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La GenAI au service de Wimbledon

LeMagIT explore les coulisses du prestigieux tournoi londonien qui mélange tradition et technologie pour faire bénéficier les amateurs de tennis d’une nouvelle « expérience spectateur ».

Wimbledon est un temple de la tradition tennistique. Mais ce temple n’exclut pas la modernité. Le tournoi explore aussi de nouvelles pistes pour améliorer le spectacle qui se joue pendant 15 jours sur l’herbe londonienne.

La tendance s’observe dans de nombreux sports. Les technologies (dont l’IA) ont de plus en plus leurs places. À Londres, l’organisateur du tournoi, le All England Lawn Tennis and Croquet Club (AELTC), s’est concentré en particulier sur l’engagement et l’expérience utilisateur. En 2023, Wimbledon a touché presque 20 millions de fans avec ses plateformes numériques.

Depuis plus de 30 ans, IBM est le principal partenaire technologique de l’AELTC. Chaque année, les deux partenaires réfléchissent à ce qu’ils peuvent faire de nouveau. En 2024, sans surprise, la nouveauté s’appelle « intelligence artificielle générative » (GenAI).

« Nous cherchons toujours à savoir comment améliorer l’engagement des supporters », explique Bill Jinks, directeur de la technologie à l’AELTC. « Comment apporter plus de données aux supporters ? Comment utiliser le Machine Learning pour mettre en avant des éléments que les gens ne verraient peut-être pas autrement ? C’est ce type d’innovation qui nous passionne. »

Planifier les nouveautés IT

Pour décider quelles technologies seront utilisées lors du Wimbledon suivant, une phase de planification est organisée au printemps de l’année précédente. Quasiment 15 mois avant, donc, les équipes d’IBM et de l’AELTC procèdent à une phase d’idéation pour maquetter les nouvelles capacités de l’application et du site web du Tournoi, en tenant compte des nouvelles technologies disponibles.

Photo du plan de la prochaine application de Wimbledon
La planification commence plus d’un an à l’avance.

Après les finales de chaque édition, les équipes se réunissent à nouveau à l’automne pour examiner ce qui a fonctionné (et ce qui n’a pas fonctionné), puis elles s’engagent sur une feuille de route pour les tournois suivants.

L’AELTC travaille ensuite avec IBM tout au long de l’année sur ses autres besoins technologiques, explique Kevin Farrar, responsable des partenariats sportifs chez IBM UK, notamment en ce qui concerne la durabilité et l’analyse des données pour évaluer et réduire l’empreinte carbone de l’organisation.

Mais c’est bien l’application et le site web qui constituent l’aspect le plus public et le plus médiatisé de leur partenariat.

Pour 2024, IBM a construit un grand modèle de langage (LLM) entraîné sur les archives de Wimbledon, des données de jeux des tournois passés, et en utilisant des informations accessibles au public provenant de sociétés de données sportives comme Sportradar.

GenAI – il n’y a pas que le tennis…

Le tennis n’est pas le seul sport à se tourner vers la GenAI. IBM travaille également avec le club de football espagnol de Séville, où les données collectées par le réseau mondial de scouting du club pour évaluer les talents des jeunes joueurs en devenir ont été utilisées afin d’entraîner un LLM et aider au recrutement et aux transferts des joueurs.

Le système permet aux entraîneurs de Séville d’utiliser des requêtes en langage naturel pour trouver les joueurs les plus susceptibles de répondre à leurs besoins. Par exemple, si le club recherche un ailier gauche rapide qui défend bien et qui participe à un nombre de buts supérieur à la moyenne, le système peut rapidement renvoyer les profils potentiels, à partir de plus de 200 000 rapports d’évaluations de jeunes joueurs.

Chaque année, IBM recueille plus de 2,7 millions de données pendant la quinzaine de Wimbledon. Ces données alimentent les diffuseurs avec des statistiques sur le nombre d’aces, les pourcentages de premiers services ou le nombre de fautes directes (ces données sont enregistrées par des experts qui regardent les matchs en temps réel).

IBM a testé la vision par ordinateur (computer vision) pour remplacer cette saisie manuelle, mais, jusqu’à présent, cette technologie n’est pas assez précise et ne peut pas reproduire l’élément humain qui consiste à juger si, par exemple, un mauvais coup est une faute forcée ou non forcée, explique Kevin Farrar

Modernité dans la tradition

IBM s’est appuyé sur son modèle de fondation Granite, qui fait partie de sa plateforme IA Watsonx, pour construire le LLM de Wimbledon. Le modèle final contenait trois milliards de paramètres. L’infrastructure sous-jacente est un cloud hybride basé sur la plateforme de conteneurs Openshift de Red Hat, qui fonctionne à la fois sur IBM Cloud et Amazon web Services.

photo d'un exemple de fiches rédigées par l'IA générative
Les fiches des joueurs sont rédigées par la GenAI.

Les capacités de la GenAI ont été utilisées cette année pour introduire de nouvelles fonctionnalités et du contenu généré automatiquement, comme les « fiches de joueur » (« player cards ») qui fournissent des informations sur chaque joueuse et joueur du tournoi, comme les résumés des matchs et comme des commentaires vocaux pour accompagner les vidéos des faits marquants en ligne.

« L’IA générative nous permet d’accroître notre capacité à fournir différents types de contenu aux supporters, où qu’ils se trouvent dans le monde, de manière personnalisée », se félicite Chris Clements, responsable des produits numériques à l’AELTC.

Tout n’est pas parfait ; l’une des fonctions de GenAI alimentée par d’autres formes d’IA est un prédicteur de match. Or l’IA avait par exemple prédit la défaite de la Britannique Emma Raducanu, qui n’était pas tête de série, face à la Grecque Maria Sakkari, neuvième tête de série. Raducanu a battu Sakkari en deux sets.

Mais comme le dit Kevin Farrar, cela fait partie du plaisir et de l’engagement des fans : générer des débats et des discussions par le biais de l’application, pour ajouter à leur plaisir de visiter Wimbledon.

Un match à Wimbledon.
Photo d'un match à Wimbledon

Un LLM multimodal pour Wimbledon 2025

La GenAI n’a cependant pas complètement remplacé le contenu humain. Une équipe de rédacteurs et de data scientists travaillent ensemble pour explorer les données à la recherche d’insights inhabituels – comme des évènements personnels pour des joueurs – par exemple, quelqu’un qui s’apprête à servir son millième ace en carrière. Ce type de statistiques est souvent transmis aux commentateurs de la télévision pour ajouter de la couleur à l’expérience du match.

Une fois le tournoi 2024 terminé, les innovations discutées lors des réunions d’idéation du printemps seront examinées et préparées pour 2025. L’IA générative devrait encore y figurer à une place de choix. Kevin Farrar promet en effet un LLM multimodal qui incorporera à la fois du contenu audio et vidéo.

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