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Chloé Viletier : le pari de la cybersécurité

Chloé Viletier a tout d’une « working girl » de la tech que rien n’arrête. La réalité est plus subtile et complexe. S’il fallait réduire un parcours à un « arrêt sur image » sur papier glacé, on passerait vite à côté de l’essentiel.

Au téléphone, la voix est tonique, rapide, enthousiaste. Le stress du portrait par téléphone joue sans doute aussi. Il faut, dans un laps de temps relativement court, donner une image positive à un interlocuteur que l’on ne connaît pas, et que l’on n’a jamais vu. L’exercice a de quoi déboussoler les personnes les plus aguerries. C’était sans compter sur les talents de communicante de Chloé. 

Le ton est donc positif et très convaincu. Trop ? Chloé Viletier coche toutes les (bonnes) cases : un master en Commerce International décroché en 2007 avec mention bien, 17 ans de carrière chez Microsoft, membre du Cefcys, le cercle hype des femmes de la cyber, et de réseaux des femmes cadres dirigeantes, de prestigieuses formations de l’INSEAD « Business Strategy and Financial Acumen », « Value Negociation »… De quoi marquer durablement un parcours, une personnalité, et la façon de se présenter. 

Une « voie royale » ? 

Assez classiquement, rien ne prédisposait Chloé Viletier à atterrir dans la cybersécurité. « Au départ, je n’avais aucune affinité ni appétence pour la tech. Je ne suis pas une geek », confie-t-elle en riant. Une fibre commerciale marquée la conduit d’un Bac ES, à un stage chez Sage, leader de solutions logicielles de comptabilité et de paye. Pas de quoi faire penser à un destin hors normes, mais une bonne école pour une jeune femme qui fait ses armes dans la tech sans y être formée au départ. On repère vite « qu’elle en veut », et elle effectue rapidement un second stage, en Afrique du Sud, avant d’être embauchée. 

Une voie est tracée, qu’on pourrait croire royale.

En 2007, elle est embauchée par Microsoft comme responsable partenaires, puis responsable commerciale en charge des solutions de cybersécurité, conformité, et outils collaboratifs, avant de devenir, en 2021, « Directrice de cabinet/Chief of Staff » de la présidente de Microsoft France, Corine de Bilbao. Un job à haute valeur ajoutée, à hautes responsabilités… et à pas d’heure. Formateur et très prenant. 

Elle croise dans ses différentes fonctions de grands noms de la cybersécurité, comme Bernard Ourghanlian, et évolue sans aucun parti pris dans un milieu très masculin. Ce qui lui est parfaitement égal, mais c’est sans doute le privilège d’une génération de décalage par rapport aux pionnières qui sont arrivées dans ce secteur sans que personne ne les y attende, ne les favorise, et qui ont défriché le chemin. 

Le poste, forcément rude, lui apprend beaucoup : « j’étais dans toutes les arcanes des grandes prises de décision, puisque je préparais les Comex, les grandes réunions, les déplacements à l’international, les rencontres avec les politiques. Ce rôle de “femme de l’ombre” ne me dérangeait pas. J’ai énormément appris, dans un job forcément très prenant, où il faut savoir s’effacer. J’ai aussi beaucoup appris au contact de Corine de Bilbao. Elle devait être irréprochable, car elle se savait exposée en permanence en tant que femme à un poste pareil. J’ai sans doute eu la chance de ne pas avoir les mêmes efforts à faire dans mes fonctions, pour être légitime. Je voulais garder ma personnalité, ma singularité ». Un pari difficile, mais sans doute réussi, sur un poste aussi dense. 

À ce stade, tout est positif, bien rangé, dans les bonnes cases. Rien ne dépasse, rien n’accroche. Un slide ou une fiche technique remarquablement bien faits à la gloire des femmes qui prennent leur « empowerment » chez Microsoft et dans les GAFAM. C’est parfait. Presque trop.  

« J’ai dû me battre pour avoir confiance en moi »

Car évidemment ce discours pour papier glacé cache une personnalité bien plus complexe – et bien plus riche – qu’une trajectoire aussi brillante que 17 ans chez Microsoft pour devenir « dircab » de la présidente.

« Ça m’a sans doute beaucoup aidée pour avancer et tracer ma route dans un secteur où les femmes sont encore en minorité, mais peuvent aussi prouver ce dont elles sont capables. »
Chloé ViletierSenior manager cybersécurité, BearingPoint

On comprendra vite que cet enthousiasme sincère, mais débordant comble des vulnérabilités. Celle d’un père absent. Celle d’une mère, qui a dû se battre seule pour élever ses 4 enfants. Celle d’une enfant, devenue femme, qui dit, au détour d’une phrase : « même si ça ne s’entend pas, j’ai dû me battre pour avoir confiance en moi et dépasser tout ça. Ça me donne une curiosité insatiable, une force qui me pousse à tout vouloir apprendre, comprendre. Je suis d’une famille de femmes, et je sais que rien, jamais, n’est acquis. Ça m’a sans doute beaucoup aidée pour avancer et tracer ma route dans un secteur où les femmes sont encore en minorité, mais peuvent aussi prouver ce dont elles sont capables. J’ai été câblée à donner tout le temps le meilleur de moi-même… »

Sauf que vient un moment où il est temps de sortir de sa zone de confort. Chloé Viletier marque une pause : « 17 ans chez Microsoft, ça marque forcément une expérience. J’ai sans doute eu besoin de passer à autre chose ». Alors que son plan de carrière était encore tout tracé chez l’éditeur, elle fait un choix qui surprend et quitte l’entreprise. Elle veut retourner dans la cyber, continuer à apprendre et à se former à travers un Executive MBA en Cybersécurité à l’ESG Paris et poursuivre sa carrière dans un cabinet de conseil.

Un pari risqué, mais réussi : Chloé Viletier occupe maintenant des fonctions de senior manager cybersécurité chez BearingPoint, un grand cabinet de conseil en management et technologies, à la Défense.

Elle s’engage à titre personnel dans la démocratisation de la cybersécurité dans la société civile, à travers des publications sur les réseaux sociaux et la participation à des évènements du secteur. Elle souhaite contribuer à inspirer les jeunes générations, et les jeunes filles plus particulièrement, évidemment, à rejoindre les rangs de la cyberdéfense, à travers des podcasts, du mentorat et du coaching : « ce qui m’intéresse maintenant, c’est de transmettre et de partager ».

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