Patrick Starck, CA : "contrairement à HP et IBM, nous ne cherchons pas à vendre du service"
A l'occasion de CA Expo, qui a réuni cette semaine 700 clients de l'éditeur à La Défense, rencontre avec Patrick Starck, le directeur général Europe du géant américain. Selon lui, la crise ouvre la porte à une consolidation des offres dans le logiciel d'infrastructures. Une consolidation dont il entend évidemment profiter.
LeMagIT : Quels sont les effets de la crise sur l'activité de CA en Europe?
Patrick Starck : Nous avons ressenti les premiers effets du ralentissement mi-2008, et ce sur tous les marchés européens. Mais la crise se traduit de façon différenciée sur les différents segments du logiciel. La crise est particulièrement sévère pour l'applicatif ou tous les logiciels que je qualifierai de commodité. Quand une application en place rend le service attendu, une montée de version peut attendre. D'où les nombreux projets décalés en la matière. Par contre, CA a la chance d'être positionné sur des domaines structurants. Quand on a besoin de monter le niveau de sécurité du système d'information, on ne peut guère attendre, sous peine de faire courir à l'entreprise un risque opérationnel. Ceci explique notre bonne année fiscale 2009 (cette dernière s'est terminée fin mars, ndlr), où nous avons connu une légère croissance en Europe. Depuis, j'observe une certaine stabilisation du marché, mais personne ne croit à un retour à la situation antérieure. Nous sommes tombés dans un nouvel état, et ce dernier favorise la concentration dans l'industrie.
LeMagIT : Dans l'administration de systèmes, autre segment clef pour CA, les investissements peuvent pourtant être aisément décalés...
P.S. : Là, nos solutions apportent des éléments de réponse à la réduction des coûts. Quand un grand compte met en place la virtualisation de ses serveurs, une solution d'administration lui amène un retour rapide sur investissement, parfois en moins d'un an. Cette remarque vaut aussi pour la gestion des performances applicatives (APM, application performance management), un segment en très forte croissance chez nous.
LeMagIT : Dans tous les segments de l'IT, la crise est aussi synonyme de pression sur les prix. Quels sont les effets de cette pression sur votre activité?
P.S. : La guerre des prix entre compétiteurs est permanente. Ce qui est nouveau, c'est que, sur le marché, évoluent un certain nombre d'acteurs fragilisés par la crise, et prêts à pratiquer ce que j'appelle des prix de conjoncture. On sait pertinemment que ces acteurs n'ont pas une espérance de vie très élevée. Si l'offre concerne un choix peu structurant, ça peut être une bonne affaire. Mais, si elle concerne un domaine stratégique, je dis attention. Nombre de ces acteurs de niche, très fragilisés, sont d'ailleurs à vendre, à des prix parfois dix fois moindres à ceux affichés il y a seulement un an !
Je pense donc que, dans le logiciel d'infrastructure et particulièrement dans la sécurité, la consolidation va s'accélérer pour aboutir à une situation proche de celle qu'on connaît dans l'applicatif, où deux acteurs majeurs dominent le marché.
LeMagIT : Quelle peut être la réponse de CA à une demande de baisse des coûts immédiate émanant d'un donneur d'ordre?
P.S. : J'examine l'ensemble de la pile logicielle du grand compte pour lui proposer d'augmenter le nombre de processus que nous gérons. Ce qui, au final, fait baisser la facture totale. C'est ce type de rapport que nous voulons instaurer avec nos clients. Par exemple, dans la gestion du portefeuille de projets (PPM, Project Portfolio Management), j'ai en tête un exemple en France où nous avons remplacé par notre solution les outils en place. Et la facture est passée de un million à 600 000 euros en un an, coût de transition compris.
LeMagIT : Vos deux principaux concurrents - HP et IBM - sont aussi, surtout depuis l'absorption d'EDS par le premier, de grands infogéreurs. Ne craignez-vous pas de voir les entreprises se tourner vers des services IT tout intégrés, vendus à l'usage, dans lequel seraient embarqués les logiciels d'infrastructure de ces deux sociétés?
Patrick Starck : Nos rapports avec HP et IBM sont multiples. Ce sont d'abord nos plus gros clients, justement en raison de leur présence importante dans l'infogérance. Je connais très peu de donneurs d'ordre prêts à laisser leur infogéreur faire à leur place les choix technologiques concernant l'administration de leurs systèmes. Certains optent donc pour les outils de CA.
HP et IBM sont également des compétiteurs bien sûr. Mais avec des approches différentes de la nôtre. HP est absent de la sécurité par exemple. IBM dispose certes d'un catalogue logiciel très étendu, mais il s'agit plutôt d'outils juxtaposés plus ou moins efficaces. Le code génétique de ces deux sociétés - surtout depuis que HP a repris EDS - consiste à pousser des solutions sur mesure, consommant beaucoup de prestations de service. Ce n'est pas la volonté de CA. Notre vocation est d'amener aux entreprises des solutions intégrées d'un bout à l'autre d'un processus.
LeMagIT : Avant de prendre une responsabilité européenne en 2007, vous dirigiez notamment la filiale française et sa restructuration. Quel bilan tirez-vous aujourd'hui de l'activité de cette filiale?
P.S. : La filiale a bien réussi son virage. Ce premier événement CA Expo en France, qui réunit 700 clients, en est la meilleure preuve. Voilà dix ans que, dans l'Hexagone, nous n'avions pas parlé de la sorte à nos clients. Sur l'année fiscale 2009 terminée fin mars, la filiale a d'ailleurs affiché une bonne croissance.
Cloud computing : CA se rêve en juge de paix des nuages
Asséné par Jacob Lamm, vice-président pour la stratégie et le développement de CA (en photo ci-contre), le message est clair : l'éditeur n'a pas vocation à monter ses propres infrastructures fournissant des services de cloud computing. Mais se verrait bien jouer le rôle d'arbitre des nuages entre les offres "publiques", comme celles de Google ou Amazon, et les nuages privés que vont monter les grands comptes en répliquant les modèles d'infrastructure mis en place par les grands fournisseurs. "Les DSI font face à une nouvelle vague qu'ils ne peuvent arrêter. Car personne ne peut nier les avantages du cloud computing pour les métiers, explique Jacob Lamm. Mais il leur faut maîtriser un nouveau paradigme. Par exemple, dans la gestion d'identités, comment fédérer des nuages privés et publics. Dans la gestion des performances applicatives, comment définir la transaction à mesurer et agréger les indicateurs des différents fournisseurs de service". Autant de questions auxquelles l'éditeur entend évidemment fournir des réponses. Pour l'instant, l'outil de gestion des niveaux de service maison peut déjà agréger différents indicateurs internes (temps réponse du service desk, performance de l'application, durée d'indisponibilité du système, etc.). "C'est le même outil que nous emploierons pour superviser EC2 (le service d'Amazon, ndlr) ou tout autre offre de cloud computing", détaille le dirigeant. En plus de cibler les grands comptes tentés par la consommation de services dans le nuage, CA cherche également à nouer des partenariats avec des fournisseurs, notamment des opérateurs télécoms eux aussi titillés par le cloud. Il est vrai que ces derniers, contrairement à Google, Amazon, HP, IBM ou Microsoft, présentent la caractéristique de ne pas disposer de leurs propres outils logiciels. |