Transformation digitale : Le Monde part à la conquête du monde
Après s’être digitalisé et avoir rajeuni son lectorat avec les réseaux sociaux, le quotidien Le Monde se lance dans une nouvelle étape de sa transformation : une édition internationale. Avec des défis IT à la clef. L’objectif est d’atteindre un million d’abonnés d’ici 3 ans.
Historique. C’est une institution française, et elle part à la conquête de l’international. Fondé en 1944, le journal Le Monde a lancé ce mois-ci sa première édition en anglais pour cibler les lecteurs américains, canadiens et britanniques.
Pour le président du directoire du groupe Le Monde, Louis Dreyfus, « le Monde est un journal indépendant, fait et dirigé par des journalistes, avec un angle important sur la couverture internationale ». Il semblait donc naturel d’avoir une édition dédiée à une audience mondiale.
« Croître à l’international est un vieux rêve du Monde », confirme Louis Dreyfus. « Je suis sûr qu’aux États-Unis, il y a un lectorat important qui sera content de voir qu’il y a un traitement possible de l’actualité qui n’est ni celui du New York Times ni celui du Washington Post ».
Dans les années 2010, Le Monde a investi massivement dans sa transformation digitale pour ne pas se faire « disrupter » par de nouveaux canaux d’informations. Aujourd’hui, le quotidien emploie une centaine de développeurs, confie Sacha Morard, son Directeur technique. Et en 2017, les abonnés numériques ont dépassé les abonnés papier.
La technologie de paiement au cœur du projet international du Monde
La diffusion n’est a priori pas un gros défi technique pour le journal en lui-même qui possède déjà un site robuste et bien conçu. Cela ne signifie pas pour autant qu’il suffit de traduire les articles et de les mettre en ligne pour être « international ». L'infrastructure doit aussi suivre.
« Jusqu’alors, notre audience était à 90 % localisée en France, et notre infrastructure l’était aussi. Pour que nos lecteurs étrangers puissent accéder à notre site sans latence superflue, nous avons dû la répliquer sur plusieurs continents. Par exemple, un lecteur américain sollicitera nos serveurs installés aux US », précise Sacha Morard au MagIT. L’infrastructure est hébergée sur des clouds publics, majoritairement AWS et Azure. « Nous avons également un fort enjeu de cybersécurité, car une présence technologique étendue sur plusieurs continents oblige à davantage de rigueur et de précaution, surtout en ces périodes de tensions fortes. »
Pour être international, il faut aussi gérer les paiements. Un point sensible qui pouvait devenir bloquant. Les marchés locaux ont en effet des particularismes qui doivent être pris en compte par la technologie.
« Il faut anticiper les habitudes de consommation dans les marchés que nous ciblons pour pouvoir offrir des méthodes de paiement adaptées », insiste Lou Grasser, Responsable Produit et Marketing du Monde. « [En France], nous utilisons encore les virements. En Afrique, le paiement sur mobile a explosé. Et aux États-Unis, les cartes bancaires sont le moyen de paiement préféré. Ne pas tenir compte de ces différences serait une énorme erreur ». Ces particularités s’ajoutent à la prise en charge, souvent complexe, de différentes devises (dollar américain et canadien, livre sterling, etc.).
Sacha MorardCTO du Monde
« Nous voulions aussi avoir l’interface de paiement la plus simple possible » rajoute comme contrainte le CTO Sacha Morard. Pas question d’avoir une usine à gaz au moment de l’abonnement pour séduire de nouveaux marchés.
Pour résoudre cette problématique, le CTO et ses équipes ont fait le choix de passer par l’infrastructure cloud de Stripe. Un choix que Sacha Morard justifie en expliquant que « la solution est connue pour être facile pour les développeurs. Mais si vous voulez construire des interfaces pour des paiements plus complexes, cela reste possible », notamment grâce à un jeu complet d'APIs.
Autre avantage, les transactions sont sécurisées par Stripe Radar, une solution de détection des fraudes intégrée à la plateforme et qui s’appuie sur le Machine Learning.
« Ce serait vraiment difficile d’aller à l’international sans ce genre de partenariat », conclut Sacha Morard.
Un lectorat de plus en plus digital
Le paiement est d’autant plus au cœur de cette « étape clef » – comme la qualifie Louis Dreyfus – que Le Monde défend un journalisme indépendant. Stratégiquement et philosophiquement, « il est plus facile de bâtir [notre] croissance sur les abonnements que sur la publicité », souligne le président.
Louis DreyfusPrésident du directoire du groupe Le Monde
Une croissance qui a par ailleurs bénéficié de la transformation digitale du quotidien. Le Monde a doublé en cinq ans sa base d’abonnés. Elle dépasse aujourd’hui les 520 000 abonnés. Et en jouant la carte des réseaux sociaux – Tik Tok, Snapchat, YouTube, Spotify – et de l’application mobile, le journal a aussi réussi à rajeunir son lectorat.
« En 2021, près de la moitié des nouveaux abonnés avaient moins de 34 ans », se félicite Lou Grasser.
« Quand vous êtes une institution, il y a un risque de se reposer sur ses lauriers. Quand vous êtes rentable, il y a la tentation d’arrêter de développer votre activité. [Mais] il faut garder le rythme », synthétise Louis Dreyfus.
Après le numérique, et après le jeune lectorat, son nouveau défi – et celui des 500 journalistes de la rédaction du Monde – sera donc d’être « le premier média français indépendant à être traduit pour l’international » pour atteindre le million d’abonnés d’ici 2025. Un Monde mondial en quelque sorte.
Article initialement publié le 13 avril 2022 et mis à jour le 19 avril avec des précisions sur l'infrastructure (cloud public) choisie par Le Monde pour diffuser son site à l'international, ainsi qu'une photo de Louis Dreyfus.