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Comment rendre son IA responsable ?
Si l’éthique dans l’utilisation de l’IA fait consensus, sa mise en œuvre concrète repose sur des outils de gouvernance et d’assurance efficaces. Dans cet avis d’expert, le responsable des programmes sur l’éthique et la sécurité de l’IA chez TechUK partage ses bonnes pratiques applicables partout dans le monde, et donc en France.
Les discussions autour de l’éthique numérique entrent dans une phase cruciale. Alors que les frameworks et directives se multiplient pour définir ce que devrait être une intelligence artificielle (IA) responsable, une question se pose aux organisations : comment y parvenir concrètement ?
La réponse réside moins dans de nouveaux principes éthiques que dans des outils pratiques, dans des standards et dans des mécanismes d’assurance concrets qui permettent désormais de transformer les aspirations éthiques en réalité opérationnelle.
Normes et mécanismes d’assurance
Prenons l’exemple d’un fournisseur de soins de santé qui utilise l’IA pour faire des diagnostics. Celui-ci ne peut pas se contenter de dire que le système est « juste » (dans tous les sens du terme). Il lui faut aussi des moyens concrets pour la mesurer et la garantir.
Des normes techniques comme ISO/IEC TR 24027:2021 répondent à ce besoin. Elles offrent des lignes directrices pour détecter et corriger les biais dans les systèmes d’IA. De même, des outils d’assurance tels que les métriques d’équité et les audits réguliers des biais permettent de surveiller la performance des systèmes à travers différents groupes démographiques.
Les outils d’assurance jouent aussi un rôle crucial dans la transparence. Par exemple, les model cards (ou carte de modèle) documentent de manière standardisée les capacités, et les limites et usages prévus des systèmes d’IA.
Les system cards vont plus loin. Ils décrivent le contexte global dans lequel l’IA est déployée.
Ces outils ne sont pas des formalités bureaucratiques : ils aident les organisations à comprendre et à expliquer le fonctionnement de leurs systèmes.
Responsabilité et gouvernance
Des approches innovantes émergent également dans la gouvernance de l’IA.
Les organisations vont au-delà des modèles de contrôle traditionnels pour mettre en place des comités d’éthique de l’IA et des cadres d’évaluation d’impact complets.
Ces structures garantissent une approche proactive. Elles veillent à ce que les considérations éthiques ne soient pas qu’une simple réflexion après coup, et qu’elles soient intégrées tout au long du cycle de vie du développement de l’IA.
Les mécanismes de contestabilité constituent un autre progrès significatif. Les organisations mettent en place des voies claires pour que les individus puissent contester les décisions prises par l’IA. Cela va bien au-delà d’un simple processus d’appel : ces systèmes visent une véritable responsabilité envers les personnes concernées.
Ces outils fonctionnent souvent de manière complémentaire. Par exemple, un cadre de gouvernance robuste peut combiner des normes techniques pour la sécurité, des mécanismes d’assurance pour la transparence et des processus clairs pour le suivi et le recours. Une telle approche intégrée permet de traiter plusieurs principes éthiques simultanément.
Pour l’industrie, les implications sont majeures. L’éthique de l’IA n’est plus un objectif abstrait, mais un défi d’ingénierie concret, avec des outils mesurables et des résultats tangibles.
Trois priorités pour l’avenir
Malgré ces avancées, des défis subsistent. La rapidité de l’évolution des technologies d’IA exige que les normes et les mécanismes d’assurance s’adaptent en permanence. Les petites organisations, souvent limitées par leurs ressources, rencontrent alors des difficultés pour mettre en œuvre ces outils.
Enfin, la complexité de l’IA complique encore la cohérence des pratiques éthiques.
Trois priorités se dégagent pour relever ces défis :
- Développer des outils pratiques pour rendre l’implémentation d’une IA éthique accessible, notamment pour les petites structures.
- Mieux coordonner les normes et mécanismes d’assurance afin de créer des parcours d’implémentation cohérents.
- Favoriser le partage des bonnes pratiques entre les industries pour accélérer l’apprentissage et l’adoption.
Alors que la technologie progresse, notre capacité à appliquer les principes éthiques doit suivre le rythme. Les outils et les normes actuelles offrent un cadre pratique pour y parvenir. L’enjeu désormais est de les rendre plus accessibles et plus faciles à adopter, afin que l’IA responsable devienne une réalité concrète pour toutes les organisations, quels que soient leurs moyens et leurs tailles.