Marc Diouane, PTC : « le divorce à l'amiable IBM / Dassault clarifie le marché du PLM »
Editeur venu de la CAO, l'Américain PTC n'est plus très loin de réaliser la moitié de son chiffre d'affaires dans le PLM, la gestion du cycle de vie des produits. Deux segments où il est en concurrence directe avec Dassault Systèmes et Siemens. Pour Marc Diouane, le directeur général de l'éditeur pour l'Europe et l'Asie, les succès de PTC auprès de comptes clefs comme EADS ou Volvo prouvent la pertinence des solutions maison. Et le récent rachat des activités PLM d'IBM par Dassault serait, vu de sa fenêtre, une excellente nouvelle car il priverait le Français de l'aura protectrice de Big Blue.
Marc Diouane, directeur général de PTC (éditeur spécialiste de la CAO et du PLM) pour l'Europe et l'Asie, revient sur les récents résultats annuels de la société (938 M$, en recul de 9 % à taux de change constant, exercice clos fin septembre). Et explique la stratégie mis en place par cet éditeur américain pour contrer ses deux rivaux européens, Dassault Systèmes et Siemens. Une stratégie qui mise largement sur le poids grandissant du PLM (gestion du cycle de vie des produits) chez les grands comptes. Pour Marc Diouane, le récent rachat des activités PLM d'IBM par Dassault (pour 600 millions de dollars) amène une opportunité de plus pour le spécialiste américain, en retirant aux offres du Français tout le poids politique de Big Blue auprès des décideurs de grands comptes.
LeMagIT : Fin octobre, un de vos rivaux direct, Dassault Systèmes, a annoncé le rachat de l'activité PLM d'IBM. Ce renforcement de l'éditeur français sur la cible des grands comptes ne contrarie-t-il pas votre stratégie ?
Marc Diouane : Au contraire, c'est une très bonne nouvelle qui va rendre le jeu plus transparent. Sans l'appui d'IBM, un compte comme Volvo aurait migré des solutions Dassault Systèmes vers les nôtres il y a cinq ans (la décision est de facto beaucoup plus récente, NDLR). Car, le partenariat avec IBM conférait à Dassault une importante crédibilité auprès des grands comptes. Maintenant, ce dernier va devoir adresser ces grandes organisations directement, et ils ne récupèrent pas les gestionnaires de comptes globaux de Big Blue : la transition s'annonce donc compliquée.
Côté IBM, cette vente met fin à un processus de quatre années, qui a vu Big Blue signer des partenariats avec nous ou avec Siemens. Tout simplement parce qu'ils ne gagnaient plus d'affaire avec l'étiquette Dassault Systèmes. Ce dernier a par ailleurs pris des comptes à IBM sans reverser la marge à son partenaire. Pour moi, cette annonce est donc avant tout celle d'un divorce à l'amiable entre les deux sociétés. Un divorce qui coûte quand même 600 millions de dollars à Dassault Systèmes.
LeMagIT : La croissance de PTC provient avant tout du PLM et non de votre activité historique, la CAO. Pourquoi ?
M.D. : Sur ce marché, la croissance annuelle du marché a été de 8 % entre 2004 et 2008. Dans le même temps, notre gamme Windchill (qui regroupe les outils de PLM maison, NDLR) a connu un taux de progression moyen de 23 %. Et, sur la période allant de 2009 à 2014, nous prévoyons encore un rythme annuel de 20 %. Très prochainement, cette activité atteindra 60 % dans le chiffre d'affaires de PTC.
Entre 2004 et 2008, nous nous sommes focalisés sur notre base installée et sur sa migration vers Windchill, tout en investissant sur les grands donneurs d'ordre servant de repères dans leur industrie (ce que PTC appelle des comptes "dominos", NDLR). Nous avons donc dédié des équipes à des comptes qui n'apportaient à ce moment aucun revenu. Une stratégie qui nous a permis de participer à des compétitions clef comme chez Volvo ou EADS (projet Phenix d'harmonisation des solutions PLM sur l'ensemble du groupe, y compris Eurocopter et Astrium, remporté par PTC, NDLR). Chez Volvo par exemple, qui utilise Enovia (solution de PLM de Dassault Systèmes), nous étions face à Dassault-IBM et à Siemens. Nous l'avons emporté car nous avions l'offre la plus performante pour exploiter les données de la CAO, issues de Catia v5... qui est pourtant un logiciel de Dassault ! Certes, ce dernier annonce une solution pour coupler CAO et PLM dans sa v6, mais notre offre équivalente a déjà plusieurs années d'existence. Pour ce type de donneurs d'ordre, il faut offrir le niveau de flexibilité maximal, en étant capable de travailler en environnement hétérogène et en minimisant l'intégration native avec une solution de CAO donnée. Windchill ne dépend pas de Pro/Engineer (l'offre de CAO maison). Sur ce terrain, nous avons plusieurs années d'avance tant sur Siemens que sur Dassault : ces deux acteurs en sont encore à réécrire leurs applications pour digérer les acquisitions qu'ils ont effectuées.
Le PLM augmenté |
A son offre Windchill, PTC greffe peu à peu des modules notamment issus de "petits" rachats d'éditeurs très spécialisés. L'Américain a ainsi racheté fin 2008 Synapsis afin de proposer une offre de mise en conformité avec la directive européenne Reach (utilisation de produits chimiques) ainsi qu'avec d'autres réglementations environnementales. Le produit issu de ce rachat est devenu un module de Windchill, baptisé Insight. En juillet dernier, PTC a aussi mis la main sur une autre petite société, Relex, spécialisée dans l'analyse de la fiabilité des produits. |
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LeMagIT : Comment évoluent les besoins en matière de PLM ?
M.D. : Le PLM s'est longtemps limité à la gestion de données techniques. Aujourd'hui, on s'oriente vers la gestion de la configuration totale d'un produit, intégrant tous les aspects, et sur le partage de ces informations. Un environnement capable de prendre en charge la gestion des changements et qui peut servir à de multiples besoins : la maintenance bien sûr, mais aussi le marketing ou les besoins de production d'informations pour les autorités de régulation. L'autre évolution réside dans la part grandissante de l'électronique et du logiciel. Dans le premier domaine, nous travaillons à des partenariats pour offrir une intégration dans Windchill. Pour le logiciel, nous continuons à investir dans une solution Open Source, qui viendra avec la version 10, attendue dans 12 mois.
LeMagIT : Dans le PLM, vos concurrents viennent aussi de l'ERP, avec SAP et Oracle (qui a racheté Agile sur ce créneau)...
M.D. : Dans l'industrie manufacturière, je n'ai jamais été confronté à la concurrence directe de SAP ou Oracle ! Ils sont simplement présents dans les industries de process, notamment dans la pharmacie. Tout simplement parce que, pour faire du PLM dans les industries manufacturières, il faut une connaissance de la CAO. C'est ce savoir-faire en matière de développement produit qui fait notre différence avec SAP ou Oracle.