Mark Templeton, Pdg Citrix : « nous soutenons des entreprises porteuses de synergies avec nous »
A l’occasion d’un bref passage à Paris, Mark Templeton, Pdg de Citrix a accordé un entretien au MagIT. L’occasion de revenir sur le départ de Simon Crosby, CTO de l’éditeur, sur les annonces faites lors de la récente édition de Synergy San Francisco, la grand messe américaine de Citrix, ainsi que sur la stratégie d’investissement et de rachats de l’éditeur.
LeMagIT : Simon Crosby et Ian Pratt ont récemment annoncé leur départ de Citrix pour fonder le projet Bromium, axé sur la sécurité des infrastructures virtuelles. Comment appréhendez-vous cette initiative ?
Mark Templeton : comme vous pouvez l’imaginer, il est toujours triste de perdre des collaborateurs fantastiques, à la fois incroyablement talentueux et véritablement formidables, humainement. Et ces deux qualités ont beaucoup d’importance pour moi. Mais, dans le même temps, ils partent avec une vision complémentaire de ce que fait Citrix. Et ce sera l’occasion de poursuivre notre relation, tant sur un plan amical que professionnel. Je suis donc animé par un sentiment partagé mais globalement positif - notamment en raison des technologies qu’ils ont à l’esprit mais dont, bien évidemment, nous ne parlerons pas pour le moment. Ils ont bien disséminé quelques indices ici et là mais je serais surpris que quiconque soit assez doué pour véritablement trouver ce qu’ils vont faire. Mais c’est très intéressant.
Et puis, en tant qu’amis et collègues, on ne peut que leur souhaiter de réussir dans leurs projets d’innovation. Vous savez, ces gars-là sont des scientifiques; ce sont des inventeurs.
LeMagIT : Vous avez récemment annoncé deux nouveaux investissements, l’un dans Core Mobile Networks - qui travaille à la corrélation de contenus de l’IT et du Cloud pour leur fourniture contextualisée sur des terminaux mobiles -, et l’autre dans Cotendo - spécialisé dans l’optimisation de la distribution de contenus vers les terminaux mobiles. Pourriez-vous nous éclairer sur votre stratégie d’investissements ?
Mark Templeton : L’idée est de soutenir des entreprises qui travaillent à des innovations et suivent des stratégies porteuses de synergies avec les nôtres. Parfois, l’investissement est une façon de les recommander vis-à-vis du marché. Et d’autres fois, il permet de leur donner accès à nos technologies. Mais il peut aussi servir à encourager d’autres investisseurs à les soutenir. Mais les synergies avec ce que nous faisons sont toujours le point clé. Par la suite, les options peuvent être la poursuite de l’investissement ou le rachat une fois qu’elles sont arrivées à maturité.
LeMagIT : Cela rappelle un peu l’approche que vous avez suivie avec Kaviza...
Mark Templeton : Tout à fait. Nous avons commencé par investir dans Kaviza - nous apprécions beaucoup les personnes, leurs idées - et nous pensions qu’il adressaient un segment du marché du VDI sur lequel nous n’étions pas présents : celui des solutions de VDI simples pour PME. Et ils ont réussi à réaliser leurs projets, tant sur le plan commercial que technologique. Et cela nous a conduit à décider de chercher à les racheter.
LeMagIT : Pourtant cette approche donne parfois l’impression que vous empiétiez sur les marchés de vos «partenaires» ? Je pense par exemple à la gestion des profils utilisateurs (UPM, User Profile Management).
Mark Templeton : Chaque cas est différent. Mais dans le cas de l’UPM, nous avons examiné les besoins des utilisateurs, d’un bout à l’autre du spectre. Avec ce genre d’examen, vous aboutissez généralement à une distribution gaussienne. Et nous cherchons donc à offrir l’éventail de capacités que la plupart des clients recherchent. Et nous construisons les API et les relations partenaires pour la fourniture des autres fonctionnalités, celles qui sont recherchées par moins de clients. C’est l’objet du programme Citrix Ready.
LeMagIT : Est-ce que cela ne conduit pas à ajouter de la complexité à des processus d’administration qui en regorgent déjà ?
Mark Templeton : C’est possible. Mais si vous regardez cette distribution gaussienne, je pense que les clients qui sont aux extrémités tendent à être ceux qui sont le plus en mesure de supporter un certain degré de complexité. Généralement, ils possèdent déjà des environnements très complexes et ils sont habitués à gérer cela. Et, dans le milieu de la distribution, nous cherchons à simplifier les choses autant que possible, en réduisant le nombre de composants dans un produit, en consolidant les consoles, en ajoutant des assistants de configuration, etc. C’est un exemple de ce nous essayons de faire dans le coeur du marché. Et si vous regardez ce que font un RES Software ou un AppSense en matière d’UPM, c’est très sophistiqué.
LeMagIT : Vous avez récemment rendu publique votre projet de plateforme IaaS, Olympus, qui doit s’appuyer sur OpenStack. Mais loin de la promesse du Cloud et de tels projets, le Cloud n’est-il pas en train de conduire à la construction de nouveaux silos, entre hyperviseurs ?
Mark Templeton : Tout d’abord, le projet OpenStack est jeune. La première release n’a peut-être pas plus de 5 mois. Et nous venons tout juste d’annoncer Olympus. C’est trop tôt pour le juger. Mais pour commercialiser cela et en faire une solution qui apporte véritablement de la valeur, il va falloir qu’Olympus résolve le problème que vous venez d’évoquer. Il faudra que ce soit complètement indépendant des hyperviseurs et que les machines virtuelles soient transportables [d’un type d’hyperviseur à l’autre, NDLR]. Ce sont des choses qui ne relèvent pas des objectifs de la communauté OpenStack mais ils pourraient faire partie de ce qu’une entreprise commerciale comme Citrix pourraient vouloir ajouter, en termes de valeur.
Lors de Synergy, nous avons annoncé NetScaler Cloud Bridge. Sa première version permet d’apporter la transparence TCP/IP, les conteneurs de sécurité et l’accélération permettant de disposer d’une connexion point-à-point sécurisée et transparente entre Clouds. C’est une première étape. La seconde est d'ajouter des services au bridge. Et ils serait très logique d’ajouter des capacités de transformation à quelque chose traversant le bridge. Ce sont des opportunités pour apporter de l’innovation et de la valeur.
Cela dit, pour l’instant, nous assistons à une multiplication de l’offre qui tend à construire des silos. Mais, à un moment donné, la tendance s’inversera et il y aura une consolidation. Et nous pensons que Xen sera l’un des survivants. Dans le Cloud, la part de marché de Xen est de l’ordre de 97 %; celle d’ESX est quasiment nulle; KVM ne représente pas grand chose de plus.
LeMagIT : Revenons un peu au poste de travail. Lors de Synergy, vous avez évoqué le concept de «Personal Cloud». De quoi s’agit-il ?
Mark Templeton : Le Cloud personnel, c’est un ensemble de services qui entourent une personne et lui permettent de travailler et de se distraire depuis n’importe quel endroit. Il fallait un nom pour cela; en voici un. Il s’agit d’exprimer une idée; pas une marque. Observez la manière dont évolue l’informatique : elle se recentre sur l’utilisateur. Quand le PC est arrivé, il a créé l’informatique personnelle. C’était un peu comme apporter le mainframe à l’individu. Et puis le PC a été intégré à l’infrastructure de l’entreprise. Et c’est devenu l’ordinateur de l’entreprise. Avec la consumérisation et la possibilité, pour tout un chacun, de prendre la puissance de calcul dans sa main, l’informatique redevient personnelle. C’est cela que nous voulions exprimer. Et cela recouvre donc tout l’ensemble des éléments nécessaires pour qu’une personne puisse gérer la disparition des frontières entre travail et vie privée, de manière transparente. Cela veut dire pouvoir utiliser des terminaux variés, d’être suivi par ses «préférences» d’un terminal à l’autre, et par ses données. De pouvoir utiliser ces terminaux pour communiquer et collaborer avec d’autres, tant à titre personnel que professionnel. Et de pouvoir accomplir des tâches aussi bien personnelles que professionnelles. C’est un peu la fusion de ces deux mondes - personnel et professionnel - dont il est question avec le Personal Cloud.
LeMagIT : Vous avez annoncé XenClient au printemps 2010, votre hyperviseur de type 1 pour le poste de travail. Comment a-t-il été accueilli par les entreprises ?
Mark Templeton : On doit être à plus de 100 000 téléchargements à ce jour. Et l’on parle là d’un produit visant les DSI, des gens assez sophistiqués. Mais concrètement, nous commençons à voir de petites poches de projets pour des déploiements à grande échelle. Avec deux attentes : un support matériel plus large et une plus grande évolutivité du module de synchronisation. Et c’était tout l’objet de l’annonce de la version 2 qui a eu lieu lors de Synergy, il y a quelques semaines; nous avons fait la démonstration de matériels non vPro avec XenClient. Nous avons également fait beaucoup d’efforts sur le terrain des GPU - avec la compatibilité ReadyOn. La compatibilité avec les puces graphiques Intel et Nvidia arrive. XenClient avance; il fonctionne bien sur les machines Sandy Bridge.
LeMagIT : ...et quels sont vos objectifs avec XenClient XT ?
Mark Templeton : XenClient XT prend à peu près la direction opposée à celle de XenClient 2. L’objectif n’est pas une compatibilité maximale ni le support de vastes parcs. XenClient XT touche un marché plus restreint, celui des conditions extrêmes avec de lourds besoins de sécurité et d’isolation des processus. Le premier marché, là, ce sont les gouvernements et leurs fournisseurs. Mais aussi la banque et les services financiers, l’énergie, etc. Et il y a là de grandes opportunités, tant avec les acteurs du marché eux-mêmes qu’avec leurs sous-traitants. Je pense par exemple à un fournisseur du gouvernement qui travaillerait avec trois agences et qui aurait besoin de trois environnements de travail totalement dissociés et parfaitement contrôlés, chacun, par l’agence correspondante. Et c’est exactement ce que permet XenClient XT. Pour son développement, nous avons reçu un important soutien d’agences américaines.
LeMagIT : Toujours sur le terrain du poste client, vous avez travaillé à plusieurs optimisations. Je pense notamment à IntelliCache. A quelles autres optimisations travaillez-vous ?
Mark Templeton : Tous nos travaux tourne autour du coût et des performances. Pour le mieux, il s’agit de limiter la quantité de silicium que nous utilisons. C’est tout l’objet d’IntelliCache et d’autres technologies que nous n’avons pas encore annoncées. Parce que le coût du stockage représente une part importante des déploiements VDI. Sur le terrain des performances, il s’agit de jouer sur les entrées/sorties. Que ce soit sur le stockage ou sur le réseau.
Et nous souhaitons utiliser des développements réalisés pour XenClient, pour améliorer le reste de notre offre pour le poste client, avec XenDesktop, mais aussi pour XenServer et NetScaler. C’est une évolution naturelle.