Transformation numérique : 5 conseils de DSI pour développer une stratégie IT viable et cohérente
Les DSI sont sous pression. Ils doivent garantir le fonctionnement des SI historiques tout en collant à l'évolution des demandes des métiers pour améliorer l'efficacité organisationnelle (et pas simplement opérationnelle). Voici 5 conseils pour jongler avec ces deux objectifs souvent opposés.
La plupart des DSI ont développé leurs expertises dans le milieu d'un service IT fermé. Oui mais voilà, les cadres dirigeants attendent désormais d’eux qu'ils dépassent ces questions purement opérationnelles et s'impliquent plus dans l'activité.
Le défi est de taille, car des termes à la mode comme « rupture », « expérience » et « expérimentation » contribuent à créer des attentes peu réalistes de la part des directions sur l'effet probable de la « transformation numérique ».
A l'ère du numérique, comment les DSI peuvent-ils développer une stratégie IT qui tranche réellement, tout en assurant des avantages métier sur le long terme ? Voici cinq des meilleures pratiques permettant de transformer une entreprise avec la technologique.
1 – Une stratégie IT doit être unique et unifiée
Ian Cox, ex-DSI devenu conseiller en économie numérique, explique que la rupture se produit généralement dans les secteurs qui n'ont rencontré aucun changement majeur au niveau des modèles d'activité, des produits et des services sur des périodes prolongées.
Il tient un discours très clair au public qui prône la transformation. « La rupture n'est pas une nouveauté » affirme-t-il. « Elle est née avec les entreprises. La rupture est généralement favorisée par la technologie, quelle que soit sa forme. Mais, à l'ère du numérique, l'IT est sans conteste un marqueur encore plus fort. »
Certains DSI développent une stratégie numérique distincte de la stratégie IT globale de l'entreprise. Pour Ian Cox, c'est une erreur : les DSI doivent intégrer la technologie à la stratégie globale de l'entreprise.
« Les entreprises ont toutes besoin d'une stratégie métier unique. Et le DSI doit provoquer le débat et développer les possibilités […] Le DSI d'aujourd'hui doit être visionnaire dans les domaines de l'IT et des activités des startups. »
2 – L’activité détermine la stratégie IT, pas l’inverse
Pour Andy Wilton, DSI chez Claranet, l'adoption du numérique, au-delà de l'attrait du terme, est à l'origine d'un changement majeur. La ligne de démarcation entre l'IT et les autres services d'une entreprise a bougé au point de ne plus exister.
« Aujourd'hui, c'est votre secteur d’activité qui détermine votre stratégie IT, et non votre département » affirme-t-il.
Andy Wilton est persuadé que le commerce de détail est probablement l'exemple le plus représentatif des cas où les DSI ont dû sévèrement ajuster leurs stratégies. La simplicité et l'efficacité des appareils numériques installés en boutique, de même que l'aubaine que constituent les achats en ligne et l'automatisation des processus tout au long de la chaîne d'approvisionnement ont largement stimulé la croissance.
Mais, tempère-t-il, tous les secteurs n'ont pas connu un tel bouleversement. Dans le secteur automobile, malgré les évolutions de la modélisation et des logiciels de gestion de la relation client, les bases de la fabrication ont peu changé. D'où une faible progression des changements. « Il n'y a pas toujours de lien direct entre valeur métier et croissance numérique ».
Pour lui, cette absence de lien systématique doit pousser à la prudence des dirigeants toujours prompts à s'emparer de mots à la mode pour masquer une absence d'activité.
« Il n'y a pas de label pour le numérique » dit-il. « Le rythme des changements est largement déterminé par la valeur métier directe de certains produits, et par la façon dont l'IT peut connecter et améliorer simplement les opérations. Ce rythme n'est pas guidé par le besoin de révolutionner l’intégralité d'un modèle commercial. »
3 - La technologie n’est pas tout, mais elle reste fondamentale
Richard Norris, directeur de l'IT et chargé du changement métier chez Reliance Mutual Insurance, a été recruté fin 2014 pour assurer la transformation d'un existant IT historique. Le programme a permis de créer une « plateforme pour les changements », tant au niveau de la technologie que de celui de la culture d’entreprise.
L'organisation technologique revisitée joue désormais deux rôles : premièrement, la prise en charge des systèmes existants; deuxièmement, la prise en charge du développement du site There.co.uk.
« J'ai fait appel à Gartner pour assister les personnels au sein de leurs services pour les aider à comprendre comment utiliser l'IT pour optimiser l'efficacité de l'entreprise » explique-t-il. « En favorisant le développement de l'expérience d'autres personnes, j’atténue la pression que je subis, et je peux me focaliser sur les points réellement décisifs en termes d'avantage concurrentiel. »
Pour Richard Norris la stratégie IT s’appuie autant ni n’est plus sur la coopération entre les personnes que sur l'ingénierie pure et dure des systèmes.
Selon lui, cette transition du numérique pur vers la communication et la collaboration est tout sauf inhabituelle. Toujours selon lui, au fil de sa carrière, un expert IT finit par délaisser la technologie. Mais un DSI intelligent doit toujours avoir un œil sur l'IT.
« J'ai beaucoup travaillé pour développer mes aptitudes en relations humaines, mais j'ai également toujours veillé à ne pas perdre mes compétences techniques. Ainsi, j'échange toujours avec les responsables de l'architecture d'entreprise, par exemple sur des questions de gouvernance » explique Richard Norris.
« Ensuite, je peux restituer ces informations pertinentes aux autres acteurs de l'entreprise. Je peux poursuivre mon activité en sachant parfaitement comment la technologie disponible peut servir les aspirations des principaux décideurs. »
4 – Traiter les fonctions métier comme de grandes personnes responsables
Recruté comme directeur technique en 2012 par le groupe hôtelier GLH, Chris Hewertson était en première ligne d'une transformation organisationnelle qui a mis l'expérience client au cœur de la stratégie métier de l'entreprise.
Les difficultés sont apparues dès le printemps 2013, lorsqu'il a commencé à prendre des décisions concernant l’orientation de l'IT dans l'entreprise. « Nous avions une feuille de route technologique assez classique » explique Chris Hewertson, qui savait que le Cloud allait jouer un rôle crucial. « Le résultat a été plus ou moins mis en œuvre. Mais plutôt que de nous en tenir à ce plan... nous nous sommes arrêtés ».
Chris Hewertson explique que la stratégie technologique initiale semblait trop axée sur le cœur de métier et trop traditionnelle.
« Nous nous sommes aperçus que, pour transformer nos activités génératrices de revenus, nous devions laisser aux hôtels eux-mêmes le soin de décider des systèmes à utiliser. Au lieu de nous focaliser sur le cœur de l'activité, nous sommes partis de la périphérie » explique-t-il.
Chris Hewertson a baptisé le projet Ship Alongside. Son constat était que les moyens des hôtels étaient devenus tellement faibles qu’il fallait repartir de zéro (avec un nouveau « navire » IT à équiper pour tout « l’équipage » de l’entreprise).
Lorsqu'il parle du projet, Chris Hewertson explique que l'approche adoptée apportait de nombreux changements. « Presque tous les services des hôtels ont été impactés » dit-il.
Trois équipes concurrentes composées de personnes du service IT et de services métier ont été constituées et associées à des partenaires technologiques. Chacune des trois devait chercher des nouveaux systèmes pour différents secteurs de l'entreprise. Elles ont ainsi évalué des centaines de services.
« Les équipes se sont vraiment prises au jeu, et la mise en concurrence les a poussées à trouver des solutions innovantes à nos défis métier. »
Chris Hewertson explique que les équipes en compétition ont eu plusieurs séances d'échanges pendant la période d'évaluation de trois mois. A la remise des conclusions, l'équipe dirigeante de GLH a fusionné les résultats des différents groupes, puis Chris Hewertson et ses collègues ont évalué les systèmes présélectionnés et implémenté la technologie.
« L'avantage de cette approche tient à ce que l’activité a choisi elle-même sa propre technologie. Nous avons transféré ce qui relevait historiquement de la responsabilité du DSI. Mais c'est ce que tout responsable IT aimerait voir se produire dans les directions métiers : qu’ils approfondissent les problématiques, qu’ils définissent clairement leurs attentes et qu’ils s'engagent dans la transformation. » Comme des personnes majeures, responsables et vaccinées.
5 - Travailler de façon Agile pour répondre aux attentes élevées de la clientèle
Directeur adjoint de Boston Consulting Group, Andrew Agerbak affirme que la transformation numérique engendre un grand nombre d'opportunités commerciales. Il explique que le changement permet à certains de ses clients de diminuer leurs coûts jusqu'à 30 %, et que le développement Agile joue ici un rôle majeur.
« Cela ne va pas de soi : la transformation ne peut pas se faire de façon cloisonnée, comme dans le développement IT classique » explique-t-il. « Vous devez travailler à tous les niveaux – ventes, marketing et opérations – et créer une cohérence. Réussir une véritable transformation numérique demande beaucoup d'efforts. »
Andrew Agerbak admet que les clients d'aujourd'hui n'ont plus les mêmes attentes. L'IT ne consiste plus à répondre aux seules demandes technologiques internes.
« Si votre application de banque en ligne est évaluée dans une boutique d’applications de type App Store, les enjeux sont complètement différents. Les utilisateurs cherchent des applications simples et intuitives. Et les pannes sont totalement inacceptables ».
Pour créer une stratégie de services d'excellente qualité, les DSI doivent aider l'entreprise à devenir plus agile et à expérimenter plus facilement. « Avant de faire évoluer un produit, vous devez le présenter régulièrement aux clients » explique Andrew Agerbak.
« Vous devez hiérarchiser vos actions en fonction des commentaires. Vous devez également définir clairement ce que signifie le mot ‘terminé’. Si vous cherchez à apporter des modifications tous les quinze jours, vous aurez tout intérêt à suivre les changements et à analyser la pertinence dans le temps. Vous passerez alors à un niveau de pertinence bien plus élevé ».