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Cécilia Jourt-Pineau, CY MIND, un chemin singulier vers la cybersécurité
Cécilia Jourt-Pineau, fondatrice de Cy Mind a fait de la résilience et des passages entre les mondes une force et une singularité qui n’appartiennent qu’à elle. Le fruit d’un parcours peu commun.
Juste avant l’entretien, Cécilia Jourt-Pineau a réécouté le célèbre morceau du chanteur Sting « Russians », sorti en 1985, quatre ans avant la chute du Mur de Berlin.
Ce n’est pas un hasard : sa grand-mère paternelle habitant du côté de Kherson est déportée en 1941, à 16 ans, dans les camps allemands. Elle y tombe amoureuse d’un Breton, lui aussi prisonnier outre-Rhin. Elle le suivra en France pour y vivre et fonder sa famille. Une période troublée dont elle retrouve l’atmosphère dans l’œuvre d’Enki Bilal qu’elle adore.
Cette histoire, faite de déchirements entre des identités contraires, servira de socle fondateur expliquant la volonté de Cécilia Jourt-Pineau de créer des passages, pouvant parfois paraître improbables, entre mondes que tout peut sembler opposer.
Des études d’un monde à l’autre
« Je suis attirée par les bouts du Monde (sa famille bretonne est de Plougonvelin), mais aussi les grands espaces de neige et de glace où la notion de confins des mondes, de frontières, de passages, est omniprésente », explique-t-il. Son parcours professionnel en fera la démonstration.
Cela commence, après un bac scientifique, par une classe prépa HEC à Brest, suivie de l’Inseec Bordeaux avec une option commerce international. Elle effectue son stage pratique chez l’éditeur Simon and Schuster à Londres, et enchaîne sur une mission humanitaire à Montréal, au Canada.
Dans le cadre de ses études de commerce, elle a mené une summer session au Boston Caroll School of Management en commerce international, et en psychologie.
À la recherche de ses racines slaves, elle effectue un master en sciences économiques et relations internationales à l’Université de Saint-Pétersbourg en Russie de 1993 à 1994, d’où elle sort avec la qualification d’économiste. « Cela fait partie de mes gènes et j’avais besoin de voir de plus près, là-bas, comment ça se passait », raconte-t-elle. « La confrontation n’a pas été facile, car les conditions matérielles étaient rudes et minimales. Au début, en tant que jeune Occidentale, je me sentais perdue dans le pays de mes ancêtres, car je parlais très mal la langue. Et j’avais très peur de cet univers communiste qui m’avait été conté enfant. Puis, je me suis sentie à Saint-Pétersbourg comme chez moi ».
De l’enseignement à la musicothérapie
Elle commence sa carrière comme enseignante au département Langues et Sciences Humaines de l’École Nationale des Télécommunications de Bretagne, implantée au Technopole de Brest-Iroise sur la rade de Brest, et à l’Ensieta, au Département des Sciences Humaines et Sociales, de 1995 à 2005.
Elle connaît là la confrontation traditionnelle entre les sciences dites « dures », et les autres, parfois dites « molles », un terme générique sous lequel les écoles d’ingénieurs regroupaient, non sans quelque condescendance, les sciences sociales. Une confrontation qu’elle transgresse et dépasse.
S’en suit un déménagement à Paris. Une nouvelle rupture qui est l’occasion de suivre sa première inclinaison – enfant, Cécilia Jourt-Pineau voulait devenir chirurgienne. Elle passe un diplôme universitaire en art-thérapie avec comme spécialisation la musicothérapie. Elle continue dans cette voie et s’engage dans un Master 2 recherche en psychologie à la Sorbonne, avec un mémoire de recherche sur les effets de la musicothérapie en soins palliatifs. Elle postule à l’école doctorale de Paris Descartes avec un sujet sur la cognition incarnée et la gestion la douleur par la mémoire musicale.
Elle co-signe deux livres sur la musique, l’International Dictionary of Music Therapy, sous la direction de Kevin Kirkland en 2013, et Le français en chantant, publié en 2015 aux Presses Universitaires de Rennes.
La musique, un langage codé des émotions, qui répare
Cécilia Jourt-Pineau devient alors thérapeute libérale à Paris, non loin de l’Opera, de 2011 à 2016. Elle travaille sur le suivi psychologique, la reconstruction, la résilience, notamment par le biais de la musique. Chargée de cours en master 1 et 2 en psychologie à l’Université de Paris Descartes, co-coordonnatrice en master de musicothérapie, elle exerce aussi une pratique clinique dans le service oncologie et neurologie de l’hôpital militaire du Val de Grâce, en pratiquant l’hypnose ericksonienne, et utilise la musique comme vecteur et médiation de thérapie.
Ces missions, forcément difficiles, parfois douloureuses dans des services qualifiés de « lourds », l’amènent parfois aux confins de la souffrance physique et psychique.
Cécilia Jourt-Pineau y exerce son art de la synthèse avec sa faculté d’aborder les sujets qui ne sont pas que mécanistes. Elle observe, écoute, répare et accompagne la résilience avec le langage qu’elle a étudié et qu’elle connaît le mieux : la musique. Jusqu’à un nouveau passage.
« Le déclic a eu lieu un week-end où j’ai, par hasard, découvert des challenges de hacking en ligne », explique-t-elle en souriant. Cécilia Jourt-Pineau se rend compte que c’est le moyen de conjuguer son besoin de transgresser les espaces et les frontières, de réparer et de protéger des attaques. « J’avais aussi, pour mon site Internet de thérapeute, bidouillé du code HTML5. Qu’est-ce qu’un code informatique, sinon un langage, comme la musique ? », demande-t-elle.
De la résilience des âmes à celle des organisations, le passage à la cyber
Qu’est-ce que la gestion d’une attaque informatique, si ce n’est la capacité d’une organisation à se régénérer, et d’aider l’être humain à dépasser une situation de crise ? À repartir, après, par cette fameuse résilience, un terme autant utilisé en cybersécurité qu’en psychologie, qu’elle a fait sien.
Cécilia Jourt-Pineau, qui se définit parfois comme une « psy-gitale », devient alors conférencière et consultante sur des sujets liés à la cyberprotection. Elle saute le pas de la création d’entreprise en 2019 et fonde CY MIND à Rennes, en même temps qu’elle passe un certificat de cybersécurité au Cnam et rédige son mémoire de fin de formation sur les aspects psychologiques de l’ingénierie sociale.
La mission de CY MIND est d’aider les entreprises sur les enjeux de leur cyberprotection et cyber évolution – associant cybersécurité et neurosciences – en se focalisant sur la sensibilisation et la prévention, la gestion du stress, de l’après-crise et de la résilience, « en mettant l’humain au cœur de la réflexion et des cyber attitudes », précise-t-elle.
Tremplin essentiel pour se faire connaître, Cécilia Jourt-Pineau est lauréate du Grand Défi Cyber en 2021, présenté par le Secrétariat Général pour l’Investissement. Elle est l’auteur de « Pilotage stratégique 5.0 et résilience des organisations », publié fin 2021 aux éditions L’harmattan.