Cloud : « Beaucoup seraient très contents d’avoir les mêmes chiffres que nous » (SAP France)
Dans un entretien au MagIT, le Directeur General de SAP France revient sur la position de SAP dans le CX, sur sa performance dans le cloud en France, sur la concurrence avec Oracle, et sur la dynamique de S/4 HANA qui aurait conquis 25 % du CAC 40.
Les sujets « chauds » ne manquent pas pour SAP. Cloudification de l’offre, saut technologique avec HANA, évolution vers le CX, diversification, « guerre des ERP » avec Oracle, relation avec les groupes utilisateurs. Autant de sujets qui influenceront l’avenir de l’éditeur allemand, notamment en France, et sur lesquels LeMagIT s’est entretenu avec Frédéric Chauviré, Directeur General de la filiale locale depuis février.
Dans la première partie de cette interview (qui sera publiée en deux temps), Frédéric Chauviré dresse un tableau global de SAP en France, avec un zoom spécial sur le cloud qui aurait particulièrement « surperformé » dans le pays par rapport à SAP Monde.
LeMagIT : Quelle est la dynamique de SAP en France ?
Frédéric Chauviré : La dynamique de SAP France est bonne. En « Year To Date », la croissance des revenus logiciel et cloud de la France est supérieure à ceux du Groupe.
Nous avons eu de très bons résultats sur le Customer Expérience (CX) où nous trouvons petit à petit notre positionnement. Nous ne voulons pas nous positionner de façon frontale sur la partie CRM, mais plutôt sur « l’expérience management ». Cela résonne de plus en plus auprès de nos clients.
Frédéric ChauviréSAP France
Quand je dis « expérience management », je pense aussi bien à la dimension clients externes que clients internes (les collaborateurs). Nous voyons une jolie dynamique en train de se créer en France autour de cette partie. Cela s’explique bien. Dans le contexte actuel, les consommateurs B2C ou B2B changent beaucoup et donc les entreprises ont intérêt à mieux connaître, mieux analyser, et de façon plus régulière, leur engagement avec les clients.
LeMagIT : Pour bien repositionner le CX chez SAP, quels produits en font partie ?
Frédéric Chauviré : C’est la partie commerce, la partie marketing et Qualtrics. Des choses se développent aussi sur la partie « gestion des contacts » sur laquelle nous avons récemment fait des annonces [N.D.R. : rachat d’une Customer Data Platform avec Emersys].
Dans un monde qui bouge rapidement, la fidélité aux marques est très importante. Il y a vraiment une tendance forte sur cette partie.
LeMagIT : Et l’ERP cloud ?
Frédéric Chauviré : Il y a moins de dossiers. Mais là aussi, c’est logique. Les entreprises qui ont le moins facilement accès au financement sont les PME-PMI. Or la plupart des nouveaux dossiers sont sur ce segment.
LeMagIT : Et pour le reste du cloud de SAP ?
Frédéric Chauviré : Sur la partie achats et approvisionnements [N.D.R. : Ariba], nous avons connu un très bon premier semestre avec une très belle croissance.
Frédéric ChauviréSAP France
Plus largement, je suis vraiment fier du travail de nos équipes qui ont permis à SAP France de réengager plusieurs très grands comptes. Par exemple, S/4HANA a passé la barre des 25 % du CAC 40. Pour faire un lien avec vos articles sur la lutte avec Oracle, je pense que ce chiffre-là est assez clair.
LeMagIT : Justement, confirmez-vous qu’en France, Oracle ne vous a pris aucun gros client sur l’ERP ?
Frédéric Chauviré : Non seulement je confirme, mais sur le premier semestre, il y a un seul acteur du CAC 40 qui a changé d’ERP. Il était chez nos amis d’Oracle et il a choisi SAP. C’est un grand groupe de distribution que l’on sera très content d’annoncer d’ici peu.
Grands groupes et ETI, deux réactions différentes à la crise
LeMagIT : Pour en revenir à l’ERP plus globalement, des analystes américains comme Vinnie Mirchandani avancent qu’il y a un fort ralentissement des projets de rénovations des fondations IT des entreprises. Et cela au profit d’investissements en faveur d’outils agiles de développement d’applications métiers, qui collent plus rapidement à des besoins plus spécifiques (suivi de livraison, etc.). Voyez-vous cela aussi en France ?
Frédéric Chauviré : Je dirais que cela dépend du type de clients. Les groupes internationaux – c’est-à-dire les entreprises qui font plusieurs milliards de chiffre d’affaires – ont continué à investir dans leurs transformations… sauf, évidemment, dans des industries très affectées par la crise [N.D.R. : tourisme, etc.]. Mais sinon, nous n’avons pas vu de ralentissement sur ce segment-là.
En revanche, sur le segment des PME-PMI (moins d’un milliard de CA) qui, je le rappelle, représente 80 % de nos 450 000 clients dans le monde [N.D.R. : la proportion est quasiment la même en France], là, nous avons vu un ralentissement.
Mais on ne peut pas dire que la crise sanitaire et la crise économique provoquent une réduction des transformations des entreprises. Au contraire, certains clients ont accéléré.
LeMagIT : Et chez SAP France ? Au global, la crise a-t-elle accéléré les ventes comme chez beaucoup d’acteurs de l’IT (Microsoft, Google, Zoom, etc.) ?
Frédéric Chauviré : SAP France a surtout bénéficié de l’accélération de la transformation du marché local.
Ce qui m’importe c’est que nos clients ont choisi les innovations SAP, et cela se traduit dans nos résultats cloud. Il y en a beaucoup qui seraient très contents d’avoir les mêmes chiffres que nous.
LeMagIT : Le cloud, justement. Un éditeur concurrent avec une stratégie cloud très prononcée – Infor – dit qu’il a vu un décollage de l’ERP cloud en France cette année. Faites-vous le même constat ?
Frédéric Chauviré : Pour moi, le décollage en France a plutôt commencé il y a deux ans.
Frédéric ChauviréSAP France
Auparavant, j’étais en charge du segment des « General Business » sur l’Europe du Nord [N.D.R. : les clients qui font moins d’un milliard de CA). En deux ans, cette région est devenue la plus grosse en matière d’ERP cloud pour SAP. Une des raisons est que le cloud permet d’aller plus vite, et d’avoir un retour sur investissement plus important.
C’est d’ailleurs aussi pour cela que SAP a investi très fortement sur les quatre années passées avec nos partenaires pour packager des implémentations par industrie. Par d’exemple, récemment, une grande coopérative agricole française a choisi l’un de nos partenaires, Delaware, qui a construit un vertical dédié.
Ce type de package permet une approche « fixed scope & fixed price » pour S/4HANA [N.D.R. : prix fixe et champs fonctionnels déterminés à l’avance dont le but est de tenir les délais et les budgets initiaux du projet).
LeMagIT : Et SAP ByDesign ? Où en est-ce deuxième ERP cloud de votre gamme ?
Frédéric Chauviré : ByDesign continue à gagner des clients, notamment dans les start-up françaises. Un des derniers en date est Ornikar. Cette offre continue de séduire en France.
LeMagIT : Où placez-vous la frontière entre ByDesign et S/4HANA cloud ?
Ce que je vais répondre est un peu réducteur, parce qu’il y a toujours des exceptions. Je dirais qu’entre 0 et 50 millions de CA, c’est du ByDesign et qu’au-delà c’est S/4… Mais une de nos plus anciennes start-up en France, Devialet, fait maintenant plus de 100 millions de chiffre d’affaires et ils utilisent toujours ByDesign.
LeMagIT : Sur ce segment, le gros concurrent de ByDesign chez Oracle est donc NetSuite ?
Frédéric Chauviré : Exactement.
À suivre sur LeMagIT, la deuxième partie de cet entretien