Peter Thayer, EMC : "en entrée de gamme, le stockage en cluster n'a pas de sens"
Dans un entretien accordé à la mi-mai au MagIT à l'occasion d'EMC World, Peter Thayer, le directeur du marketing du stockage milieu de gamme d'EMC, juge complexes et coûteuses les approches de stockage en cluster de LeftHand et Equalogic. Il s'exprime aussi sur l'évolution des interfaces de stockage, notamment sur l'adoption d'iSCSI et FCoE, mais aussi sur l'intérêt pour les baies en attachement SAS. Il revient enfin sur les perspectives qu'offre la virtualisation pour la conception d'appliances de stockage.
LeMagIT : Il est de tradition dans le monde du stockage que les concepts introduits par les start-ups finissent par être intégrés par les grands constructeurs après trois ou quatre ans. C'est le cas actuellement du Thin Provisionning (allocation granulaire de capacité). Aujourd'hui la plupart des start-up proposent des architectures SAN en cluster. EMC pourrait-il suivre cette voie ?
Peter Thayer : En R&D, nous étudions toutes les possibilités qu'il s'agisse d'architectures de contrôleurs monolithiques (Scale-up) ou distribuées (Scale-out). Par exemple, vous pouvez considérer que le Symmetrix V-Max est le produit d'une réflexion de type Scale-out. Nous avons tendance à considérer que cette architecture est plus adaptée au haut de gamme SAN ou aux grandes architectures NAS. Mais pour ce qui est de l'entrée de gamme et du milieu de gamme, nous estimons que des architectures distribuées, telles que celles de LeftHand ou Equalogic, deviennent rapidement coûteuses.
En effet, chaque ajout de 15 disques s'accompagne de celui du contrôleur destiné à les piloter. Même si la technologie est intéressante, pour nous elle n'a pas de sensdans la bande de prix allant de 5 000 à 40 000 $. Elle est plus complexe à mettre en oeuvre et le calcul économique ne tient pas debout.
Plus généralement, la force d'EMC face aux start-ups réside dans notre vision globale du problème. Nous n'optimisons pas nos baies pour un usage particulier. Nous ne fondons pas notre avantage sur un seul critère technologique, comme par exemple Copan avec le Spin-down (capacité à réduire la vitesse des disques ou à les arrêter pour économiser l'énergie, ndlr) ou Data Domain avec la déduplication. Nous tentons d'agréger les fonctions qui font sens pour nos clients dans une architecture générique.
Nous ne sommes pas forcément les premiers à arriver sur le marché avec une fonction. Mais dès que nous jugeons qu'une capacité devient intéressante pour nos clients, nous l'intégrons. Et elle est mise en œuvre de telle sorte à ce que nous puissions la déployer de façon cohérente à l'échelle de notre offre. C'est notre force, car pour nous le débat doit porter sur les architectures et non pas sur des fonctionnalités unitaires.
LeMagIT : La plupart de vos baies de milieu de gamme utilisent encore une architecture Fibre Channel. HDS a adopté de son côté une architecture SAS/SATA pour cette catégorie de produits. Est-ce la voie que vous allez aussi emprunter ?
P.T. : Nous avons au catalogue du SAS natif dans les Clariion AX. Il n'y a donc aucun raison technologique qui nous empêche d'adopter une telle architecture. Nous pouvons le faire, encore faut-il que ce soit une demande des clients, ce qui n'est pas le cas pour l'instant. Et puis quel que soit l'argumentaire d'HDS avec ses baies AMS, la vérité est qu'il n'y a aujourd'hui pas de différence entre le prix de fabrication d'un disque entreprise SAS et celui d'un disque Fibre Channel (FC). Un fournisseur peut bien sûr décider de vendre le SAS moins cher que le FC, mais c'est une décision marketing. Sinon, pour le reste, leur architecture n'est fondamentalement pas différente de la nôtre. La seule question qui se pose est la suivante : combien de temps accepteront-ils de casser leurs prix pour gagner des parts de marché dans le milieu de gamme ? Ils ont sans doute les poches profondes et la persévérance d'un constructeur japonais mais, à un certain point, il leur faudra revenir à des prix réalistes.
LeMagIT : Même si VMware est une de vos filiales, on ne vous a pas encore vu appliquer dans vos produits les technologies de ladite filiale. Alors que c'est une des possibilités évoquée par votre Pdg, Joe Tucci, lors de l'acquisition...
P.T. : En fait, nous avons commencé à le faire. Nous avons annoncé une version de notre appliance de virtualisation NAS, Rainfinity, sous la forme d'une machine virtuelle que vous pouvez déployer sur l'un de vos serveurs. Et les performances sont étonnantes. On peut aussi imaginer tout un tas de solutions intéressantes, par exemple, une machine virtuelle fournissant des services NAS dans une appliance de stockage SAN économique. La virtualisation au niveau d'une appliance est un concept très alléchant. D'autant que les problèmes de performances I/O (d'entrées/sorties, ndlr) des premiers hyperviseurs sont en voie de disparition.
LeMagIT : On voit de plus en plus de châssis de serveurs lâmes arriver avec des commutateurs SAS et la possibilité d'attacher directement au châssis une baie de stockage SAS partagée entre les différentes lames. Ce qui pourrait devenir une menace sur l'entrée-milieu de gamme pour les architectures SAN classiques...
P.T. : En fait, on ne voit pour l'instant pas autant de déploiements de ces architectures que prévu. Je pensais que leur adoption serait plus rapide. La plupart des déploiements se font encore en attachement Fibre Channel. L'arrivée du SAS à 6 Gbit/s pourrait changer la donne. Les commutateurs SAS deviennent plus robustes et arrivent à maturité. Bien sûr, une autre alternative réside dans l'arrivée à maturité du 10 Gbit.
En attendant, Fibre Channel reste l'architecture dominante dans les datacenters. On pourrait voir des premières migrations vers FCoE, Cisco par exemple est un fervent promoteur de cette migration. De notre côté, nous restons agnostiques. Pour ma part, je crois que FcoE, s'il décolle, restera confiné aux datacenters.
LeMagIT : On parle de l'arrivée du support de FCoE dans les Clariion au 4ème trimestre...
P.T. : Le 4e trimestre? (rires) Vous avez signé un embargo ou quelque chose. Je ne peux confirmer cette date (rires). Plus sérieusement, sur notre liste de priorité, il y a d'abord le FC 8 Gbit/s que l'on vient d'annoncer et le support de iSCSI 10Gbit/s.
LeMagIT : EMC va t-il fournir des baies en attachement SAS ?
P.T. : Nous fournirons bien des baies en attachement SAS natif (NDLR : les JBOD utilisés par la baie NAS Atmos, conçue pour les grands environnements en nuage sont en attachement SAS : EMC ne devrait pas avoir trop de développements à réaliser).