Pascal Rialland, DG France de SAP : "en trois ans, la filiale a doublé de taille"
A l'occasion de l'annonce des résultats annuels du premier éditeur européen, le patron de sa filiale française dresse un bilan de ses trois années à la tête de la "machine SAP" dans l'Hexagone. Conséquences de la crise, intégration de BO, hausse de la maintenance, polémique autour du déploiement de Chorus : Pascal Rialland revient sur les sujets qui font l'actualité de l'éditeur.
Vous êtes arrivé voici trois ans à la tête de la filiale française. Quel bilan tirez-vous de ces trois premières années ?
Pascal Rialland : Le chiffre d'affaires de la filiale a été multiplié par deux en trois ans. Nous sommes en avance sur notre plan de marche. 60 % de cette croissance est purement organique, 40 % provient de l'intégration de Business Objects (BO). L'arrivée de BO, éditeur d'origine hexagonale, renforce d'ailleurs le tropisme français au sein du groupe. Avec environ 550 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2008, la France est revenue dans les trois filiales principales du groupe - avec la Grande-Bretagne et le Japon - derrière les deux mastodontes que sont les Etats-Unis et l'Allemagne.
Quel impact a eu la crise sur l'activité de la filiale en 2008 ?
P.R. : La crise qui s'est déclarée en septembre a surtout impacté le troisième trimestre : entre le 15 et le 30, période où nous finalisons beaucoup de contrats, tout s'est figé ! Le quatrième trimestre a par contre été supérieur à nos attentes, en très légère croissance par rapport à l'exercice comparable de 2007. Sur l'ensemble de l'année, la croissance atteint 46 %, 6 % si on excepte l'apport de BO.
Nous avons été poussés par trois ou quatre vecteurs de croissance. On enregistre ainsi 21 % de croissance sur le décisionnel. Ce n'était pas gagné compte tenu de la part de marché de BO en France et de ses bons résultats de 2007. Nos offres en matière de pilotage ont également porté la croissance avec des affaires signées chez Total ou Areva par exemple. Les PME continuent leur progression (+ 39 %). Enfin, et paradoxalement, la crise a poussé certains comptes à accélérer leurs déploiements, pour aligner leurs processus plus rapidement. Nous avons ainsi réalisé de bons résultats dans l'industrie manufacturière ou dans le secteur de l'énergie.
A l'inverse, le conseil s'inscrit en recul de 10 %, car nos partenaires intégrateurs ont développé leurs compétences sur SAP. Tout comme la distribution, qui a arrêté nettement ses investissements, ou le secteur public. Dans ce dernier cas, le recul s'explique par le niveau exceptionnel enregistré en 2007, du fait de la signature du projet Chorus (gestion des dépenses de l'Etat, ndlr).
L'intégration de BO France dans la filiale est-elle achevée ?
P.R. : Même si la fusion n'est pas terminée sur le plan légal ou opérationnel, les équipes fonctionnent aujourd'hui de façon intégrée. Je pense que nous avons bien maîtrisé l'intégration et c'était important en France, étant donnée l'histoire de BO.
Comment envisagez-vous l'année 2009 ?
P.R. : Ce sera très difficile bien sûr. Pour le groupe, trois géographies sont durement touchées : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Russie. En France, on espère un effet d'amortisseur. Je parierais sur une activité étale ou en légère décroissance pour la filiale en 2009.
Nous comptons beaucoup sur des offres comme le pilotage de la marge, la planification budgétaire ou le pilotage des liquidités, qui répondent aux besoins des entreprises en cette période de crise. Les budgets systèmes d'information vont être sous tension en 2009, avec une forte attente de réduction des dépenses de fonctionnement.
L'année 2008 a été marquée par la polémique sur la hausse de vos taux de maintenance, avec la suppression du contrat Standard (17 %) remplacé par un taux de 22 %. D'autant que vous avez annoncé cette hausse en septembre alors que se profilait la faillite de Lehman Brothers...
P.R. : Nous avons souffert de deux points. Primo, cet enchaînement malheureux des faits que vous rappelez. Ensuite, notre communication autour de Enterprise Support (le nouveau contrat, ndlr) était maladroite, car trop technique. Mais je constate qu'aujourd'hui, qu'avec l'USF (le club des utilisateurs francophones) en France ou avec le Sugen (organisation regroupant différent clubs utilisateurs dans le monde), nous sommes entrés dans une phase de discussion beaucoup plus positive.
D'ailleurs, pour les entreprises, en 2009, le taux de maintenance ne passera pas brutalement de 17 à 22 %. Quand on observe la sitaution client par client, la hausse est insignifiante ou n'existe tout simplement pas si on prend en compte l'allongement du support de certaines de nos versions. Pour la moitié de la base, la maintenance se chiffrera à 18,36 % du prix de la licence sur l'année, pour déjà tous les services inclus dans Enterprise Support. Pour certains, ce sera moins car ils bénéficient d'une clause limitant la hausse à l'indice Syntec. Enfin, les très grands clients, qui payent plus de 5 millions d 'euros par an en maintenance, continuent à bénéficier du taux de 17 %.
Reste le cas des clients allemands et autrichiens qui viennent de bénéficier d'un régime d'exception, en échappant à la hausse prévue...
P.R. : Pour des questions techniques, SAP Allemagne avait résilié tous les contrats de maintenance. Ce geste a soulevé une grande émotion chez nos clients outre Rhin. Ce qui a conduit SAP Allemagne à annuler la résiliation.
En 2009, les entreprises allemandes et autrichiennes pourront donc bénéficier d'un taux de maintenance de 17 % ?
P.R. : Oui, mais il y aura un effet de rattrapage au cours des trois années suivantes.
Sur le projet Chorus (gestion des dépenses de l'Etat), un récent rapport de la Cour des comptes met en lumière les dérives de ce programme et, en filigrane, remet en question le choix d'un PGI, celui de SAP en l'occurrence...
P.R. : Sur ce projet, le plus important en France par sa taille et son ambition, il y a eu un premier décalage de deux à trois mois dans le choix de l'intégrateur. Mais ce retard a été absorbé. Puis est arrivée la RGPP (Réforme générale des politiques publiques, ndlr) qui a inévitablement eu un impact sur le projet. Malgré ces embûches, je constate que Chorus se déroule conformément aux plans, que la relation entre l'intégrateur Accenture, l'AIFE (Agence pour l’informatique financière de l’Etat) et nous est très bonne. Maintenant, il est évident que nous sommes face à un projet de transformation massif. Inévitablement, comme ce serait le cas dans une multinationale d'ailleurs, beaucoup de gens freinent ce type de projet. D'autant que le choix qui a été fait en l'espèce est de développer le minimum de spécifiques.