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Cloud : Google dépose plainte contre Microsoft devant la Commission européenne

Google Cloud accuse Microsoft de pratiques anticoncurrentielles sur les licences cloud de Windows Server. Celles-ci seraient « cinq fois plus chères » sur les concurrents d’Azure. Microsoft répond. Le député Philippe Latombe y voit pour sa part la confirmation de l’importance de la réversibilité.

Google est le dernier acteur en date à contester devant la justice la stratégie de Microsoft dans le cloud. Cette stratégie – accuse Google – consiste à facturer davantage les clients qui veulent exécuter ses logiciels dans des environnements cloud concurrents. La plainte a été déposée auprès de la Commission européenne.

La filiale cloud public du géant de la recherche sur Internet affirme que cette pratique nuit aux clients et qu’elle enfreint la législation de l’Union européenne. Google Cloud accuse Microsoft de tirer parti de sa position dominante dans le logiciel – en particulier avec Windows Server – pour enfermer les clients dans Azure.

Google accuse Microsoft

Lors d’une conférence de presse, Amit Zavery, Directeur général et Vice-président Google Cloud Platform, est revenu sur la manière dont Microsoft rendrait prohibitive l’utilisation des clouds de ses concurrents.

« De nombreuses entreprises utilisent du Microsoft dans leur environnement IT – que ce soit dans leurs propres centres de données privés, sur site ou dans le cloud, [dont] le système d’exploitation Windows Server qui représente probablement 70 % des parts de marché », chiffre-t-il. « Windows Server est un outil incontournable dans de nombreux environnements, il sert de colonne vertébrale aux applications, à la gestion des fichiers et aux services. »

Or, continue-t-il, « Microsoft a introduit des règles qui sont venues restreindre considérablement le choix des clients » pour migrer dans d’autres clouds, en liant intimement Azure et Windows Server.

« Microsoft a introduit des règles qui sont venues restreindre considérablement le choix des clients. »
Amit ZaveryGoogle Cloud

« L’une des restrictions les plus importantes a eu lieu en 2019 [avec] des sanctions financières (sic) extrêmement importantes pour les entreprises qui souhaitent utiliser Windows Server sur les clouds concurrents directs d’Azure : Google Cloud, AWS et Alibaba Cloud », accuse le responsable de Google. « Les propres déclarations de Microsoft indiquent que ceux qui souhaitent transférer leurs workloads vers ces concurrents devront payer jusqu’à cinq fois plus ». Et cela, « bien qu’il n’y ait aucune barrière technique » pour justifier ce prix ou ces restrictions.

De surcroît, ajoute Google, Microsoft limiterait le déploiement des correctifs depuis l’année dernière pour les OS déployés dans ces environnements concurrents.

Bref, Windows Server serait de facto un « produit lié » à Azure et les clients n’auraient pas de choix crédible d’alternative. « Cela pourrait être Azure, mais aussi AWS, ou d’autres fournisseurs européens ou Google Cloud : les clients devraient pouvoir choisir ce qui leur convient », insiste Amit Zavery. « Pour que cela soit le cas, nous demandons donc à la Commission européenne d’examiner la question. Et c’est pourquoi nous déposons cette plainte. »

La réponse de Microsoft

Google n’est pas le premier à s’attaquer aux pratiques de Microsoft en matière de licences dans le cloud. Et ce n’est pas non plus la première fois que la position de Microsoft sur cette question est signalée à la Commission européenne.

« Google avait commencé par m’expliquer que je disais des inepties… désormais, ils reprennent le même argumentaire. Preuve que la réversibilité, c’est le nerf de la guerre. »
Philippe LatombeDéputé

Une plainte concernant ses pratiques avait déjà été déposée par l’association professionnelle du CISPE (Cloud Infrastructure Service Providers in Europe) en novembre 2022. La plainte a été retirée en juillet 2024, après que les deux parties ont conclu un accord avec un dédommagement de 22 millions de dollars.

Contacté par nos confrères de Computer Weekly (groupe TechTarget, propriétaire du MagIT), Microsoft a réagi officiellement : « [Nous avons] réglé à l’amiable des problèmes similaires soulevés par des fournisseurs de cloud computing européens, et cela alors même que Google espérait qu’ils continueraient à poursuivre le litige », tacle Microsoft. « N’ayant pas réussi à convaincre les entreprises européennes, nous pensons que Google ne parviendra pas non plus à convaincre la Commission européenne ».

En France, lors d’une conférence de presse organisée par Levia et Scalingo ce jeudi 26 septembre, le député Philippe Latombe a réagi à la plainte de Google sous l’angle de la « réversibilité ».

« Les licences restrictives freinent aussi l’innovation et la concurrence, en empêchant les entreprises européennes d’utiliser plusieurs solutions cloud à la fois, y compris des fournisseurs de cloud basés dans l’UE », écrivent Amit Zavery et Tara Brady, Président, Google Cloud EMEA.

« Ils [les porte-parole de Google] attaquent Microsoft sur l’absence ou le manque de facilitation de la réversibilité », traduit le député Philippe Latombe, qui confie : « Ils m’ont appelé et ils m’ont dit qu’ils avaient apprécié que j’aie abordé ce sujet précis lors des débats sur la loi SREN ». Avant de taquiner le géant de la tech : « Ils avaient commencé par m’expliquer que je disais des inepties… mais désormais, ils reprennent le même argumentaire ».

« Preuve que la réversibilité est le nerf de la guerre », conclut-il.

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