Jim Schaper, Infor : "nous encaissons mieux le recul des ventes de licences "
Construit par une vague de rachats - 45 éditeurs au total dont SSA, Geac, Mapics ou Epiphany -, Infor, dixième éditeur mondial, se sent armé pour traverser la crise, malgré sa dette de 4,8 milliards de dollars. C'est en tout cas le message de son Pdg et président du conseil d'administration, Jim Schaper.
Au fur et à mesure de la crise, les prévisions des analystes s'assombrissent pour le marché des logiciels. Quel est aujourd'hui l'état du marché à l'heure où se termine le premier trimestre calendaire ?
Jim Schaper : Notre dernier trimestre fiscal se terminait fin février. Sur cet exercice, nos ventes de licences reculent d'environ 18 %. Par contre, le chiffre d'affaires de la maintenance progresse. De leur côté, les services sont stables. A taux de change constant, notre chiffre d'affaires est in fine en légère progression. Comme pour l'ensemble de nos concurrents, c'est donc le segment ventes de licence qui souffre le plus. Cette décroissance touche avant tout les PGI pour le mid-market (le coeur de marché d'Infor, ndlr), tandis que ce que nous appelons nos solutions étendues ou financières, comme la gestion d'actifs, des performances, de la supply-chain, de la relation client ou du capital humain, s'en sortent mieux.
Quelle est la situation en Europe, spécialement en France, comparée à celle que vous rencontrez aux Etats-Unis ?
J.S. : La situation est différente au jour d'aujourd'hui. En France, nous connaissons une croissance supérieure au marché depuis environ un an et demi. Et ça continue. De notre point du vue, la France est moins affectée que le reste de l'Europe et que n'importe quelle autre région du monde. Plus globalement, toute l'Europe du Sud - et également l'Amérique du Sud - sont les régions où nous connaissons la croissance la plus solide.
Mais je ne vois pas ici de sous-jacents qui pourraient justifier une résistance à long terme du marché français. Les défis économiques qu'aura à relever l'Hexagone seront les mêmes que ceux que connaissent les autres pays dans le monde. Par contre, tous les éditeurs ne seront pas affectés de la même façon par ce ralentissement.
Quelle décisions avez-vous prises pour faire face à la crise ?
J.S. : Nous avons pris des mesures très tôt. Dès juin 2008. En prenant des mesures de réduction des coûts, par exemple sur les frais de déplacement, les projets IT internes ou les investissements. Puis, en décembre, nous avons décidé de réduire nos effectifs d'un peu moins de 5 %, notamment dans les ventes ou sur le back-office.
Mais nous avons aussi investi, en accélérant certaines des actions que nous avions planifiées. Car, dans le même temps, notre projet d'introduction en bourse, qui nous poussait à nous concentrer sur la croissance, a perdu son actualité du fait des conditions de marché. Nous avons ainsi musclé notre modèle de distribution, en mettant sur pied des équipes pour épauler nos partenaires (qui représentent 20 % des ventes d'Infor, ndlr). Cette organisation est en place aux Etats-Unis, et le sera bientôt en Asie et en Europe, avec l'objectif de recruter sur ce continent 45 personnes. Nous avons aussi dopé notre centre d'excellence en Inde, travaillant pour notre activité services. Celui-ci compte désormais 550 personnes et travaille sur des activités comme du développement de code spécifique ou des tests.
Infor inquiète par le niveau de sa dette ; la compagnie s'étant constituée via des rachats par effet de levier (LBO). Comment pouvez-vous rassurer les donneurs d'ordre sur ce point ?
J.S. : Nous remboursons notre dette chaque trimestre. Nous sommes très rentables, du fait de notre modèle économique. Et ces remboursements n'affectent pas notre capacité à investir dans de nouveaux développements, comme le montre l'enveloppe de plus de 300 millions de dollars consacrée à notre stratégie Open SOA.
Plus de 50 % de notre chiffre d'affaires provient de la maintenance. Et nous avons démontré notre capacité à regagner des clients qui étaient sortis de l'offre de maintenance. Notre modèle économique est plus capable de supporter un ralentissement des ventes de licences que la plupart de nos concurrents. SAP réalise près de la moitié de son chiffre d'affaires en ventes de licences, par exemple.
Une de nos forces précisément réside dans notre structure capitalistique : nous n'avons pas de covenants (clause d'un contrat de prêt qui, en cas de non-respect des objectifs, peut entraîner le remboursement anticipé du prêt, ndlr) et les taux d'intérêt dont nous bénéficions sont très bas.
Pourquoi avoir décidé de créer une division consacrée à la plate-forme iSeries (ex AS/400) ?
J.S. : Parce que cette plate-forme est différente sur le plan technologique. Notre opinion, c'est qu'il est difficile pour un responsable des ventes, de l'avant-vente ou même des services de comprendre les caractéristiques uniques de l'ensemble de notre porte-feuille de solutions sur cette plate-forme, puis de basculer en environnement .Net ou Java. C'est un projet que nous étudions depuis 18 mois.
Notre seconde motivation réside dans notre relation avec IBM. D'autant que ce dernier s'apprête à amener de nouvelles technologies pour iSeries et d'autres qui affecteront de façon positive la plate-forme. Nous avons une base installée de 14 000 entreprises sous iSeries : nous sommes le premier partenaire d'IBM sur cette plate-forme.
En complément : écouter Jim Schaper sur l'avenir de iSeries et sur la migration des bases installées (en anglais)
Il y a trois ans, vous avez annoncé la stratégie OpenSOA, qui doit courir sur sept ans et vise à fournir un framework et des composants communs à vos différentes bases installées. Quels sont les premiers résultats ?
J.S. : Nous avons commencé à livrer l'infrastructure et le premier composant, MyDay, une interface basée sur des rôles. Ces logiciels sont en service chez certains de nos clients et sont inclus dans la maintenance. Ils seront disponibles pour l'ensemble de notre base installée au début de juin. Le second composant sera Infor Decisions, un module d'aide à la décision, prévu pour la fin d'année. Le troisième concernera la gestion des écritures comptables multiples, lui aussi prévu pour la fin 2009. Nous sommes en ligne avec notre roadmap : délivrer 19 composants pour la fin 2010.
Pour nous, cet investissement dans la stratégie OpenSOA, qui intervient en plus des évolutions de nos différents logiciels, nous permettra de développer des composants adaptés à l'ensemble de nos lignes de produits. Aujourd'hui, nous développons par exemple quatre ou cinq composants pour la facturation, avec OpenSOA, nous n'en construirons plus qu'un seul.
Pour l'instant, les premiers composants d'OpenSOA sont inclus dans la maintenance. Est-ce que ce sera encore le cas à l'avenir ?
J.S. : Si les fonctions délivrées figurent dans le périmètre de votre solution, les modules seront inclus dans la maintenance, sans augmentation des taux de cette dernière. C'est le cas de MyDay. Ou des composants d'infrastructure. S'il s'agit d'extensions des solutions en place, elles donnent lieu à de nouveaux contrats de licence. Nous n'avons pas encore décidé lesquels parmi les futurs composants seront facturés ou pas. Nous chercherons certainement un équilibre entre les deux modèles.
Juste avant la crise, vous envisagiez une entrée en bourse. Est-ce toujours un projet à moyen terme ?
J.S. : C'est effectivement toujours dans nos intentions et nous continuons à travailler sur le sujet. Notre compatibilité est déjà en ligne avec les contraintes réglementaires s'appliquant aux sociétés cotées. Nous serons prêts quand la fenêtre de tir se présentera.
En complément : écouter Jim Schaper sur l'entrée en bourse éventuelle d'Infor (en anglais)