IBM acquiert Red Hat, muscle son offre cloud et cherche un débouché open source
IBM et Red Hat signent un mariage majeur dans le développement du cloud pour les entreprises. Pour 34 Md$, IBM muscle son offre de cloud hybride, investit dans les technologies IaaS/PaaS d'avenir et s'octroie un accès déterminant à la communauté open source.
En mettant la main pour 34 milliards de dollars sur Red Hat, IBM fait coup triple : il réussit une percée remarquée dans la communauté open source – un monde qu’il drague depuis quelques années, il intègre une société qui le remet sur le devant de la scène côté infrastructure, et enfin il s’octroie une place de choix dans des développements cloud d’avenir de type container.
Annoncée ce dimanche officiellement sur la base d’un accord entre les deux conseils d’administration, l’opération valorise l’éditeur historique de la principale distribution Linux du marché quasiment une fois et demi sa capitalisation boursière.
Après plusieurs années sur la défensive qui ont vu Big Blue réduire ses activités jusqu’à disparaître de marchés historiques, cette annonce marque une réaction d’envergure de la part de Virginia Rometty, qui signe ainsi la plus grosse acquisition réalisée par le plus ancien groupe IT. IBM financera l'opération sur ses fonds propres et par endettement.
Officiellement, cette opération présentée comme « l'acquisition technologique la plus importante de l’année » est avant tout justifiée par la volonté d’IBM de prendre une place prépondérante dans le cloud hybride, considéré comme le modèle le plus probable pour la plupart des entreprises faisant le choix d’une informatique distribuée. Hybride et multicloud puisque IBM et Red Hat promettent de « fournir une approche ouverte du cloud, offrant une sécurité et une portabilité sans précédent dans un environnement multicloud ».
IBM revendique désormais la 1ère place en matière de cloud hybride tout en donnant quelques gages à la communauté open source : Big Blue s’engage « à maintenir l'héritage d'innovation open source de Red Hat en poursuivant le développement de son portefeuille de technologies et en renforçant sa vaste communauté de développeurs ». Dans un premier temps, Red Hat fonctionnera comme une unité distincte au sein de l'équipe Hybrid Cloud d'IBM.
IBM redécouvre les joies de l’infrastructure
Après avoir tergiversé sur l’espace où faire battre son cœur – les services au début 2000 ; l’analytique et Watson dans les années 2010 –, IBM semble renouer avec ses amours du côté de l’infrastructure. Déjà les derniers résultats trimestriels montraient combien les activités infrastructure avaient sauvé le trimestre de Big Blue. Le cognitif, censé tirer la croissance du groupe, a reculé de 1 % au 2ème trimestre 2018, tandis que les services faisaient du surplace. La maigre croissance du groupe était à mettre à l’actif de la spectaculaire progression de 112 % des ventes de mainframes.
Au total, la division systèmes avait réalisé un CA de 2,2 milliards de dollars (1,8 Md$ en matériel et 0,4 Md$ en systèmes d’exploitation). Selon IBM, ses activités cloud (qui comprennent ses revenus SaaS, les revenus de l’offre IBM Cloud, ainsi que les services associés) ont atteint 4,7 milliards de dollars sur la période (+18 %). Sur ce total, 2,2 milliards proviendraient des ventes d’IBM Cloud Platform. Au vu du positionnement de Red Hat et de l’effet de levier attendu, ce sera 1 milliard supplémentaire qui sera donc à mettre au crédit du cloud IBM dans les trimestres à venir.
Mais au-delà du bol d’air frais en matière de résultat de l’opération, cette transaction repositionne IBM au cœur du jeu technologique.
Red Hat pourrait rapidement devenir l’OS de base des systèmes Power9 tout juste sortis et des futurs Power10. Une offre d’infra complète optimisée pour des cloud privés à même d’héberger les applications critiques ou les bases in-memory.
Red Hat focus sur les containers
Surtout, Red Hat est particulièrement investi dans les conteneurs et Kubernetes, la couche open source qui permet d’orchestrer ses infrastructures virtualisées particulièrement prépondérantes dans la mise en place d’un environnement cloud natif. En début d’année, l’éditeur open source a mis la main sur CoreOS, l’un des principaux orchestrateurs open source pour container, pour 250 M$. IBM est lui-même actif sur Kubernetes mais cherchera sans doute à prendre une place prééminente sur un marché encore atomisé.
Sur ce segment, reste à savoir ce que sera la réaction de Microsoft. L’éditeur de Redmond est un partenaire privilégié de Red Hat sur les containers et…. cherche également depuis de nombreux mois à séduire la communauté des développeurs open source. En juin dernier son PDG Satya Natella n’a pas hésité à mettre 7,5 Md$ sur la table pour récupérer GitHub, la plateforme n°1 d’hébergement et de versioning de code source.
Au-delà de l’infrastructure et toujours sur le cloud, Red Hat propose également un PaaS – Openshift - qui compte notamment Orange comme utilisateur.