Vineet Nayar, HCL Technologies : "nous pouvons créer des emplois en France pour vous"
HCL Technologies a invité cette semaine une dizaine de journalistes européens sur son campus de Noida, près de Delhi, en Inde. L’occasion d’une rencontre avec le PDG et vice-président du conseil d’administration de la SSII indienne. Avec nous, il revient sur la stratégie adoptée par celle qui n’a pas cessé de croître alors que les SSII indiennes mangeaient leur pain noir. Il développe également la manière dont il entend aborder le marché français.
LeMagIT : alors que l’industrie IT indienne subissait de plein fouet les effets de la crise sévissant dans les pays occidentaux, HCL a continué de croître et d’embaucher. Comment y êtes-vous parvenu ?
Vineet Nayar : Réussir alors que l’environnement se fait menaçant, c’est un peu comme être sur un circuit alors qu’il y a un gros nuage de fumée en face de vous : vous avez le choix entre appuyer sur le frein ou appuyer sur l’accélérateur. Nous avons anticipé le fait que tout le monde choisirait le frein. Alors, plutôt que de nous concentrer sur la réduction des coûts, nous avons décidé de nous concentrer sur notre part de marché. En fait, nous étions les seuls à ne pas nous comporter comme tout le monde. Nous avons annoncé à nos employés qu’aucun d’entre eux ne serait abandonné; que c’était la plus belle opportunité que l’on puisse imaginer; que c’était le moment que nous attendions, celui où nous pourrions passer devant nos concurrents. Nous avons donc renvoyé nos commerciaux à leurs clients pour, pro-activement, leur expliquer que nous comprenions la pression à laquelle ils étaient soumis pour réduire leurs coûts. Et pour leur demander : «que pouvons-nous faire pour vous ? Quel partie du contrat voulez-vous renégocier ?» Pour nous, il s’agissait de nous positionner pro-activement comme un élément de solution plutôt que comme un élément du problème. Et ça, c’était dès juillet 2008. Avant même que la récession ne frappe; nos clients étaient les premiers surpris.
A l’inverse, nos clients se sont retrouvés face à un mur avec leurs autres fournisseurs. Parce que ceux-ci étaient concentrés sur les marchés boursiers. Pas question, donc, de faire de remise. Ce qui a de quoi énerver quelqu’un qui est déjà soumis à une forte pression. Alors certains ont commencé à nous transférer certaines prestations.
Au final, nos employés étaient motivés, passionnés, sans inquiétude pour leur place, et ils ont fait la différence tandis que, en face, c’est la peur et l’avarice qui dominaient.
Concrètement, quels changements la crise a-t-elle amené dans la relation commerciale avec vos clients ?
Tout d’abord, il y a eu de l’optimisation, en supprimant les coûts des éventuelles sources d’inefficacité dans la relation avec nos clients. Nous leur avons dit : «si vous changez ça, ça et ça, nous pouvons faire des économies et réduire votre dépense de 10 % par an.»
Et puis, pour les clients ne disposant pas de budget à investir, nous avons dit : «nous allons investir à votre place; nous allons réaliser votre projet. Et lorsqu’il commencera à générer des revenus, vous nous en donnerez un pourcentage.» Nous avons ainsi changé la construction même du contrat; nous avons mis en jeu notre peau.
Et à ceux qui doutaient de l’économie qu’un projet pouvait leur permettre de réaliser, nous avons dit : «très bien, nous pensons que vous pourrez économiser 100 M$. Si effectivement vous réalisez cette économie, vous nous donnerez 50 M$.»
C’est grâce à tout cela que nos clients ont pu nous appréhender comme une composante de la solution à leurs problèmes, comme une entreprise prête à investir sur eux alors qu’ils ne trouvaient pas de budget.
Pour l’instant, votre présence est relativement limitée en France. Vous y employez une cinquantaine de personnes. Comment approchez-vous ce marché ?
Il y a aujourd’hui des entreprises françaises globales qui sont à un moment particulier de leur histoire et cherchent à recouvrer leur compétitivité sur les marchés internationaux. Nous leur disons aujourd’hui que, si nous avons pu aider les entreprises américaines, européennes, et australiennes à réussir tant dans l’innovation que dans la réduction des coûts, nous pouvons aussi le faire pour elles.
Nous ne cherchons pas à ressembler à ce que nous ne sommes pas et nous indiquons très clairement ce que nous pouvons apporter. Nous travaillons aujourd’hui avec cinq entreprises françaises, de manière très poussée. Deux d’entre elles étaient d’ailleurs avec nous hier et ont pu discuter avec nos investisseurs. Elles ont dit quelque chose de très intéressant : «HCL est une entreprise qui promet ce qu’elle peut fournir et qui fournit ce qu’elle promet.» A travers ce genre de commentaire, vous comprenez que nous sommes en train de construire notre marque sur le marché. C’est la première phase de notre stratégie en France : construire notre crédibilité avec nos 5 premiers grands clients.
Cela fait, nous pourrons aller à la rencontre d’autres entreprises et montrer ce que nous avons apporté à ces clients. Nous voulons que l’on nous fasse confiance. Mais pas parce que nous avons réalisé une acquisition en France, ni parce que nous avons des effectifs français, mais en raison des bénéfices métiers que nous avons apportés à nos clients.
Pour autant, excluez-vous l’hypothèse de rachats ?
L’une des raisons pour lesquelles je ne suis pas intéressé par des rachats, c’est parce qu’ils sont motivés par de mauvaises raisons. Je peux me tromper mais je crois fermement qu’acheter une entreprise française pour ensuite dire à mes clients que je suis français, c’est les tromper, leur mentir. Je ne pense pas que ce soit nécessaire : soit on a une solution pour les entreprises françaises, soit on n’en a pas. Et si on en a une, ils le voient et viennent vers nous.
Nous sommes très clairs sur ce que nous faisons : nous sommes un partenaire d’innovation; nous pouvons aider à numériser, à faire du B2C mieux que n’importe qui, à mobiliser vos applications, à passer au Cloud... et nous pouvons le faire avec une structure de coût sans équivalent. Et nous pouvons créer des emplois en France pour vous.
Ce sont des choses que nous avons déjà faites, en Irlande du Nord, en Suède, en Pologne; nous avons ouvert un centre de service à Helsinki [à partir duquel HCL sert notamment Nokia dans le cadre d’une prestation d’administration d’infrastructure à distance, NDLR].