Legal Tech : Jus Mundi sort un assistant juridique motorisé à la GenAI
Comment Jus Mundi assure-t-il la confidentialité des données de son assistant spécialisé dans le droit du commerce international et dans les arbitrages (qui exigent une discrétion absolue) ? Réponse du CEO de la Legal Tech française qui veut devenir le leader mondial de l’IA appliquée au droit.
Jus Mundi, legal tech spécialisée dans les domaines du droit international, qui revendique 150 000 utilisateurs au sein de cabinets d’avocats, d’entreprises, de gouvernements et d’universités dans une centaine de pays, vient de sortir un assistant numérique augmenté à l’IA générative (« Jus AI Assistant »).
Cette Intelligence artificielle est « maison ». Elle s’appuie en partie sur une version fine-tunée de GPT 3.5 (via Azure OpenAIv). Côté documents, elle est entraînée sur la base de données jurisprudentielles internationale de l’entreprise.
Cette base (« unique au monde », affirme Jus Mundi) qui a été versée dans un RAG. Autrement dit, le modèle ne va pas chercher d’information à l’extérieur.
Dans le futur, l’outil devrait utiliser plusieurs grands modèles de langage (LLMs), dont GPT-4.
Des institutions et des cabinets d’avocat testent actuellement l’outil de Jus Mundi (en « early access » ou accès anticipé) pour le perfectionner. Parmi ces acteurs se trouvent la cour d’arbitrage de la CCI et l’American Arbitration Association, des cabinets comme Chaffetz Lindsey et Greenberg Traurig aux États-Unis, Three Crowns au Royaume-Uni, ou encore Bredin Prat, GBS Disputes et Wordstone en France.
Le deuxième outil à base d’IA générative de Jus Mundi
Après avoir levé 8,5 millions d’euros en 2021, notamment pour accélérer le développement de son IA, Jus Mundi a lancé en 2023 un premier outil d’IA générative pour rédiger des résumés juridiques.
Marina WeissBredin Prat
Avec ce nouvel assistant, l’éditeur va un pas plus loin et dit pouvoir « répondre à de nombreux cas d’usage […] du droit comme la conception de mémos de recherche juridique, la rédaction d’arguments juridiques, l’analyse ou encore la traduction juridique ».
« Chez Bredin Prat, nous sommes toujours à la recherche de moyens de tirer parti de la technologie », confie Marina Weiss, associée au cabinet d’avocats. « Nous considérons que ce produit d’IA change la donne pour les pratiques d’arbitrage, car il promet de rationaliser l’analyse de cas complexes et de favoriser une compréhension quantitative plus approfondie des précédents juridiques ».
La délicate question de la confidentialité des requêtes des clients
Dans un échange avec LeMagIT, Jean-Rémi de Maistre, CEO de Jus Mundi et avocat à la cour, a ouvert le capot de Jus AI Assistant pour dissiper les doutes qui pouvaient planer sur son assistant.
Des doutes ? Oui, car le choix d’un LLM hébergé sur Azure – un cloud américain – peut poser question pour un usage très critique, où les données (les requêtes des clients) doivent rester totalement confidentielles, et où, encore plus exigeants, certains acteurs pourraient exiger une totale immunité à l’extra-territorialité du droit américain parfois instrumentalisé à des fins de guerre économique (dixit le rapport Gauvain).
Jean-Rémi de MaistreCEO de Jus Mundi
C’est le cas de l’arbitrage, car « ce mode de règlement des contentieux garantit aux parties, si elles le souhaitent, que leurs affaires restent complètement confidentielles et inconnues du public », souligne lui-même Jean-Rémi de Maistre.
Pour lui, le choix de Microsoft est néanmoins raisonné et s’accompagne de plusieurs mesures pour assurer ces exigences drastiques.
« Microsoft est un acteur global de référence en matière de sécurité des données », commence-t-il avant d’aborder le thème de la confidentialité.
« Notre partenariat nous permet d’appliquer aux LLMs les mesures avancées de Microsoft et d’offrir une confidentialité complète des données de nos utilisateurs. […] Aucune des interactions avec Jus AI Assistant n’est conservée ou accessible par d’autres personnes ou systèmes », insiste le CEO. « Les requêtes des utilisateurs ne sont jamais accessibles par des parties tierces ».
En fait, continue-t-il, « Microsoft s’engage à ce que l’ensemble des données qui transitent par Azure Open.AI soient immédiatement supprimées après utilisation ».
Il serait donc impossible pour l’hyperscaler américain d’y avoir accès, rassure Jean-Rémi de Maistre. « Le fait qu’elles soient immédiatement supprimées est [même] la seule vraie protection contre ces réglementations [N.D.R. : FISA, CLOUD ACT, Patriot Act] ».
De surcroît, la base de données principale de Jus Mundi est hébergée sur un cloud souverain (OVH).
Devenir le leader mondial de l’IA appliquée au droit international
Aujourd’hui, Jus Mundi cible les acteurs du droit du commerce international, du droit des investissements internationaux, du droit international public, de l’arbitrage maritime et de l’arbitrage sportif. Concrètement : les avocats, les gouvernements, les directions juridiques des sociétés, les cabinets d’expert, les universités et les cabinets de financement des litiges (« third-party funders »).
Mais avec sa double expertise juridique et technologique – dont son savoir-faire dans l’extraction des données à grande échelle –, l’éditeur français pourrait rapidement s’attaquer à d’autres domaines du droit international.
Jean-Rémi de Maistre envisage par exemple ceux de la fiscalité, de la protection des données personnelles, ou encore des droits de l’homme. Une liste non exhaustive pour cette legal tech dont l’ambition est de devenir « le leader mondial de la technologie juridique ».