Jean Mounet, Syntec Informatique : « France Numérique 2012 est très pauvre pour le logiciel »
En exclusivité pour LeMagIT, le président de Syntec Informatique, la chambre patronale des SSII et éditeurs de logiciels, livre son sentiment quelques jours après la présentation du plan France Numérique 2012, présenté par Eric Besson. S'il salue l’émergence d’un projet de société numérique, il estime que le logiciel est insuffisamment traité, tout comme la problématique des entreprises. Et propose d’élever le débat au niveau européen pour une industrie logicielle forte.
Un certain nombre de voix s’élèvent pour regretter que la dimension logicielle soit quasiment absente du plan proposé par Eric Besson, secrétaire d’Etat à l’Economie numérique, contrairement aux contenus ou aux infrastructures. Quel est le sentiment du représentant des éditeurs et des sociétés de services informatique ?
Jean Mounet : Sur le plan global, je salue tout d’abord ce qui a été fait parce que cela a le mérite d’englober tous les enjeux du numérique dans un projet de société. La sortie de ce plan est donc à ce titre une date à marquer d’une pierre blanche. On peut cependant regretter qu’il n’y ait pas un équilibre de traitement entre les différents secteurs concernés. L’accès du grand public et la fracture numérique sont bien couverts, l’éducation et les infrastructures également. Mais ce n'est pas le cas en ce concerne les applications en entreprises. Surtout, le plan est très pauvre en matière de logiciel. Il n’y a en réalité qu’une page et demie qui traite de ce sujet et il y a même beaucoup plus d’attention portée aux logiciels de jeux; Une partie des propositions concernant ce segment auraient d’ailleurs pu intéresser l’ensemble des éditeurs. C’est vraiment dommage. De la même manière, on retrouve peu de choses pour les PME innovantes. J’ai eu l’occasion d’en discuter dans le cadre des Assises et, sur ces sujets, on m’a expliqué que ce n’était pas à Eric Besson de s’en charger mais plutôt à Bercy.
Sur tous les sujets liés aux entreprises, ce qui me paraît peu clair, ce sont les conditions de la mise en œuvre du plan. On n'a aucune indication budgétaire, rien sur l’organisation du suivi, ni sur la mise en place d’un agenda. Le document est un bon recueil d’idées, mais on se demande tout de même qui va conduire quoi.
Durant la période des Assises du numérique, on a assez peu vu l’action du Syntec, qui n’a par exemple pas publié de liste de propositions au moment où elles fleurissaient. Quelle a été votre implication dans le débat préalable à l’élaboration de ce plan ?
Jean Mounet : Nous sommes rentrés dans un cycle de réflexions et de propositions bien avant l’annonce d’un plan au printemps dernier. Au printemps 2007, à l’occasion de l’élection présidentielle, Syntec Informatique avait publié une lettre aux candidats dans laquelle nous commencions à faire des propositions globales. Nous avons également travaillé – moi et d’autres membres de Syntec – dans le cadre du rapport Medef sur le numérique publié en janvier 2008. Enfin nous avons fourni de la production écrite dans le cadre des commissions Attali sur la croissance et Stoleru sur les PME. Ou encore en travaillant avec Xavier Darcos [ministre de l’Education nationale, ndlr] sur le rapport e-Educ et avec Roselyne Bachelot [ministre de la Santé, ndlr] sur e-santé. Enfin, j’ai rencontré Eric Besson à trois ou quatre reprises et j’ai crû comprendre que le rapport du Medef l’avait inspiré. On a donc le sentiment d’avoir beaucoup contribué même si, c’est vrai, nous n’avons pas communiqué sur ce travail de fond au moment des Assises.
Le rapport Attali préconisait une action proactive des pouvoirs publics en faveur du logiciel libre. Dans le canevas de 27 propositions de travail proposées par Eric Besson à l’ouverture des Assises, ce point était également à l’ordre du jour avec des propositions précises, finalement abandonnées au cours de l’été. Quelle est la position de Syntec, qui accueille d’ailleurs des éditeurs et SSII en pointe sur ce segment ?
Jean Mounet : Effectivement, comme le plan est pauvre sur le volet logiciel, on a donc très peu de choses sur le logiciel libre. Il comporte juste un paragraphe qui l’évoque et c’est un peu décevant. Lors de nos remarques suite à la publication sur le rapport Attali, nous avions cependant dit que le curseur était trop placé sur le logiciel libre. Il n’y avait quasiment rien sur les logiciels commerciaux qui sont également très importants. Il aurait alors fallu équilibrer entre les deux modèles qui présentent tous deux un intérêt. Là, on a une tentative de rééquilibrage.
Quoi qu’il en soit, pour tout ce qui touche au logiciel, tout cela est insuffisant.
Et ce constat ne vaut pas que pour la France. Nos partenaires européens connaissent les mêmes types de problèmes avec les pouvoirs publics en matière de politique industrielle. Devant le manque de profondeur de ce qui est proposé, nous avons donc été conduits à faire des propositions à l’échelle européenne. Depuis un an, nous travaillons avec nos partenaires et la Commission européenne à la réalisation d’un « position paper » sur le logiciel. Ce document est désormais finalisé et doit être remis demain à Viviane Reding [commissaire européen à la société de l’information qui avait inauguré le lancement des Assises du numérique fin mai 2008, ndlr]. Il appelle à la constitution d’une industrie logicielle européenne forte.
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