Bernard Decugis, Snessi : "dans l'impression, l'éco-reponsabilité est intégrée aux appels d'offres"
A la mi-juin le Syndicat des entreprises de systèmes et de solutions d’impression, qui rassemble les grands noms du copieur et de l'impression, organisait la seconde édition de son initiative en faveur du développement durable. Un engagement déjà ancien de la part de cette industrie, explique le président de l'organisation. Bien plus ancien en tout cas que celui des constructeurs de serveurs en faveur du GreenIT.
LeMagIT : Pourquoi cette démarche ? Est-ce pour changer l'image d'une industrie souvent vue comme polluante (encres, papier, etc.) ?
Bernard Decugis : Cette initiative remonte à novembre 2006. Fondamentalement, il s'agissait de mettre en lumière la démarche de responsabilité sociale des adhérents du Snessi, une démarche méconnue. Or, une majorité des sociétés de cette industrie provient du Japon, un pays qui a pris très tôt conscience des enjeux environnementaux. On trouve, chez Ricoh (dont Bernard Decugis est le patron pour la France, ndlr) et d'autres, des traces des ces préoccupations dès le milieu des années 70, notamment dans l'éco-conception des produits. Lors de visites sur place, j'avais aussi été surpris par le niveau de recyclage mis en place dans les usines japonaises.
Dans les faits, Ricoh par exemple s'engage à très long terme sur des objectifs de réduction de ses émissions, jusqu'en 2050. Avec des jalons dès 2010 et 2013. Et ces objectifs vont bien au-delà de ceux de Kyoto. Tous les membres du Snessi vont suffisamment loin, même si les objectifs sont différents d'une marque à l'autre. Je signale également que tous les constructeurs se sont réunis au sein d'un organisme, le Conibi, pour récupérer, recycler et valoriser les cartouches. Et ce, bien avant que la loi ne l'impose avec la directive DEEE.
LeMagIT : En termes de conception des produits, quelles sont les progrès effectués par les constructeurs ces dernières années ?
B.D. : En sept ans, la consommation électrique des machines a été divisée par un facteur de 5 au minimum. S'y ajoute l'arrivée d'un mode veille, rendu possible par des innovations technologiques accélérant la mise en température et par les toners polymères. Selon des mesures réalisés sur un produit en particulier, la consommation réelle à la semaine est passée de 30,52 KWh à 4,26 KWh. Les produits sont aussi moins lourds, les substances toxiques ont été éliminées depuis des années et les encres récentes sont moins polluantes. Enfin, en moyenne, les produits sont recyclables à 90 %, même si, en réalité, la chaîne de recyclage en place ne permet pas d'atteindre ce taux.
A ces efforts sur la machine elle-même, s'ajoutent les nouvelles fonctionnalités qui permettent aux utilisateurs d'optimiser l'usage de leur parc d'imprimantes et de copieurs, comme la télémaintenance et la téléadministration - qui fournissent des statistiques instructives aux utilisateurs -, des outils de simulation de gestion de parcs fournissant un bilan carbone, l'impression déportée - qui permet d'éviter les copies inutiles - ou des compteurs par utilisateur ou service. Mais moins de 15 % de ces fonctions sont aujourd'hui exploitées par les entreprises.
LeMagIT : Comment expliquez-vous cette sous-exploitation ?
B.D. : Dans beaucoup d'entreprises, il manque une volonté venant d'en haut. Les grands comptes qui s'y sont attelées, comme Renault par exemple - contrat où Ricoh s'est engagé sur des objectifs de réduction des coûts -, peuvent facilement abaisser de 30 % le volume de papier imprimé. Les gains économiques rejoignent les préoccupations environnementales.
La difficulté avec le document, c'est que son coût est réparti sur plusieurs lignes budgétaires. Conséquence : les directions générales ne sont pas à même de mesurer l'enjeu qu'il représente. Si elles se penchaient sur le sujet, elles pourraient pourtant dégager jusqu'à un point de marge nette !
LeMagIT : La préoccupation environnementale se traduit-elle déjà dans les appels d'offre ?
B.D. : Le souci de l'environnement est quasi systématiquement présent. Les donneurs d'ordre l'expriment, sans forcément en faire un critère de choix. Côté administration, la circulaire Fillon (qui comprend des préconisations environnementales à l'attention de la future structure responsable des achats de l'État, ndlr) est elle parfaitement explicite en la matière.
LeMagIT : Des parcs mieux gérés, des impressions limitées au stricts besoins, des flux de documents mieux maîtrisés et dématérialisés. Est-ce que les objectifs de cette démarche ne signifient pas obligatoirement moins de chiffre d'affaires pour vos adhérents ?
B.D. : Les ventes de machines ont continué à croître en 2008. Ainsi que le volume de copies imprimées. Et cette démarche fait entrer dans le périmètre de nos activités de nouveaux domaines. Mais, si toutes les entreprises s'engageaient dans une démarche éco-responsable de gestion du document, le nombre d'unités vendues par la profession baisserait certainement.