Ahmed Reda Chami, Maroc : "nous sommes positionné sur la carte mondiale de l'offshore"
Pour le ministre marocain de l'Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies, la première étape du plan visant à faire du royaume une des destinations pour l'offshore, particulièrement francophone, est une réussite. Même si Ahmed Reda Chami reconnaît que le pays s'est trompé dans ses anticipations d'origine. Alors que la Maroc comptait sur un décollage du BPO, ce sont les activités d'infogérance qui se développent le plus vite.
Créer 100 000 emplois dans l'offshore d'ici à 2015. Tel est l'objectif dont a hérité Ahmed Reda Chami, ministre marocain de l'Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies, entré au gouvernement en 2007 après avoir fait toute sa carrière dans le privé. Venu du groupe marocain Saham - présent dans l'assurance, la distribution mais aussi l'offshoring avec Phone Group -, où il occupait le poste de directeur général, Ahmed Reda Chami a aussi passé une bonne partie de sa carrière chez Microsoft, où il a été président de la zone Asie du Sud-Est. Un background qui lui confère une bonne compréhension de l'industrie IT - même si certains mettent en doute son impartialité vis-à-vis de thématiques comme l'Open Source. Rencontré à Rabat, Ahmed Reda Chami revient sur la politique publique du royaume pour faire du pays l'une des destinations phares de l'offshore informatique et de l'externalisation des processus métier, un des piliers du plan Emergence par lequel le gouvernement entend accélérer le développement du pays.
Quel premier bilan tirez-vous du plan d'action mis en place par le gouvernement marocain en faveur de l'offshoring ?
Ahmed Reda Chami : Dans le plan Emergence, l'offshore a été identifié comme un des métiers stratégiques pour le Maroc, aux côtés de six autres. Nous avons identifié les filières prioritaires que sont l'ITO (IT outsourcing, soit l'infogérance, ndlr) et le BPO (Business Process Outsourcing, externalisation de processus métier, ndlr). Nous avions prévu au départ que 70 % de l'activité concernerait le BPO. Mais, à part les call centers, les autres métiers du BPO ne se sont pas développés comme nous l'avions prévus à l'origine. Nous nous sommes trompés sur le niveau de maturité de ce marché. Par contre, sur l'ITO, nous sommes au-dessus de nos objectifs : la moitié des 50 premières SSII en France sont aujourd'hui représentées au Maroc, pour y faire de l'offshore.
Voici quelques mois seulement, nous n'étions pas sur la carte mondiale de l'ITO. Nous sommes entrés dans le classement réalisé par AT Kierney des destinations privilégiées en 2007. Et nous avons amélioré notre rang en 2008.
Quand nous avons lancé Casanearshore - notre première zone dédiée à l'offshore -, c'était un acte de foi. Aujourd'hui, la seconde zone, Rabat Technopolis, a démarré ses activités. Et nous lançons de nouveaux sites à Fès (voir le plan d'architecte de cette zone ci-contre, ndlr) et à Marrakech, mais aussi à Oujda et à Tetouan (pour de l'offshore hispanophone dans ce dernier cas, ndlr). Si nous n'avions pas réussi la première étape de notre plan, nous serions réticents à développer cette offre intégrée (bâtiment, télécoms, guichet unique pour les administrations, ndlr) dans d'autres villes.
L'erreur d'appréciation de départ a toutefois eu des conséquences sur les compétences disponibles sur le marché, entraînant des tensions...
A.R.C. : Notre anticipation de départ nous a conduit à former plus de profils BPO que de profils ITO. Nous avons donc lancé une opération de rattrapage, ForShore 3000, visant à requalifier 3 000 personnes sur les métiers de l'ITO en six à neuf mois. Voilà pour la partie coup de poing de notre réponse à cette demande ITO supérieure à nos attentes. En parallèle, nous avons réorienté notre programme national de formation en conséquence et ouvert un institut de l'offshoring. Un fonds d'état d'aide à la formation aide également les entreprises à adapter les profils embauchés à leurs besoins, avec par exemple une enveloppe de 3 000 euros à dépenser en formation continue pour chaque ingénieur recruté.
A combien se chiffre l'investissement de l'état marocain pour développer l'offshore au Maroc ?
A.R.C. : Nous avons d'abord mis à disposition des terrains à bas prix. Nous sommes aussi entrés dans le plan d'affaires des zones offshore, pour avoir des niveaux de coût tels que nous le souhaitions : les loyers sont 20 % moins chers que dans les centres villes. S'y ajoutent les investissements dans la formation. Le Pacte industriel 2009-2015, qui est doté de 12,4 milliards de dirhams (1,1 milliard d'euros, ndlr), consacre 34 % de ses budgets à la formation. Et l'offshoring compte pour beaucoup dans cette enveloppe.
Comment se positionne le Maroc sur la carte mondiale des destinations offshore ?
A.R.C. : Nous ne sommes clairement pas des concurrents de l'Inde. Nous nous positionnons sur du nearshore. Grâce à un faible décalage horaire, les centres de services installés au Maroc ont une vitesse de réaction sur les projets de trois ou quatre heures. Nous pouvons assurer le BPO d'Axa ou de la BNP (deux des grands comptes qui ont installé un centre de services dans le royaume, ndlr) mieux que l'Inde. La proximité culturelle et linguistique avec la France joue également en notre faveur.
Vos principaux concurrents pour l'offshore des donneurs d'ordre français restent les Pays de l'Est...
A.R.C. : Oui, mais beaucoup ont rejoint la Communauté européenne. En termes de salaires, nous sommes aujourd'hui mieux positionnés qu'ils ne le sont.