Téléphonie IP : comment les E.Leclerc bretons ont servi de modèle
L’ESN de la centrale d’achat Scarmor a mis au point un service de ToIP à partir de serveurs Avaya. Elle l’a intégré à VMware, l’a fiabilisé avec un SD-WAN Meraki et l’a enrichi avec le logiciel TLMCom.
Au départ, il s’agissait juste de moderniser la téléphonie dans les centres E.Leclerc rattachés à la centrale d’achat bretonne Scarmor. Mais la solution de ToIP & visioconférence mise au point par l’ESN interne LCenter est si performante qu’elle séduit à présent aussi les magasins en Normandie et en région PACA.
« La téléphonie traditionnelle est une chose extrêmement compliquée pour des magasins E.Leclerc qui ont vocation à multiplier les concepts immobiliers. Chaque site est susceptible d’accueillir des centres culturels, des pôles dédiés aux jouets, à l’optique, à l’automobile… Mais la construction d’un nouveau bâtiment ou d’une nouvelle extension peut vite devenir un cauchemar si elle est conditionnée à chaque fois par l’intervention de spécialistes pour déployer de nouveaux PABX, ou même étendre ceux existants », explique Hervé Prodhomme, le directeur de LCenter.
Pour comprendre l’ampleur du succès de la solution de LCenter, il convient de rappeler que les centres E.Leclerc sont des magasins indépendants – les gérants sont des « adhérents » – qui se regroupent, en France, autour de 16 centrales d’achat territoriales. Chacune d’elles est libre de mettre en œuvre ses propres services, qui donnent éventuellement lieu à la création de filiales. C’est ainsi que le groupe E.Leclerc compte, en France, quatre ESN. Parmi elles, LCenter a été lancé en 2008 par les 38 adhérents de la Scarmor, initialement pour centraliser l’hébergement de leurs serveurs informatiques.
« Nous avons en l’occurrence choisi d’héberger ces serveurs dans deux datacenters Netcenter de SFR, l’un à Rennes, l’autre à Bordeaux. Ce sont des datacenters actif-actif : chacun est relié à la moitié des 38 centres E.Leclerc bretons via une bande passante en frontal de 200 Mbit/s. Et, comme les contenus sont synchronisés entre les deux avec deux lignes en 500 Mbit/s, il est trivial de basculer tout le monde sur le même datacenter si l’un des deux tombe en panne », décrit Hervé Prodhomme, très fier de la fiabilité de son installation.
Ne plus devoir refaire toute la téléphonie à la moindre extension d’un bâtiment
« Au fil du temps, nous avons élargi notre catalogue de services, par exemple avec la commercialisation d’accès WAN pour que les magasins puissent être reliés à Internet avec une la garantie d’une certaine bande passante. Puis, en 2015, le temps était venu de s’intéresser à la téléphonie. »
À cette date, les équipements en place sont arrivés en fin de contrat. Plutôt que de remplacer les solutions analogiques par des versions plus modernes, Hervé Prodhomme veut basculer dans l’ère de la téléphonie sur IP : « avec la téléphonie sur IP, vous n’avez plus qu’à installer des prises RJ45 sur les murs. Toute la configuration se fait en amont, il n’est plus besoin de couper le téléphone d’un site pendant la construction d’un nouveau bâtiment », dit-il.
En quête de solutions plus orientées réseau que télécoms, LCenter déploie dans un premier temps les solutions d’Astra. C’est un échec. « À l’époque, ces solutions-là n’étaient pas intégrées : elles nous imposaient de déployer dans nos datacenters 5 machines virtuelles par magasin et de faire appel à des prestataires externes au moindre besoin de configuration. Au final, l’offre de téléphonie sur IP que je proposais aux magasins était plus chère que ce qu’ils pouvaient trouver par ailleurs en PABX analogique », se désole Hervé Prodhomme.
Et d’expliquer que la situation vire rapidement au fiasco financier : « Le principe était que LCenter achète d’abord des licences de la solution, puis essaie de les rentabiliser en louant un service de téléphonie sur IP, magasin par magasin. »
Avaya pour rendre la téléphonie sur IP rentable
En 2016, l’espoir renaît suite à la rencontre d’Avaya. « Leurs IPBX – des IPO dans leur jargon – étaient au départ des serveurs physiques. Mais un seul serveur servait à toutes les fonctions (téléphonie fixe, mobile, boîte vocale, standard, etc.). »
Techniquement, il faut compter un serveur IPO par magasin. Ce n’est pas une question de capacité : il ne peut y avoir qu’un annuaire par serveur IPO et il n’est pas souhaitable de partager le même annuaire entre plusieurs magasins, puisqu’ils sont indépendants. Tout s’administre sur le serveur Avaya, depuis une console web, cette fois-ci très simple d’emploi. Il est même possible de déléguer la création de postes téléphoniques au magasin lui-même.
L’offre d’Avaya présente par ailleurs un volet mobile très intéressant. Il existe ainsi une app Equinox qui permet au personnel perpétuellement en mouvement de recevoir les appels sur son smartphone iOS ou Android, puis, d’une simple pression, de basculer l’appel sur le poste fixe du bureau. « Mieux, dans les endroits où la réception 4G est faible, les serveurs IPO sont capables de communiquer avec les mobiles en GSM », ajoute le directeur de LCenter.
Il précise que cette téléphonie est plutôt destinée aux cadres et aux responsables de maintenance des magasins. « Les chefs de rayon communiquent plutôt sur un réseau DECT-IP privé, interne au magasin et qui ne dépend pas d’Avaya. »
LCenter déploie l’offre d’Avaya dès 2016. D’emblée, quatre magasins lui prennent des abonnements à ce nouveau service de téléphonie sur IP enfin concurrentiel. Le prestataire fournit aussi les terminaux. C’est un succès : en moins de trois ans, la quarantaine de centres E.Leclerc bretons souscrit à l’offre, la centrale Scarmor devient elle-même cliente.
Enrichir la solution avec VMWare, du SD-WAN Meraki et le logiciel TLMCom
La première évolution technique du système arrive en 2017, lorsqu’Avaya décide de remplacer ses serveurs physiques par des machines virtuelles. « Comme notre datacenter était déjà virtualisé sous VMware, nous avons pu regrouper l’administration des IPOs avec celle de nos autres serveurs. À ce bénéfice ergonomique, s’ajoute de celui d’une meilleure fiabilité, puisque les serveurs physiques étaient susceptibles de tomber en panne, alors que notre version de vSphere dispose de l’option haute disponibilité », détaille Hervé Prodhomme.
Il remarque à ce propos que la téléphonie représente une goutte d’eau dans les procédures de sauvegarde, effectuée ici par Veeam. Il faut en effet juste compter 50 Go par VM-IPO, car la fonction de répondeur n’est quasiment jamais utilisée en magasins.
En termes de débit, les magasins disposent de 8 à 20 lignes qui représentent chacune moins de 100 kbit/s, soit au maximum 2 Mbit/s par magasin. « Même si tous les magasins utilisaient en même temps toutes leurs lignes, nous serions encore loin de saturer la bande passante frontale de 200 Mbit/s sur chacun de nos deux datacenters, où se situent les machines virtuelles IPOs ».
« Cela dit, le problème ici est plutôt de doubler les liens entre les magasins et nos datacenters pour éviter le risque d’une coupure. Jusque-là, pour sécuriser l’accès aux serveurs, nous passions par des connexions Internet standard que nous sécurisions avec du VPN-IPsec classique. La téléphonie sur IP nécessitant un flux constant pour éviter que les conversations soient hachées, nous avons donc décidé de remplacer la solution du VPN par du SD-WAN, une technologie de répartition des communications qui prend en compte la qualité de service. » Il indique avoir choisi ici des équipements de marque Meraki.
Autre enrichissement, LCenter a interconnecté les IPOs d’Avaya avec un serveur de synthèse vocale de TLMCom. « Avaya propose un standard téléphonique automatisé assez basique, qui propose aux appelants de taper sur 1, sur 2, etc. selon le service qu’ils souhaitent joindre. Le logiciel de TLMCom reconnaît la voix : il suffit de dire le nom de la personne à contacter pour que le système vous connecte sur le bon poste. C’est plus intéressant pour l’image de marque des centres E.Leclerc. »
Les utilisateurs sont conquis. Au point de dépasser les limites de la Bretagne. Un employé de la Scarmor muté dans une autre centrale d’achat du groupe, la LecaSud en région PACA, fait la promotion autour de lui du service de téléphonie. Le magasin de Saint-Paul-lès-Dax, puis celui de Vitrolles ne tardent pas à contacter LCenter pour s’abonner. Finalement, c’est la centrale entière, qui regroupe 50 magasins, qui a décidé de référencer l’ESN.
Conquérir d’autres centrales grâce à la visioconférence
Mais ce qui aura surtout permis au service de téléphonie de LCenter de faire la différence, c’est la visioconférence. « La visioconférence est un service critique pour les magasins E.Leclerc, car elle sert aux formations, dispensées dans des salles spécialement équipées. Nous avons proposé ce service dès 2008, à l’époque avec des équipements de marque Polycom », raconte Hervé Prodhomme.
Comme le reste de la téléphonie, la solution de Polycom accuse le poids des âges et mérite d’être changée dès 2016. « L’opportunité qui s’est présentée à nous est qu’Avaya éditait aussi une solution de visioconférence. Et l’intérêt principal de celle-ci est qu’elle s’accompagne de codecs qui la rendent compatible avec tous les équipements de communications : depuis Android, depuis des PC via le client Teams d’Office 365 », se réjouit-il.
C’est un succès renouvelé. En plus de la Lecasud, c’est cette fois-ci la SCA Normande et ses 40 magasins qui décident de basculer dans l’ère de la visioconférence en 4K via LCenter. « La Lecasud comme la SCA Normande ont fait des appels d’offres. Le fait est que nous leur proposions la solution la moins chère », commente Hervé Prodhomme.
Techniquement, le service de visioconférence proposé par Avaya nécessite cette fois-ci un serveur physique dédié. « Nous comptons un serveur physique par magasin. C’est une contrainte, au niveau de l’espace occupé, comme de l’administration. Devant le succès de cette offre, nous avons donc décidé de basculer ce service en cloud. Dans ce cas, le flux HD ne passera plus par nos datacenters, mais directement par les connexions Internet des magasins. Elles sont suffisamment dimensionnées, car un tel flux ne représentante que 1 Mbit/s », conclut-il.