Navi Radjou, Forrester : « Les fournisseurs non innovantdisparaîtront »
La crise s’installe et… Forrester encourage les industriels du secteur à investir. Certain que la crise sera forte mais finira bien un jour, Navi Radjou explique pour le cabinet d’étude qu’il faut parier sur les pays émergents, trouver de nouveaux modèles économiques et investir dans le cloud computing, le Saas et les technologies collaboratives 2.0.
Au moment où la crise confirme qu’elle s’est bien installée dans le paysage IT entraînant des restriction budgétaires côté utilisateurs mais surtout pour l’instant une réaction « préventive » de fournisseurs et prestataire de services qui licencient le cabinet d’étude Forrester sort un document à contre courant où ils donnent quelques conseils aux patrons du secteur. Et la priorité semble devoir être à la remise e cause des modèles, à la conquêtes de marchés alternatifs et surtout à l’innovation pour mieux profiter de la reprise, jugée inéluctable. Auteur de cette analyse, Navi Radjou – vice-président et analyste principal chez Forrester – a répondu à nos questions sur le sujet.
LeMagIT : Vous indiquez que la période 2009/2010 devrait être aussi difficile que le début des années 2000. Cela signifie-t-il que les études récentes – même mises à jour – sont optimistes en affirmant qu’il y aura une croissance même faible et y a-t-il un risque de récession dans le secteur ?
Navi Radjou : Vu la dégradation de la situation économique dans le monde, j’ai bien peur que l’on observe un ralentissement considérable des investissements informatiques dans les grosses société occidentales. Par contre, ce ralentissement aux Etats-Unis et en Europe pourra être en partie compensé par une croissance, même mesurée, dans les pays émergents comme l’Inde et la Chine qui tout deux vont voir leur marché informatique croître de 15 à 20%.
Quelles sont aujourd’hui et de ce point de vue les entreprises IT qui pourraient le mieux supporter la crise et surtout rebondir le plus vite au moment de la reprise ?
Navi Radjou : Ce sont celles qui investissent sur le long terme, et osent innover au de simplement chercher à réduire leurs coûts en période de crise. Malheureusement je crains que 90% des entreprises IT ne cèdent à la panique en 2009. Elles vont sans doute restructurer leur organisation avec des licenciements à la clé plutôt que de « profiter » de la crise pour innover en matière de modèle économique, par exemple en tentant de pénétrer de nouveaux marchés émergents.
Les principaux fournisseurs pour les entreprises ont fait des annonces sur le cloud computing et le Saas. Cela suppose des investissements importants en matière de développement et d’infrastructure mais aussi un risque sur leur business model. Vont-ils poursuivre leur effort ou plutôt freiner pour maintenir leur marge en période de crise ?
Navi Radjou : Ils ont tout intérêt à accélérer leurs investissements dans le cloud computing et le Saas. Pourquoi ? Car ces nouvelles « technologies de base » leur permettront de bâtir et de fournir des produits et des services informatiques à un moindre coût. Cela rejoint mes propos initiaux. Les fournisseurs qui arrêtent d’innover, par exemple dans le Saas ou le cloud computing, dans cette période de crise seront les premiers à « disparaître » quand l’économie redémarrera car ils n’auront alors aucune offre satisfaisante pour des clients qui, de leur côté, chercheront à relancer leurs affaires !
Au delà de ces deux grosses tendances que sont le Saas et le cloud computing, quels sont les autres segments où les fournisseurs devraient investir?
Navi Radjou : Le social computing et le web 2.0. Je crois que les réseaux sociaux vont gagner en importance dans les années à venir. Je ne parle pas simplement des réseaux sociaux grand-public ou personnels tels que Facebook pou MySpace mais également des réseaux sociaux internes, de type Entreprise 2.0, qui sont déployés au sein des organisations, derrière le firewall. En d’autres termes, je crois que le marché pour les outils de « collaboration » va gagner en importance à cause de la globalisation mais également à cause des changements démographiques au sein des entreprises et de l’avénement sur le marché du travail de la génération des « digital natives ».
Vous indiquez qu’il faut parier sur les marché émergents. Quels sont ceux qui pourraient le mieux résister à la crise ?
Navi Radjou : L’Inde car les deux tiers de son économie est non intégrée au reste du monde alors que ce ratio est inversé dans le cas de la Chine. Le PIB de cette dernière est beaucoup plus dépendante des aléas de l’économie mondiale. L’ironie de l’histoire c’est qu’il y a à peine quelques années tout le monde railler le fait que l’économie indienne n’était pas suffisamment « ouverte » sur le monde. Cette fois il semble que finalement ce modèle va aider l’Inde à mieux résister à la récession mondiale. Je crois également que les fournisseurs indiens de services d’offshore devraient « bénéficier » de la crise économique mondiale car les PDG des entreprises occidentales vont accélérer leur délocalisation IT pour réduire leurs dépenses informatiques !
Microsoft est le principal investisseur en R&D dans le monde. Cela signifie-t-il qu’il profitera plus de la crise que des sociétés à plus faible marge d’investissement comme celles liées à l’open source par exemple ?
Navi Radjou : Je serais un peu circonspect là-dessus. Oui Microsoft investit beaucoup en R&D, mais je ne suis pas 100% convaincu que leur portefeuille R&D inclut beaucoup de technologies « pertinentes » telles que le Saas ou le social computing. L’avantage pour les fournisseurs concurrents de Microsoft qui ont épousé le modèle open source – et également la vague web 2 .0 – est qu’ils n’ont pas besoin d’investir massivement en R&D car la majorité de leurs technologies de bases sont disponibles… gratuitement ! Bienvenu dans l’ère de l’innovation « ouverte et collaborative » ! Par conséquent je crois qu’à l’ère web 2.0 il est temps que l’on revisite le concept même d’innovation dans le secteur informatique, en évitant d’utiliser des métriques de performance obsolètes telles que « dépenses en R&D » et en adoptant plutôt de nouveaux paradigmes tels que les réseaux d’innovations.
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