GBS Bindra, Logica : « la R&D, c’est fini; l'innovation passe par la collaboration »
A l’occasion d’un passage à Paris, GBS Bindra, directeur international de l’innovation de Logica, a accordé un entretien au MagIT. L’occasion de développer une vision des processus de l’innovation susceptible d’apparaître aussi réaliste que violente, mais aussi d’expliquer le choix de la SSII de concentrer son effort d’innovation sur l’Inde. Un choix dont les motivations ont de quoi préoccuper les équipes de R&D européennes.
LeMagIT : Comment les efforts d’innovation sont-ils organisés chez Logica ?
GBS Bindra : L’effort d’innovation de Logica est consolidé en Inde, à Bangalore, où l’on développe des solutions pour l’ensemble de la SSII, dans toutes les régions du monde où elle est présente, en coordination avec nos partenaires, nos clients et nos fournisseurs. Il s’agit de co-innovation ; j’aime parler de Collaboration & Développement. Selon moi, la Recherche & Développement traditionnelle est morte ; l’innovation est faite et va se faire sur la base de la C&D.
Avec quels impacts sur la propriété intellectuelle ?
Ce n’est pas parce que l’on parle de C&D que le terme de brevet est un gros mot. Logica continue de déposer des brevets. Regardez le nombre de brevets déposés à travers le monde et l’argent généré : la C&D favorise la création de valeur à partir des brevets, en permettant de les améliorer et de les transformer en solutions disponibles pour le marché.
Pourquoi avoir concentré votre activité d’innovation à Bangalore ?
D’énormes quantités de capacité intellectuelle sont générées à Bangalore. C’est de là que vient l’essentiel de nos bonnes idées. Mais tout ne se fait pas là ni ne se fera là. Je voyage beaucoup à travers le monde, et notamment en Europe, pour collecter les bonnes idées qui émergent un peu partout. Mais c’est à Bangalore que ces idées sont consolidées et traduites en activité de développement.
Ne nous y trompons pas : les bonnes idées viennent de n’importe où et, surtout, de là où on ne les attend pas. Les consommateurs qui utilisent les produits, par exemple, sont probablement mieux équipés pour conseiller les constructeurs que les chercheurs eux-mêmes.
Et puis il y a la réalité économique : à Bangalore, on trouve des ressources économiques hautement qualifiées. Soyons réalistes : nombreux sont ceux qui viennent en Inde pour les coûts ; mais ils restent pour l’innovation. Il y a en Inde des gens très qualifiés, un atout que tout le monde veut utiliser. Pourquoi nous en passer ?
Un exemple d’innovation née dans vos installations de Bangalore ?
Logica développe une solution qui permet d’ajuster le prix du carburant à la pompe en fonction des émissions polluantes des voitures. Pour cela, nous développons un appareil qui mesure les rejets du véhicule pendant qu’il roule. A la station service, on relève, électroniquement et sans fil, les données collectées, puis on adapte le prix du carburant en conséquence. Imaginez l’impact psychologique lorsque vous voyez quelqu’un, à côté de vous, faire le plein pour moins cher parce que sa voiture pollue moins ! Ce concept est né à Bangalore. Tous les bureaux de Logica à travers le monde ont été sollicités pour l’évaluer et le discuter. On pense proposer cette idée aux compagnies pétrolières, aux gouvernements, etc. Pour lutter contre le réchauffement climatique, il faut des incitations !
Mais il y a la crise économique, le scandale Satyam… Tout cela ne risque-t-il pas de nuire à l’industrie IT indienne ?
J’ai toujours un problème lorsque l’on fait rejaillir l’image d’un petit groupe sur un plus grand ensemble : c’est injuste d’observer de manière suspicieuse l’ensemble de l’industrie IT indienne à travers le prisme du scandale Satyam. Je ne pense pas que cela durera. Et puis ce scandale et la crise économique actuelle prennent leurs racines dans l’appât du gain.