’apprendre plus vite.
André BrunetièreCegid
Dans ce domaine, Cegid a beaucoup investi pour, d’une part, augmenter le taux de fiabilité de lecture des éléments et de transformation en écritures comptables, et d’autre part pour améliorer le taux de fiabilité des rapprochements entre les infos bancaires et les infos comptables.
Nous avons un composant qui s’appelle PIA (Plateforme d’Intelligence Augmentée) dédié à tous ces flux entrants qui vont alimenter une solution financière. PIA est là, ce n’est pas de la science-fiction. Il est associé aux produits pour experts-comptables, dans Cegid Loop au premier chef.
Le prédictif, toujours un domaine en devenir
LeMagIT : Et le prédictif ?
André Brunetière : J’allais justement y venir ! Sur le prédictif, nous avons un Data Lab parce que nous avons la chance d’avoir beaucoup de données (liasses fiscales, factures, DSN, bulletins de salaire). La première chose qu’on a regardée avant de faire du prédictif, c’est comment utiliser cette donnée en conformité avec les réglementations, comme le RGPD. Dans un premier temps, nous avons travaillé tout ce qui est algorithmes d’anonymisation et de floutage.
Ensuite, nous avons également travaillé sur des systèmes prédictifs sur les personnes et sur les entreprises. Pour les personnes : c’est autour du risque de démission. Pour les entreprises, autour du risque de cessation de paiement. Aujourd’hui, on a des algorithmes qui fonctionnent bien.
Après, sur le risque de démission, pour être honnête, on ne perçoit pas un engouement fantastique. Les DRH nous disent plutôt « donnez-moi les fourchettes de salaires pour retenir les talents et j’en fais mon affaire ». Nous, nous pensons que cela a plus d’intérêt de donner un risque de démission si on identifie aussi les leviers pour l’éviter, en faisant du profilage et de la recherche de schémas récurrents (patterns). Parce que dans beaucoup de cas, le levier salarial n’est pas forcément celui qui peut changer la décision de l’employé qui souhaite partir.
André BrunetièreCegid
Nous continuons de travailler sur ce point. C’est presque un domaine de recherche avant d’être un domaine de développement. Mais nous n’avons pas encore trouvé le domaine où cette forme d’IA rencontrait les attentes du marché.
L’IA infuse aussi l’UI
LeMagIT : Y a-t-il un autre domaine où vous voyez des applications pour l’IA ?
André Brunetière : Et il y a un troisième domaine de l’IA que l’on travaille : l’interface utilisateur. Là on parle de langage naturel (NLP), de passer de l’OCR à la lecture intelligente, de faire de la compréhension sémantique de texte (par exemple d’un accord pour répondre aux questions des salariés sur leurs droits, etc.). Nous creusons cette piste aussi.
Le MagIT : Quelles technologies utilisez-vous pour cela ? Vous avez un accord avec un prestataire en particulier ?
André Brunetière : Non, nous utilisons des API de clouds publics (Azure, AWS). On fait un peu notre marché. Nous disposons aussi d’une équipe d’une quinzaine de data scientists qui développe des solutions. Mais, nous n’avons pas fait de partenariats structurants avec un IBM et Watson par exemple.