Benoit Maillard, HP : Les clients peuvent réduire leur dépendance à Oracle et aussi leurs coûts
Interrogé par LeMagIT, Benoit Maillard, le directeur marketing de la division serveurs d'applications critiques d'HP, revient sur la première année d'existence du Superdome 2 et sur la récente décision d'Oracle d'abandonner la plate-forme Itanium. Il souligne le succès des dernières machines et explique en substance qu'il n'y a pas qu'Oracle dans la vie...
LeMagIT : HP a renouvelé son offre de serveur Itanium, il y a près d’un an en lançant une nouvelle offre à base de châssis en lame. À l’époque, seule la configuration mono-châssis était disponible. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Benoit Maillard : On a livré la version mono-châssis du Superdome 2 dès la rentrée 2010 et nous sommes aujourd’hui à même de livrer des versions à deux châssis, soit 128 cœurs dans un système unique. Nous étudions le potentiel d’un système à une seule image avec plus de cœurs.
LeMagIT : Lors du lancement, on avait subodoré la possibilité d’un système à quatre châssis…
B.M. : Agréger quatre châssis est tout à fait possible avec l’architecture telle qu’elle existe et on peut même aller jusqu’à huit. Il faudrait toutefois dans les deux cas adapter le microcode du système. Et puis se pose la question de savoir si ce qui est possible techniquement est utile pour les clients et correspond à une vraie demande. Avec la prochaine déclinaison de l’Itanium2, dont le nom de code est Poulson, nous pourrons proposer en 2012 un serveur Superdome 2 avec 256 cœurs dans seulement deux châssis. (…)
Ce sur quoi nous mettons l’accent est surtout la protection des investissements. Nous permettrons la cohabitation de plusieurs générations de CPU à l’échelle d’une lame et plus d’une cellule, comme c’était auparavant le cas avec le Superdome.
LeMagIT : Comment le nouveau Superdome a-t-il été accueilli par vos clients ?
B.M. : Lors d’une réunion avec nos clients la semaine dernière, nous avons annoncé avoir livré près de 500 plates-formes Superdome 2 en Europe sur les 10 premiers mois de commercialisation. Et au niveau mondial, c’est environ 2,5 fois plus. Il y avait effectivement une attente des clients et puis le format lame se révèle très attractif.
Nous avons ainsi livré des configurations de petites tailles à des clients ayant des besoins critiques. On parle là de machines avec deux ou trois lames. C’est une différence majeure par rapport à nos concurrents que de pouvoir livrer des serveurs critiques de taille moyenne avec 8 ou 16 cœurs. Jusqu’alors, il y avait une équation obligatoire : la haute qualité de service allait de pair avec des livraisons de cœurs par centaine.
L’armoire vide du précédent Superdome était un élément coûteux. Alors que le Superdome 2 est un châssis vide. On peut tourner avec seulement deux crossbars au lieu de quatre, ajouter les alimentations au fur et à mesure des besoins. Et puis le choix d’HP de migrer vers un système de facturation d’HP-UX par socket a permis de ne pas pénaliser les clients pour la croissance du nombre de cœurs par processeur. Enfin, les nouvelles machines s’insèrent beaucoup mieux dans les datacenters, avec leurs châssis 19 pouces, et leurs moindres demandes en matière de refroidissement. Ainsi, les anciennes générations avaient des contraintes d’entrée d’air froid à 15°. Aujourd’hui, le Superdome 2 se satisfait d’air à 33°C. Tous ces gains ajoutés font que l’on obtient un système très attractif pour les clients.
LeMagIT : vous parlez de succès, pourtant les résultats des grands des serveurs Unix ne sont guère brillants. Il aura fallu attendre le début 2011 pour voir réellement les ventes repasser franchement dans le vert après une année 2010 en demi teinte et deux années calamiteuses en 2008 et 2009.
B.M. : Une des lectures que l’on peut avoir de ces marchés est que la densité de puissance par machine est aujourd’hui très supérieure à ce que l’on connaissait en 2007. Les clients se satisfont aujourd’hui avec des plates-formes qui sont plus petites qu’avant. Et du fait du partage technologique avec les plates-formes de volumes, le prix moyen d’un système Itanium a chuté de façon drastique par rapport à il y a 4 ans. Et puis, il y a toujours une évaporation du marché avec des clients qui se satisfont de plates-formes de gros calibre de type x86. On a des clients qui basculent vers des serveurs x86. Le dynamisme d’un Microsoft avec des plates-formes comme SQL Server explique en partie cette transition.
LeMagIT : Pour HP, la décision récente d’Oracle, pourtant partenaire stratégique de longue date d’HP, d’abandonner la plate-forme HP-UX/Itanium ne devrait pas arranger les choses. Plusieurs SSII avec lesquelles nous avons discuté estiment ainsi que deux clients HP sur trois utilisent les solutions SGBD et Middleware d’Oracle…
B.M. : C’est vrai, nous avions avec Oracle une relation stratégique et le chiffre de deux sur trois n’est sans doute pas loin de la vérité. (…)
Vous le savez, HP a attaqué Oracle en justice aux États-Unis et en Europe afin de le contraindre à respecter ses engagements contractuels. HP estime aussi qu’Oracle abuse de sa position et fausse la concurrence en tentant de forcer ses clients à changer de plate-forme.
LeMagIT : On voit mal comment Oracle pourrait faire marche arrière…
B.M. : Les poursuites judiciaires sont en cours et il ne m’appartient pas de les commenter. Ceci dit, pour ce qui est de la base de données, beaucoup de clients utilisent Oracle sans vraiment le savoir, c’est par exemple le cas de nombreux utilisateurs SAP. Dans près de 9 cas sur 10, la dépendance n’est pas une dépendance réelle et le SGBD d’Oracle est remplaçable. L’annonce récente de SAP autour de Sybase est à ce propos une bonne nouvelle pour nos clients car elle offre une alternative qui peut leur permettre de réduire leur dépendance à Oracle mais aussi leurs coûts.
D’une certaine façon, Sybase revient dans le jeu des SGBD-R généralistes sur HP-UX et SAP va s’en assurer. La disponibilité de PostgreSQL est aussi importante, avec le support des fonctions de haute disponibilité en cluster. Et puis il y a d’autres segments où les modes d’utilisation des bases de données relationnelles paraissent âgés et où il existe des alternatives plus modernes. On a par exemple des demandes croissantes sur des solutions comme celles de Vertica.
LeMagIT : La question est toutefois bien plus complexe pour les middleware et pour les applications, qui ne se remplacent pas aussi simplement qu’une base de données. La décision d’Oracle prive en effet HP de l’ensemble du portefeuille Fusion…
B.M. : Nous parlons là de clients qui nous demandent de faire évoluer des progiciels qui sont très coûteux et sur lesquels les cycles de vie sont très longs, souvent de 5 à 8 ans . En la matière, il y a une grande prudence. Par exemple, on voit des grandes banques utiliser des modules de comptabilité d’ERP dans un mode qui les isolent pendant longtemps des changements.
Et puis, là encore, les clients commencent à évaluer très précisément la valeur de chaque composant. Il n’y a pas si longtemps, le chiffrement était présenté comme une fonction à valeur ajoutée des SGBDR ou des middlewares. Aujourd’hui, elle est une fonction standard des OS et des équipements de stockage. On a ainsi vu récemment des clients qui ont reporté le chiffrement des applications vers les baies de stockage ou l’OS. Et puis, chez certains clients, on voit des réflexions de long terme pour stopper la dépendance sur certaines couches middleware.
LeMagIT : Qu’en est-il de l’évolution des plates-formes Itanium qui semble avoir joué un rôle essentiel dans la décision d’Oracle d’abandonner l’Itanium ?
B.M. : Nos clients utiliseront Poulson avant la fin 2012. C’est une date que l’on peut confirmer avec une certaine assurance puisque nous avons fait une démonstration de Poulson sur HP-UX au printemps lors de Discover 2011. On n’est plus dans le développement d’une architecture nouvelle. Poulson s’appuie sur le même socket que l’actuel Itanium « Tukwila » et ne nécessitera que peu de modifications (notamment un rafraîchissement des contrôleurs mémoire et le développement d’un « update enablement » d’HP-UX). Le prochain processeur Itanium, « Kittson » utilisera aussi le même socket.
LeMagIT : Lors du lancement du Superdome 2, Martin Fink (le patron des serveurs critiques chez HP) avait laissé entendre que l’architecture du Superdome 2 pourrait permettre d’accueillir des puces x86. Doit-on comprendre qu’HP travaille sur une telle machine ?
B.M. : En théorie rien n’empêcherait HP de concevoir un Superdome 2 x86 sur la base de l’architecture actuelle. Mais cela n’est pas parce que cela est techniquement possible que cela fait sens économiquement. La plupart des clients x86 se satisfont aujourd’hui parfaitement de ce que nous leur proposons aujourd’hui avec nos serveurs Xeon haut de gamme. Pour l’instant, on ne voit pas de vrai besoin au-delà 8 sockets Xeon, même si, là encore, il serait possible d’aller plus loin.
LeMagIT : À ce propos, on avons assisté, à une époque, à une course au gigantisme dans les grands serveurs. Mais quelle est la réalité de l’usage chez les clients ?
B.M. : Le commun des mortels est dans des partitions de 8, 16 ou 32 cœurs. Au – delà, on a des logiques d’empilage et de consolidation, mais il y a toujours la contrainte des domaines de fautes. D’où le fait que les clients jouent avec des techniques de partitionnement isolantes pour faire cohabiter leurs applications sur un même système. Et puis n’oubliez pas que le monde a changé. Pour ces plates-formes, les cycles de décision sont longs et les objectifs sont désormais en priorité la réduction des coûts.
LeMagIT : À propos de réduction des coûts, nombre de clients ont confié l’exploitation de leurs plates-formes haut de gamme à des SSII et certains vont jusqu’à leur laisser la décision sur ces plates-formes…
B.M. : ES (ex-EDS) est ainsi devenu un client significatif de la division serveurs critiques d’HP avec des logiques d’optimisation et de standardisation des building blocks afin de réduire les coûts pour les clients. Et effectivement, si lorsque le client est en mode de transition, il conserve un œil sur la plate-forme utilisée, il arrive de plus en plus que des clients déjà opérés ne demandent qu’une qualité de service et ne s’inquiètent plus de la plate-forme.