Entretien avec Lance Crosby, CEO d’IBM SoftLayer
Si SoftLayer était connu dans le monde du Cloud Computing comme une pépite, la société peinait à convaincre les entreprise du Fortune 500. Avec le rachat d’IBM en juillet dernier, les choses ont bien changé.
"Nous allons continuer à faire progresser le Paas, tout en développant, ou rachetant, des composants Saas."
Si SoftLayer était connu dans le monde du Cloud Computing comme une pépite, la société peinait à convaincre les entreprise du Fortune 500. Avec le rachat d’IBM en juillet dernier, les choses ont bien changé. Lance Crosby, ex-CEO, désormais patron d’IBM SoftLayer a désormais accès au portefeuille de clients ainsi qu’aux ressources du second groupe mondial d’informatique dans le monde. Il est également au coeur de l'édifice chargé de mettre en musique la stratégie cloud d’IBM - ce qui implique les divisions Logiciels et Matériels.
Crosby s’est récemment entretenu avec nos collègues américains de SearchCloudComputing.
Dans quelle mesure est-ce que l'investissement de 1,2 Md$ récemment annoncé dans l'extension de vos datacenters fait-il avancer la stratégie d'IBM SoftLayer ?
Lance Crosby : Nous pouvons désormais accélérer la croissance de SoftLayer en la portant sur 40 sites d’ici à la fin de l’année et positionner le portefeuille d’offres sur tous les marchés du monde. Ce qui me satisfait le plus est de voir porter l'ensemble des solutions Paas et SaaS [du groupe], au dessus de SoftLayer, qu’il s'agisse d'offres existantes ou de nouvelles offres dans le portefeuille d’IBM.
Comparé à SmartCloud Foundation, quel est le plus gros gain apporté par l'infrastructure SoftLayer à ces applications ?
Lance Crosby : IBM, comme de nombreuses grandes entreprises, a pratiqué la virtualisation et l’a appelée Cloud. Mais SoftLayer peut être comparé à seulement trois entreprises : Amazon, Google et Windows Azure. Nous avons développé nos systèmes OSS (Optimized operations support) et VSS (Virtual Server Services) pour pouvoir tout supporter. La virtualisation n'est qu'un des composants [d'OSS et VSS] est elle n'est pas l'unique moteur de notre Cloud. Nous avons appuyé SoftLayer sur une couche logicielle, ce qui nous permet de déployer toute couche de virtualisation qu'il s'agisse de VMware, Hyper-V ou Parallels. Ce qui nous différencie de la concurrence est que nos déploiements peuvent être soit single-tenant ou multi-tenant. Tous nos concurrents sont multi-tenants et ne peuvent que proposer le partage de ressources.
NDLR : Comparé à Amazon, Google et Azure, SoftLayer est le seul à proposer le single-tenant. Toutefois d'autres fournisseurs de Cloud, tels que RackSpace, OVH et Internap Network Services, proposent également des clouds single-tenant.
IBM a enfin présenté en avril 2011 une stratégie cohérente en matière de Cloud lorsqu’il a commencé à agréger de nombreux éléments jusqu’alors fragmentés. Mais rien ne s’est vraiment passé depuis. Comment expliquer celà ?
Lance Crosby : IBM est comme les autres entreprises : le cloud était seulement une technologie émergente et ils essayaient de dessiner leur stratégie. Ils ont fait de bonnes choses, comme racheter de nombreuses fonctions Saas et Paas qui étaient nées sur Internet. Ils en ont racheté plusieurs douzaines ces cinq dernières années, ils avaient donc une bonne idée de ce qui allait se passer. SoftLayer est la pierre angulaire qui lient ces produits ensemble.
Jusqu’à quel point avez-vous avancé dans la roadmap de la prochaine génération de ces produits ?
Lance Crosby : Nous allons construire 40 sites cette année, puis en ajouter encore en 2015 et 2016. Nous allons continuer à faire progresser le Paas, tout en développant, ou rachetant, des composants Saas. Notre concurrent le plus proche, aujourd’hui, est Amazon - il dispose d’un élément IaaS et d’un peu de Paas. De notre côté, nous multiplions les annonces de solutions complètes Saas. Nous aurons ainsi non seulement les ingrédients pour proposer presque tout, mais nous seront aussi capable d'apporter les services de conseil aux entreprises afin de construire des solutions verticales.
Avez-vous discuté avec les personnes de la R&D chez IBM sur la possibilité d’accélérer les développements de certaines technologies Cloud pour votre division ?
Lance Crosby : Absolument. Par exemple, nous venons de faire une annonce à propos de Watson, un produit qui a grandi dans la R&D d’IBM et qui sera lancé sur SoftLayer d’ici à la fin de l’année. Nous allons apporter des services de BI cognitive à plusieurs secteurs verticaux en nous appuyant sur la plate-forme SoftLayer. Nous allons également y greffer des solutions de SDN pour la fin de l’année qui viendront également directement de la R&D IBM.
D’un point de vue culture d’entreprise, comment se passe l’intégration entre SoftLayer et IBM ? En êtes-vous toujours à apprendre à mieux vous connaître ?
Lance Crosby : Nous sommes encore une division autonome et nous le resterons encore pour quelques temps. IBM comprend l’importance de SoftLayer et c’est pourquoi nous n’avons pas encore assisté à une forme d’intégration complète. Le Board me soutient totalement dans cette transition, de Ginny Rometty aux autres hauts responsables.
Qu’avez-vos appris en discutant avec les grand clients d’IBM ? A quel niveau de maturité sont-il en matière d’implémentation de technologies Cloud comme la votre ?
Lance Crosby : Toutes les entreprises viennent au Cloud, qu’elles en soient conscientes ou pas. Elles peuvent par exemple utiliser du Salesforce sans réaliser qu’il s’agit de Cloud.Tous les clients du Top 100 d’IBM sont à des étapes différentes de leurs implémentations Cloud. Je pense que le Cloud va transformer l'IT en profondeur. Il aura le même impact sur leurs activités que les mainframes et le client-serveur - et modifiera fondamentalement la façon dont les entreprises font les choses.
Prévoyez-vous de mettre en avant auprès des décideurs la capacité d'IBM à fournir des solutions de cloud complètes là où AWS cible plutôt des niveaux de responsabilité plus bas ?
Lance Crosby : Je pense que c’est juste. SoftLayer a également commencé avec des clients un peu rebelles qui ont pris sur eux de nous utiliser avant que nous ne devenions un fournisseur clé pour leur entreprise. Nous allons continuer à proposer ce modèle self-service, consommable avec sa carte de crédit auprès des départements IT, comme le fait Amazon. Mais nous donnons réellement à l’entreprise la capacité de garder le contrôle sur le Cloud, de définir des règles d'utilisation et une fois celles-ci définies, de laisser libre les différents départements de consommer ce dont ils ont besoin.
Par exemple, les départements IT peuvent laisser les départements marketing disposer de 5 serveurs bare-metal, 5 VM, 10 templates et 10 configurations de pare-feu. Ils peuvent choisir ce qu'il veulent utiliser dans ces ressource et s’en servir pour construire leur infrastructure.
Avez-vous noué des relations étroites avec les divisions hardware et serveurs d’IBM ?
Lance Crosby : De nombreuses relations. Je suis comme un enfant dans un magasin de bonbons. Je vais à la rencontre de toutes les divisions chez IBM pour leur demander : « voici le composants que je voudrais voir « cloudifier ». Et ils font en sorte de le faire fonctionner avec SoftLayer.
Les puces Power 8 sont attendues pour avril et devraient être optimisées pour les applications Cloud. Les entreprises migrent de plus en plus, vers des serveurs Intel, mais IBM vient juste de revendre ses Systems X. Cela vous inquiète-il ?
Lance Crosby : Nous pensons que les gammes Power nous différencient de la concurrence. Par exemple, nous déployons Watson sur Power pour la Business Intelligence et nous utilisons aussi cette architecture pour fournir dles solutions Big Data à destination de plusieurs segments verticaux. Le nombre de sockets ainsi que la quantité de mémoire constituent un avantage inégalable en terme de performance par rapport aux serveurs x86. Nous n’entrerons pas toutefois directement en concurrence avec les puces x86 sur les mêmes segments car cela ne fait pas sens sur le long terme.
L’analytique dans le Cloud est important pour IBM. Serait-ce la « Killer app » pour le Cloud et le Big Data ?
Lance Crosby : En termes d’analytique, nous menons une stratégie à multiples facettes. Nous venons de racheter Aspera, qui nous permet de transférer des fichiers volumineux en très peu de temps. Cela nous permet d’extraire et d’injecter rapidement des données dans les solutions Big Data.
Avec ses coûts réduits, l’Analytics-as-a-service est-il un moyen pour IBM d’intéresser les gens aux services Cloud ?
Lance Crosby : Oui. En fait, c’est le futur de Watson. Nous souhaitons apporter la BI à toutes les entreprises - quelle que soit leur taille et la quantité de données dont elles disposent. Nous voulons les aider à comprendre leurs activités grâce aux fonctions cognitives de Watson. Nous allons transformer cela en service qui sera disponible à la demande.
Traduit et adapté de l’anglais par la rédaction