Pierre Soria, SuccessFactors : «le rachat permet à SAP d’accélérer son avenir»
Rencontré à l’occasion de l’événement clients de SuccessFactors à Londres, mi-juin, Pierre Soria revient sur l’annonce du rachat de son entreprise par SAP. Il évoque l’accueil de cette annonce en interne et chez les clients ainsi que la manière dont l’opération a commencé à se concrétiser à grande vitesse.
LeMagIT : Comment a été reçue, en France, l’annonce du rachat de SuccesFactors par SAP ?
Pierre Soria : Ça a été une surprise et, comme pour tout rachat, elle a été un peu anxiogène au début. D’autant plus qu’historiquement, on s’est beaucoup battu contre SAP. Renault, Atos, par exemple, nous ont choisi alors que c’étaient des comptes SAP. On le voyait un peu comme l’adversaire, une grosse boîte pas forcément très rigolote. De notre côté, c’était marrant d’être petits, indépendants. Mais on réalise depuis que l’on est dans un mode de fonctionnement où l’on est autonome.
Et puis la réalité, c’est que nous sommes dans des business différents : vente des abonnements et vendre des licences, ce sont des métiers différents. On a craint des difficultés d’intégration. Mais le montage actuel où SuccessFactors reste une entité autonome dans laquelle SAP investit, nous apporte plus de moyens - on a multiplié par trois nos effectifs de R&D - a pu rassurer des gens qui pouvaient avoir peur du vent de consolidation qui souffle sur l’industrie du software. La question ne se pose plus aujourd’hui. La question de pérennité ne se pose plus.
Nous sommes aussi contents parce que SAP est tout de même présent dans 200 000 comptes dans le monde qui représentent 500 millions de salariés. Si on est bons et qu’on arrive à pénétrer ne serait-ce qu’une toute petite part de ce chiffre, ce sera très bon pour nous en termes de croissance.
Enfin, SAP va vers le Cloud de façon forte et stratégique. SuccessFactors n’est pas «une danseuse» : il doit permettre de de constituer un pôle important. Lars Daalgard (PDG de SuccessFactors, NDLR) est devenu l’un des membres exécutifs du directoire de SAP en charge du Cloud Computing. Et c’est autour de SuccessFactors que se montera l’offre Cloud de SAP. Beaucoup de personnes de SAP nous rejoignent d’ailleurs pour nous aider sur des points spécifiques autour des RH comme la localisation, la gestion de la paie - une offre que l’on n’avait pas jusqu’à présent et qui arrive, etc. Nous profitons de beaucoup de moyens. En définitive, nous sommes super contents. D’ailleurs, si SAP avait racheté un autre éditeur, on aurait eu du mal à toucher, demain, des grands comptes SAP...
Et du côté des clients - surtout ceux qui n’étaient pas des comptes SAP - comment l’annonce a-t-elle été accueillie ?
À date, nous avions à peu près un tiers de clients déjà SAP, un tiers chez Oracle, un tiers autre chose voire rien. Les comptes SAP sont très contents. Mais les autres aussi. Parce que SAP, en rachetant BO, à titre d’exemple, a conservé un politique d’ouverture et a toujours considéré que BO resterait ouvert et pas limité aux comptes SAP - et SAP a la même vision avec SuccessFactors. C’est même une occasion potentielle d’entrer chez des comptes non SAP. La perception est finalement très très bonne; tout le monde est conscient de ce qu’apporte SAP en termes de pérennité et de moyens pour innover. Et tous les clients profitent de l’innovation - on parle tout de même de quatre nouvelles versions par an.
C’est toute la roadmap de notre solution est accélérée en général. Mais il faut aussi compter avec des moyens additionnel pour notre offre de support... On tire profit du fait d’être passés d’une entreprise de plus de 1000 personnes à plus de 50000 - en propre, on est déjà passé de 1500 personnes en février à plus de 5000 aujourd’hui. Tout en ayant gardé notre agilité, raison pour laquelle les gens nous ont choisi. Avec ce rachat, SAP a accéléré son avenir.
Les clients SAP vont pouvoir profiter d’une intégration plus fine : 171 points d’intégration dans les semaines et mois à venir, tant sur le plan fonctionnel et technique - SSO, droits, rôles, etc. Ceux qui n’étaient pas SAP se disent «chic, mon petit éditeur va profiter d’un coup d’importants moyens». Et nos capacités de localisation sont largement renforcées : c’est un casse-tête chinois dans les RH que l’on va pouvoir résoudre. Hier, n’avions pas d’offre pour la paie. Aujourd’hui, nous en avons une et c’est la meilleure au monde. Avant notre roadmap d’enrichissement RH se comptait en années, désormais c’est en trimestres.
De quelles ressources venant de SAP profitez-vous aujourd’hui ?
L’entité de 5000 personnes dont on parle aujourd’hui regroupe tout ce qui est Cloud chez SAP. Certains viennent de l’existant Cloud de SAP - ByDesign, OnDemand, etc. L’offre va évoluer avec quatre modules : gestion de la relation client, gestion financière, gestion des ressources humaines, et gestion de la relation fournisseur. Cette entité va vendre toute l’offre «à la demande». En terme d’intégration d’équipes, ça se passe bien : ceux qui vendaient du SaaS chez SAP pouvaient être vus comme des «martiens» chez SAP; ils voient arriver des personnes qui partagent leur culture; c’est plutôt positif. On ne fait pas venir chez nous qui à reculer. Ils sont très contents de nous rejoindre. Ce sont des gens qui savent construire des applications SaaS, savent les développer, etc. Du coup, la greffe prend.
Et puis on a mis le paquet sur SAP HANA parce que c’est tout simplement révolutionnaire. Monter des données en mémoire, c’était pas possible il y a dix ans ne serait-ce que parce que les prix des composants ne le permettaient pas. Mais les gains sont considérables : des requêtes qui pouvaient s’exécuter en trois ou quatre heures, c’est de l’ordre de la seconde aujourd’hui. Sur les ressources humaines, on a deux besoins forts où SAP HANA peut apporter des gains importants : le Strategic Workforce Planning et le Workforce Analytics; deux domaines qui brassent des volumes de données considérables. L’analytique RH, typiquement vise à savoir pourquoi les gens partent, chercher à comprendre les différences de comportement des équipes dans différents pays, etc. Dans ce domaine, on parle d’analyses multidimensionnelles, avec des éléments conditionnels partout... c’est énorme. L’apport de HANA est considérable. Et pensez que l’on offre des datamarts préconstruits sur 2000 indicateurs. Personne n’a quelque chose d’équivalent.
Cela dit, tout ça ne s’est pas fait en 4 jours : ça fait plusieurs mois qu’on travaille dessus.