Jim Schaper, Infor : "nous avons créé une unité dédiée à notre stratégie Saas"
Constitué par rachats, Infor, éditeur d'ERP réalisant plus de 2 milliards de dollars de CA par an, affronte le même problème que ses compétiteurs : amener ses clients à migrer vers ses dernières technologies. Pour y parvenir, l'éditeur américain mise sur une maintenance incluant ses innovations, des offres de migration au forfait. Le tout complété par une stratégie Saas qui s'affirme, explique le PDG de la société.
LeMagIT : au cours de la crise, les éditeurs d'ERP ont beaucoup souffert, particulièrement sur leurs ventes de licences. Assiste-t-on aujourd'hui à une inversion de tendance ?
Jim Schaper : La situation se stabilise, et le niveau d'activité devient plus prévisible. Les chiffres d'affaires devraient repartir dans le vert, mais essentiellement parce que les niveaux de comparaison de 2009 sont faibles. Par types d'applications, les ERP sont toujours à la traîne. Et je pense que cette situation va perdurer pendant un bon moment. Par contre, les applications touchant directement aux clients de nos donneurs d'ordre ou les applications relatives au contrôle de la consommation d'énergie connaissent une croissance plus robuste. Par zones géographiques, les Etats-Unis se stabilisent et montrent même quelques signes de reprise. L'Asie, qui a connu un déclin plus rapide que d'autres continents, est de retour à son niveau près-crise, spécialement la Chine. Pour nous comme pour d'autres éditeurs, l'Europe fait par contre figure d'anomalie, avec une activité dont la seule constante est l'inconstance.
Globalement, pour notre trimestre fiscal se terminant en février, nous prévoyons une croissance de notre activité, mais à des niveaux moindres que ceux d'avant la crise. A moins bien sûr d'une nouvelle crise brutale...
LeMagIT : La crise vous a obligé à différer votre projet d'introduction en bourse (IPO). Pensez-vous que le bon moment soit revenu ?
J.S. : Certains éléments nous échappent, comme la santé des marchés financiers. Même si ceux-ci semblent aujourd'hui stabilisés. Quand nous ferons notre entrée en bourse, nous serons l'une des plus grosses IPO technologique et notre modèle, centré sur la génération de cash, nous incite à penser que nous serons favorablement accueillis. De plus, nous afficherons de la croissance organique dès le trimestre en cours. Toute notre organisation est prête pour le reporting imposées aux sociétés cotées. Reste que le timing nous échappe en partie, et que tout nouveau rachat important de société différerait ce projet (rappelons qu'Infor s'est constitué par acquisitions). Si cela se fait cette année, ce sera plutôt dans les derniers mois de 2010.
LeMagIT : Vous êtes environ à mi-parcours de votre stratégie OpenSOA, visant à fournir un socle technique et des composants communs aux différents produits qui composent votre base installée. Quel bilan en tirez-vous ?
J.S. : D'abord, je constate que cette stratégie nous a permis d'attirer quelque 2 000 nouveaux clients en 2009. Soit presque le niveau que nous connaissions avant la crise. Et nous avons livré les premiers composants promis, notamment le socle technique et l'interface MyDay. Nous avons aussi réajusté le plan de développement, en redéfinissant les priorités pour mieux prendre en compte l''évolution des attentes de nos clients, par exemple pour incorporer les médias sociaux dans nos produits. Parallèlement, nous avons embauché Bruce Richardson (un des analystes vedettes du cabinet AMR devenu responsable de la stratégie d'Infor début janvier, NDLR), pour construire notre porte-feuille d'applications Saas. Même si nous ne partons pas de zéro : nous comptons déjà 700 clients sur des solutions de ce type.
LeMagIT : Vous signaliez que si le marché reste peu dynamique pour les solutions d'ERP traditionnelles, vous observez une reprise sur des applications plus périphériques. Est-ce que vous comptez adresser ce marché avec des offres Saas ?
J.S. : Les applications multitenant (une seule instance logicielle servant plusieurs clients, une caractéristique des architectures cloud, NDLR) me semblent bien indiquées pour les équipes décentralisées. Comme c'est le cas pour le CRM ou l'automatisation des forces de vente. Verrons-nous les solutions en cloud s'étendre à la gestion de production par exemple ? On peut en douter car les entreprises ont besoin d'adapter fortement ce type d'applicatifs, ce qui est incompatible avec le Saas.
Nous avons créé une division séparée chargée de notre stratégie Saas et disposant de ses propres ressources R&D, avec une organisation adaptée à ce modèle économique. Même si OpenSOA restera le socle commun à nos produits, qu'ils soient déployés en local ou sur le cloud. Les premières solutions nées de cette unité - gestion des dépenses, gestion du personnel, gestion de la performance ou gestion des actifs - sortiront en juin. Par ailleurs, cette stratégie de développement interne se double de notre volonté de rester opportuniste en matière d'acquisitions. Il y a aujourd'hui plus de 1 000 éditeurs spécialisés sur l'applicatif en Saas, nous pensons que la concentration de ce marché est inéluctable.
LeMagIT : Pour accompagner les entreprises vers vos dernières solutions - celles reposant sur le socle OpenSOA -, vous avez mis en place le programme Flex. N'est-ce pas l'aveu que vos clients ne suivent pas les évolutions techniques que vous leur proposez ?
J.S. : Amener les entreprises vers les socles techniques les plus récents - ceux sur lesquels les éditeurs livrent leurs innovations - constitue bien sûr un défi pour nous, comme pour les autres éditeurs d'ERP. Je pense qu'en la matière notre proposition de valeur est toutefois unique. D'abord parce que les composants de notre stratégie OpenSOA sont livrés à nos clients dans le cadre de leur maintenance, sans surcoût (même si certain futurs modules - comme Decisions - pourraient bien être facturés à l'avenir, NDLR). Ensuite, parce que, avec le programme Flex, nous proposons des projets de migration à coût fixe. Dans la plupart des cas - quand les solutions ne sont pas trop personnalisées -, nous assumons le risque lié à la transition vers les nouvelles plates-formes en garantissant un budget fixe.
En complément :
Infor en faits et chiffres |
- Venu du néant, Infor, aujourd'hui dixième éditeur mondial (plus de 2 milliards de dollars de CA, à 51 % venant de la maintenance), s'est construit via une vague de rachats (plus de 45 éditeurs dont SSA, Geac, Baan, Mapics, Anaël, Epiphany, etc.). La stratégie a consisté à consolider une série de bases installées, souvent autour de la plate-forme iSeries (ex-AS/400). Au prix de la constitution d'une dette de quelque 4,8 milliards de dollars. - En cumulant ses bases installées, Infor compte 70 000 clients dans le monde, dont plus de 3 500 en France. La société affirme avoir gagné 2 000 clients en 2009 et afficher un taux de fidélité de ses clients de 93 % (taux de renouvellement du contrat de maintenance). En France, Infor affirme avoir connu une croissance de 5 % de son activité en 2009. - Rendue publique en 2007, la stratégie OpenSOA vise à donner un socle technique commun aux différentes lignes de produits s'appuyant sur des standards (comme OSGI), ainsi qu'à mutualiser certains développements (comme l'interface MyDay, ou d'autres modules). L'accès à tous les composants techniques ainsi que la nouvelle interface est inclus dans la maintenance. - Pour faciliter les projets de migration - et éloigner des concurrents qui pourraient cibler ses bases installées -, Infor a lancé le programme Flex, censé réduire le coût de migration vers ses dernières versions (ou permettre à une entreprise de passer à un autre produit du catalogue Infor). Selon Benoît de la Tour, directeur général EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique), ce programme délivre "des offres de services packagés" couplées à des engagements forfaitaires. Selon le dirigeant, 17 contrats Flex ont été signés en France - "mais aucun n'est identique" - et la filiale s'apprête à étendre l'offre aux solutions Anaël. Selon Benoît de la Tour, ces migrations concernent avant tout des clients sous AS/400 disposant de solutions très anciennes, soit plusieurs centaines d'entreprises en France. |