Som Mittal, Nasscom : en Europe, «les entreprises ont recommencé à investir pour le futur»
De passage à Delhi dans les bureaux de HCL Technologies, Som Mittal, président du Nasscom, la chambre syndicale des SSII indiennes, a accepté de nous consacrer un entretien exclusif pour partager son regard sur les marchés européen et français de l’externalisation vers l’Inde. Un regard clairement plus positif qu’il y a encore quelques mois. Mais qui ne fait pas l’impasse sur les défis auquel le vieux continent continue de confronter les SSII indiennes.
LeMagIT : Il y a six mois, les SSII indiennes indiquaient ne pas encore percevoir de signes de reprise en Europe. La situation a-t-elle changé ?
Som Mittal : Oui. Et la preuve, pour nous, ce sont les chiffres de notre activité. Au cours des derniers jours, nous avons analysé les résultats des SSII indiennes pour les deux premiers trimestres de l’exercice fiscal en cours. En moyenne, la croissance en Europe a été de 20 à 22 %, sur un an. Cela ne reflète pas la situation de l’économie locale, mais cela montre que les entreprises sont en train d’investir pour l’avenir. Et si l’on compare les régions, la croissance a été plus forte en Europe qu’aux Etats-Unis. Pour nous, les entreprises européennes sont en train d’engager leur transformation, d’investir dans l’IT, de chercher de nouveaux modèles économiques. C’est en cela que nous estimons qu’elles sont en train d’investir pour l’avenir. Bien sûr, il y a d’autres indicateurs à prendre en compte. Mais, en ce qui concerne notre industrie, c’est l’impression que nous avons.
La combinaison de cette situation avec la montée du protectionnisme aux Etats-Unis semble expliquer la motivation des SSII indiennes à renforcer leurs positions en Europe...
Je ferai pas de lien entre les deux car les Etats-Unis continueront d’être un marché très important pour nous. Mais, si l’on met de côté les Etats-Unis et le Royaume-Uni, qui représentent 79 % de notre activité, il est simplement naturel que nous investissions en Europe. Parce que ce sont, historiquement, des marchés plus difficiles pour nous, pour des raisons linguistiques, entre autres. Cet investissement se fait depuis trois ans et il commence à porter ses fruits : création de centres de service, recrutements locaux, etc. Et je pense qu’il va encore croître. Mais sans être lié aux questions de protectionnisme.
A vous entendre, il semble que le marché de l’Europe continentale est si difficile qu’il vous a fallu trois ans pour commencer, enfin, à obtenir des résultats ?
Quand je regarde les données pour les cinq dernières années, avec une base limitée, la croissance de notre activité dans la région a été de l’ordre de 30 à 50 % par an, contre une croissance globale moyenne de l’ordre de 30 %. On parle bien d’une base limitée mais, clairement, le momentum est là; les entreprises qui ont fait les efforts de transformation commencent à en voir les bénéfices - pas seulement en termes de coûts mais aussi de time to market, etc.
En outre, la pression démographique en Europe commence à être perçue par les entreprises : de moins en moins d’étudiants s’orientent vers les filières technologiques; les entreprises se tourner vers d’autres gisements de talents.
A l’automne dernier, vous nous aviez accordé un entretien alors que vous étiez de passage à Paris avec une délégation de PME IT indiennes. Comment cette opération s’est-elle déroulée ?
Nous avions de nombreux objectifs. Soyons clairs, signer des contrats n’en faisait pas partie. Il s’agissait notamment d’échanger sur nos perspectives respectives [avec les entreprises françaises]. Nous avons atteint la plupart de nos objectifs. Nous avons rencontré un grand nombre d’organisations professionnelles; des entreprises françaises qui nous ont expliqué comment conduire des affaires en France.
Mais je crois que nous avons encore besoin de resserrer les liens avec votre pays, notamment avec Syntec. En Inde, nous représentons déjà de nombreuses entreprises IT françaises implantées dans notre pays - Capgemini, Sopra, Steria, etc. Il est important pour nous que ce lien se crée. Accessoirement, de nombreuses entreprises IT indiennes ont établi une présence en France, embauché sur place.
Plus généralement, et même si la France est plutôt dans une bonne situation démographique, vous aussi avez des soucis d’attractivité des filières technologiques. Nous pouvons aider. Aux Etats-Unis, certains de nos membres vont dans les écoles pour encourager les étudiants à s’orienter vers ces filières.
Un accord de libre échange est actuellement en discussion entre l’Europe et l’Inde. La question de la fiscalité, en Inde, fait-elle partie des sujets discutés ?
Les exemptions ou réductions fiscales en Inde sont à la fois là pour encourager les investissements et pour compenser des contraintes qui nous sont spécifiques. Dans le bâtiment où nous nous trouvons, il y a probablement un important système de production électrique; nous devons fournir le transport à nos salariés parce que les transports publics sont inexistants; nous dépensons plus d’un milliard de dollars pour former nos employés. Ce sont tous les problèmes d’infrastructure que nous avons, en tant que pays en développement. Les avantages fiscaux dont nous profitons sont là pour compenser cela; pas pour introduire un biais dans la concurrence.
Alors, bien sûr, il y a des questions de fiscalité dans le cadre de nos discussions. Mais je suis sûr que tout cela trouvera une réponse. Les travaux avec la Commission Européen avancent de manière très positive.