Apple Silicon M1 : le système-sur-puce qu’attendait ARM pour décoller sur le poste de travail
Si les ambitions d’ARM sur le poste de travail ne sont pas nouvelles, le système-sur-puce signé Apple va bien au-delà de ce que d’autres avaient réussi à proposer jusqu’ici. Sans que cela signifie que le monde du PC puisse s’engager dans la même voie.
Apple a commencé la commercialisation de ses Mac à base de processeur ARM début novembre, plusieurs années après l’arrivée des premiers PC ainsi dotés. Les premiers retours sont très largement positifs, soulignant les performances du système-sur-puce (SoC) conçu par les équipes d’Apple, le M1. Une claque pour Qualcomm et ses Snapdragon, mais peut-être aussi l’impulsion nécessaire pour un effort plus vaste de l’industrie des PC en faveur du développement de machines ARM. Microsoft se serait déjà engagé dans cette direction. Mais cela ne signifie pas qu’il serait simple, pour l’écosystème Windows, de s’engager dans la voie ouverte par Apple.
Une nouvelle page pour Apple
Comme promis en juin, la firme à la pomme a, début novembre, levé le voile sur un MacBook Air et un MacBook Pro 13 pouces, ainsi que sur un Mac Mini tous trois animés par un système-sur-puce maison, le M1, à base de cœurs ARM. Une première étape avant une transition complète de l’offre d’ordinateurs personnels d’Apple à l’horizon 2022, avec à la clé, la promesse de performances bien supérieures à ses produits actuels à base de processeurs Intel, avec en prime, des autonomies accrues.
L’une des clés de ce qui peut ressembler à une prouesse n’est autre que l’architecture retenue : un système-sur-puce, à savoir une unique puce intégrant directement de multiples composant traditionnellement éparpillés sur une carte mère. Là, Apple a multiplié les cœurs de traitement spécialisés sans pour autant dédier à chaque une quantité de mémoire vive spécifique. Le consultant norvégien Erik Engheim est rentré dans le détail de ce qui rend le SoC M1 si particulier.
Changer ainsi d’architecture processeur pose naturellement la question de la compatibilité applicative. Apple jouit là de l’expérience acquise précédemment, à l’occasion de l’abandon des PowerPC au profit des puces Intel. Rosetta se chargeait alors de la « traduction ». Cette fois-ci, sa seconde itération permettra de faire fonctionner des applications compilées pour Mac Intel sur Mac M1, en attendant que leurs éditeurs de sautent le pas.
Depuis deux mois, les tests se sont multipliés. Et leurs résultats ne sont pas tendres. En particulier, un mac M1 peut faire fonctionner Windows 10 dans une machine virtuelle avec un niveau de performances brutes quasiment deux fois supérieur à celui d’une Surface Pro X de Microsoft. Pas surprenant que, dans un tel contexte, Microsoft songe, comme l’indique Bloomberg, à développer ses propres puces ARM, notamment pour ses tablettes Surface.
Une claque pour les systèmes ARM sous Windows
ARM ne fait pas mystère de ses ambitions sur les ordinateurs portables. En mai dernier, il a présenté le cœur Cortex-A77, aux performances et à l’efficacité énergétique considérablement améliorées par rapport à son prédécesseur, le Cortex-A76.
Mais c’est en décembre 2016 que Qualcomm avait annoncé sa collaboration avec Microsoft visant à faire émerger des terminaux mobiles connectés à grande autonomie, sous Windows 10. Quelques mois plus tard, profitant de la présentation de ses résultats trimestriels, le fondeur avait annoncé le lancement de portables sous Windows 10 animés par son système sur puce Snapdragon 835.
Lesquels n’avaient reçu qu’un accueil pour le moins mitigé, la faute un SoC aux bras relativement petits – à base de cœur Cortex-A73 modifié, bien loin d’un Cortex-A77 – et de la couche d’émulation x86 32 bits.
Fin 2018, Qualcomm présentait toutefois le Snapdragon 8cx, qu’il affichait comme conçu spécifiquement pour les portables sous Windows. Mais au moins sur le papier, ce SoC ressemblait beaucoup au Snapdragon 855 annoncé en parallèle et dédié aux tablettes ainsi qu'aux smartphones, avec le même DSP Hexagon 690 – quoi que Qualcomm mentionne celui-ci sur la page Web du Snapdragon 8cx, et l’Hexagon 685 sur sa fiche technique – et le même modem. L’interface Wi-Fi apparaissait toutefois différente – et renvoyaitau Snapdragon 850. En outre, le Snapdragon 855 se contente d’un GPU plus modeste, l’Adreno 640.
En décembre 2019, si d’aucuns pouvaient espérer plus de Qualcomm, leurs espoirs ont été douchés : le fondeur a joué la descente en gamme, avec des SoC visant l’entrée et le milieu de gamme. Pour réaliser un PC ARM avec Qualcomm, il faut donc encore se contenter du Snapdragon 8cx, sur lequel Microsoft s’est appuyé pour le SoC SQ1 de sa Surface Pro X.
La position particulièrement favorable d’Apple
L’appel d’air provoqué par Apple avec son SoC M1 pourrait bien avoir donné des idées à AMD, comme l’expliquaient début décembre nos confrères de MacGénération. Et même le président de Qualcomm, Cristiano Amon, semble s’en satisfaire, voyant le SoC M1 comme une « validation » du pari fait, il y a plusieurs années, avec ARM. Et c’est en fait assez compréhensible.
S’il y a bien un acteur qui peut se permettre une telle transition, finalement assez rapide, d’une architecture matérielle à une autre, c’est Apple, qui n’a pas à s’inquiéter d’entraîner avec lui tout un écosystème, à commencer par celui des fabricants de GPU. La firme à la pomme y a en outre intérêt, pour étendre au Mac la maîtrise étendue de ses produits, du matériel au logiciel.
Pour un Microsoft, qui ne se positionne que sur une partie bien plus restreinte de la chaîne de valeur de l’informatique de l’utilisateur final, l’intérêt est considérablement moins marqué.
Dans le monde Windows, c’est donc tout acteur susceptible de prendre des parts de marché à Intel qui peut trouver un intérêt au développement du marché des ordinateurs personnels ARM. Avec en premier lieu Qualcomm, qui peut ainsi capitaliser sur ses efforts de recherche et développement pour les terminaux mobiles. L’intérêt s’explique ainsi aisément. De même que les difficultés à faire exploser ce qui s’apparente largement à une niche.
A l’inverse, Apple pouvait se permettre d’investir au-delà d’une simple déclinaison de ses SoC Ax pour terminaux mobiles : en migrant rapidement toute son offre Mac, son marché atteindra la masse critique permettant de rentabiliser les efforts de R&D.
Dès lors, ce qu’Apple réalise là apparaît difficilement envisageable pour un acteur du monde Windows, seul du moins. Et même à plusieurs, il faudra probablement compter avec une certaine inertie.