John Shackleton, OpenText : « transformer les contenus du Web 2.0 en enregistrements »
De passage à Paris à l'occasion d'une conférence utilisateurs, le Pdg du dernier grand éditeur indépendant de gestion de contenus (plus de 500 M$ en 2007) estime que le rapprochement avec un plus gros poisson n'est pas inéluctable. Le canadien mise sur des partenariats forts pour compenser son statut de spécialiste. Notamment avec Microsoft et surtout SAP.
Les rachats de deux de vos principaux concurrents, FileNet et Documentum, par des sociétés plus globales (respectivement IBM et EMC) ont bousculé ces dernières années le marché de l'ECM. Y a-t-il encore de la place sur ce marché pour un éditeur indépendant comme OpenText?
John Shackleton : Dans 12 à 18 mois, nous pèserons plus d'un milliard de dollars. Et nous sommes plus gros qu'IBM en Europe dans la gestion de contenus. Nous sommes donc un poisson de moyenne taille, et nous continuerons à acquérir des poissons plus petits. Bien sûr, beaucoup d'acteurs plus gros pourraient nous racheter. Même si les acquisitions de FileNet et de Documentum n'étaient pas des opérations hostiles, puisque ces deux sociétés cherchaient à se vendre. Et ce n'est pas notre cas.
Après le rachat de Ixos – un partenaire historique de SAP -, vous avez confirmé votre proximité avec l'éditeur de PGI via un partenariat signé voici un an (par lequel l’Allemand commercialise les solutions d’archivage et d’accès aux documents d’OpenText). N'est-ce pas la solution naturelle pour un rapprochement avec un plus gros poisson?
J.S. : Quand nous avons racheté Ixos, des discussions avaient eu lieu en amont avec SAP. Qui avait précisé n'être pas intéressé par le rachat d'un éditeur de gestion de contenus. Je ne pense pas qu'ils aient changé d'avis.
Après le rachat d'Ixos, nous nous sommes en effet encore rapprochés de SAP, en travaillant conjointement avec leurs équipes commerciales. Les utilisateurs de ce PGI ont aujourd'hui généralement atteint un bon niveau de maturité. Ils ont des besoins en matière d'archivage ou de workflow complexes. Aujourd'hui, 60 % de nos clients grands comptes tournent aussi sous SAP. Mais nos ventes réalisées en commun avec notre partenaire ne pèsent que 15 à 20 de notre activité. Le potentiel de progression est donc important.
Les besoins de conformité restent-ils le premier moteur du marché de l'ECM?
J.S. : Oui, c'est ce qui guide notre marché. Les entreprises abordent cette problématique avec trois niveaux de maturité. Pour des raisons légales, elles commencent par archiver leurs e-mails. Ensuite, toujours pour les mêmes motivations, elles cherchent à faire correspondre leurs données non structurées aux données structurées afin de regrouper toute l'information disponible sur un sujet donné. Enfin, troisième étape, les organisations s'aperçoivent qu'elles peuvent exploiter ces recoupements pour résoudre leurs problèmes, créer de nouveaux produits ou services, etc.
Les grands comptes ont généralement de nombreux systèmes documentaires, qu'ils cherchent désormais à fédérer sur une plate-forme d'entreprise. Ceci passe-t-il par une consolidation des référentiels?
J.S. : Non. D'autant que de nombreuses sociétés vivent des fusions, au cours desquelles elles acquièrent des systèmes. Il faut proposer des solutions pour gérer des environnements différents, notamment un référentiel capable de fédérer des informations provenant de différentes sources.
Comme IBM, vous proposez une solution pour contrôler les environnements SharePoint. Pourquoi cet intérêt pour l'outil de Microsoft?
J.S. : SharePoint sert à des déploiements au niveau de groupes de travail. C'est vrai que son éclosion a retardé certains de nos déploiements il y a deux ans. Mais aujourd'hui c'est un accélérateur pour notre activité. De nombreux projets bâtis avec l'outil de Microsoft ont vu le jour – c'était presque gratuit ! -, mais les DSI s'aperçoivent qu'ils doivent contrôler les informations véhiculées par ces systèmes.
Pouvez-vous faire un bilan du rapprochement des produits d'Hummingbird, éditeur que vous racheté, et de votre offre LiveLink?
J.S. : Au moment du rachat, la base installée Hummingbird était confrontée à une migration très coûteuse, vers la version 6. Nous avons décidé de ne pas sortir cette v6, pour finalement donner accès à de nouvelles fonctions, issues de LiveLink, via de simples mises à jour. Quelques grands clients avaient par contre déjà entamé la migration vers la v6. Nous avons pris l'engagement de leur fournir une version stabilisée de cette solution, corrigeant les bogues très importants que connaissait cette plate-forme. La version complète de cette plate-forme eDocs 6 sera disponible l'année prochaine.
La plate-forme eDocs bénéficie d'une base installée stable. Au moment du rachat, ces utilisateurs étaient persuadés qu'ils seraient forcés de migrer vers le référentiel de LiveLink à un horizon de trois ans. Ils ont compris désormais que telle n'était pas notre intention.
Quelle est la prochaine évolution majeure des plates-formes d'ECM?
J.S. : C'est celle liée au Web 2.0 et 3.0. La question à se poser, c'est comment gérer les contenus vidéos, par exemple ceux issus de YouTube, la téléphonie sur IP, etc. Et comment les transformer en enregistrements dans un système de gestion de contenus. Tout en prenant en compte l'évolution des outils, notamment la montée en puissance des smartphones évolués. Dans quelques semaines, nous sortirons une solution pour smartphone, qui est le fruit d'une collaboration avec RIM (le constructeur des BlackBerry, ndlr), mais aussi Apple.