Bruno Piers de Raveschoot, Actimize : « nous aurions détecté Jérôme Kerviel très vite »
Après la SG, une autre grande banque, Morgan Stanley, vient d'annoncer une perte de 120 millions de dollars du fait des agissements d'un de ses traders. Editeur d'une solution de détection des comportements suspects de traders (on parle de "rogue trading"), Actimize tente de profiter de la prise de conscience née de ces affaires. D'autant que, selon une étude conduite par cette société, 75 % des banques d'investissement s'attendent à une autre affaire conduisant à une perte de plus de 100 millions de dollars dans l'année qui vient. Interview du directeur Europe de cet éditeur américain.
Vous proposez une solution de lutte contre les fraudes des traders, ce qu'on appelle le "rogue trading" mis en lumière par l'affaire Kerviel. Qu'apporte cette solution par rapport aux systèmes de contrôle des risques déjà en place dans les banques ?
Bruno Piers de Raveschoot : Notre solution contrôle le comportement du trader, sur la base de son profil, de son rattachement à une entité donnée. Si un individu effectue par exemple plus d'annulations d'opérations que la référence assignée à ce profil, une alerte est alors émise. S'y ajoute la construction d'un certain nombre d'indicateurs clefs. Par exemple, sur la base d'informations en provenance des ressources humaines : accès aux bureaux le week-end, prise des congés, etc. Cette analyse multi-critères permet de bâtir un score pour chaque trader et d'émettre des alertes le cas échéant.
A la SG, personne n'était chargée de regrouper toute l'information concernant Jérôme Kerviel. Notre solution aurait digéré toutes les alertes émises dans tous les systèmes. Je pense qu'on aurait détecté très rapidement le comportement d'un Jérôme Kerviel, tant par son profil que sur la base des indicateurs clefs. D'ailleurs, la multiplication des annulations et la concentration des opérations sur un petit nombre d'instruments (techniques employées par Jérôme Kerviel, ndlr) sont des comportements bien connus des "rogue" traders.
L'affaire Kerviel a-t-elle amené une prise de conscience dans les établissements de la place de Paris ?
B.P. : Dans toutes les banques, l'affaire Kerviel a changé la donne. De nombreux établissements sont aujourd'hui en phase d'étude de notre solution, avec des applications en test dans beaucoup de banques. Surtout, le dossier a été pris en main très haut dans le hiérarchie des banques, directement à la direction générale.
Le scandale de la SG reste un cas relativement isolé dans l'histoire de la banque française. Tous les cas de "rogue" trading parviennent-ils aux oreilles du public ?
B.P. : Bien sûr que non. Les banques sont enclines à en cacher une partie.