Comment Apple tente de relancer la machine à cash iPhone pour dix ans
Avec son iPhone X, le groupe cible le très haut de gamme, comme il l’avait fait avec son premier iPhone il y a dix ans. Pour mieux lui redonner un statut d’icône.
Apple a-t-il perdu la tête ? Quelle mouche l’a piqué de lancer un téléphone à plus de 1000 € ? Les commentaires et critiques ont fusé après l’annonce du tout nouvel iPhone X. Mais à bien y regarder, Apple ne fait que renouveler le pari qu'il avait réussi avec son tout premier iPhone, en 2007.
A l’époque, les autres constructeurs de téléphones mobiles se gaussaient. Comment Apple allait-il se faire une place dans une distribution bien verrouillée ? Qui allait acheter cet appareil si cher ? Pour mémoire, l’iPhone est arrivé en France au prix de 749 € hors abonnement (soit près de 840 € aujourd’hui), sensiblement plus que des concurrents comme le Nokia N95. Une somme déjà rondelette, mais certains estimait que même à ce prix, l’appareil était en fait subventionné.
Certes, d’autres, comme Nokia ou BlackBerry vendaient déjà des terminaux mobiles haut de gamme. Mais Apple affichait des ambitions qui pouvaient paraître démesurées. Et pourtant. Quelques mois après son lancement, en octobre 2007, l’iPhone figurait déjà en 5e position des ventes dans le monde, derrière les Nokia 6300, Sony Ericsson K810i, Nokia N95 et N73. C’était selon l’accessoiriste Krusell.
Une icône en forme de rouleau compresseur
Un an plus tard, l’iPhone avait largement acquis un statut d’icône. A l’automne 2008 [NDLR : au tout début du MagIT], Nicolas Petit, alors directeur de la division mobilité de Microsoft France, nous confiait que l’iPhone entrait dans les entreprises au détriment des appareils de celui qui s’appelait encore RIM à l’époque (BlackBerry) ainsi que des smartphones sous Windows Mobile. Les deux allaient entamer une difficile traversée du désert
Jean-Luc Leverge, alors directeur commercial de Sybase en France (racheté plus tard par SAP), ne disait pas autre chose : « l’alternative à BlackBerry, aujourd’hui, en termes d’attirance des clients, c’est l’iPhone ».
Pourquoi ? « Parce que lorsque l’on dit à un cadre qu’il va devoir renoncer à son Blackberry, on ne peut pas lui proposer un truc comme ça [Jean-Luc Leverge montrait alors un imposant Smartphone sous Windows Mobile, NDLR]. Dans un dîner en ville, il n’aurait pas l’air ridicule avec un iPhone, par rapport à un Blackberry ».
A l’époque, le principal frein au développement de la présence de l’iPhone dans les entreprises n’était autre que… Apple lui-même. « Par exemple, on ne peut pas chiffrer les données stockées sur l’iPhone ; le SDK ne le permet pas », relevait à l'époque Jean-Luc Leverge. Le mode de distribution des logiciels, hautement contrôlé via iTunes, constituait un autre frein.
Tous deux ont été levés depuis.
Surtout, ces freins ne suffisaient pas à empêcher l’entrée de l’iPhone dans les grands comptes, peut être pas par la grande porte, mais ils y entraient. « Le déploiement des iPhone en entreprise se fait aujourd’hui de manière désordonnée ; il n’y a aucune sécurité », jugeait Jean-Luc Leverge. Il évoquait ainsi des populations « auxquelles on ne pas dire non » – direction, cadres supérieurs, etc. –, quitte à contrevenir à toutes les politiques de sécurité en œuvre dans l’entreprise, jusqu’à celles qui lui feraient refuser de déployer des Blackberry.
Mais dont le verni s’est terni
C’est à ces mêmes populations, au pouvoir d’achat élevé, qu’Apple s’adresse aujourd’hui avec l’iPhone X. Apple veut reconstruire le statut d’icône de son smartphone, relancer les ventes, reprendre une longueur d’avance sur une concurrence qui l’attaque sans relâche depuis plusieurs années.
Car en dix ans, l’iPhone s’est invité dans de nombreuses poches. Dans les entreprises, il est pour certains à l’origine de ce que l’on a appelé la consumérisation de l’IT. Aujourd’hui, plus de 80 % des activités professionnelles mobiles seraient réalisées sur des appareils iOS. Et Apple ne manque pas d’agressivité pour pérenniser cette situation.
Mais, en dix ans, l’iPhone s’est aussi et surtout banalisé. Certains choix d’Apple, en termes de design notamment, n’y sont pas pour rien : l’iPhone 7 ressemble un peu trop à l’iPhone 6s, lui-même simple rafraîchissement du 6. Quant au design de l’iPhone SE, s’il ne manque pas d’adeptes, il n’en est pas moins daté, renvoyant en fait à l’iPhone 4.
Certes, renouveler sans cesse le genre, pour un produit arrivé à maturité et aujourd’hui bien codifié, n’est pas forcément aisé. Loin de là.
C'est pourtant ce qu'Apple essaie avec l’iPhone X en allant au-delà de la seule esthétique et en intégrant de multiples technologies innovantes. Qu’importe si certaines risquent de n’avoir – au moins au début – qu’une utilité anecdotique. Elles constituent un point de départ. Elles ouvrent la voie à de nouvelles expériences utilisateur, comme l’avait fait en son temps le premier iPhone.
Apple donne donc l’impression de chercher à rejouer la séquence originelle de son smartphone, pour le relancer en engageant une nouvelle décennie. L’avenir dira si la recette fonctionne encore.