Sublime : quand l’IT industrielle se décline en boutique de chaussures innovante
Patrick Vandervoort, le DSI de Technical Mechanical Services, a utilisé l’informatique des chaînes logistiques pour concevoir une boutique de chaussures avec plus de stock, plus de disponibilité des vendeuses et plus d’efficacité commerciale.
Un cas épatant de transformation digitale. Ils étaient dans la distribution de pièces détachées pour le génie civil ; ils se sont servi de leurs connaissances des technologies de la logistique pour créer en quelques mois l’un des plus grands et des plus florissants magasins de chaussures de la province de Liège. « Notre plus belle réussite est d’y être arrivés alors que nous n’avions jamais travaillé dans une boutique. Nous avions juste l’intuition que la technologie permettrait d’améliorer le fonctionnement d’un tel magasin », lance Patrick Vandervoort, le concepteur de l’architecture qui anime la boutique belge Sublime, que son comparse Alain Smets a installée dans la commune de Hannut. Le premier occupe toujours ses fonctions de DSI chez Technical Mechanical Services (TMS), la société de distribution B2B que le second a fondée en 1985.
Dans un contexte où les entreprises espèrent trouver des relais de croissance en se transformant numériquement, l’exemple de TMS et ses stocks de chenilles de pelleteuses qui donne indirectement naissance à un coquet magasin de prêt à porter peut paraître extrême. Pour autant, Patrick Vandervoort a la modestie de dire qu’il n’a fait que des déclinaisons de son savoir-faire en s’appuyant sur des déploiements IT somme toute assez simples.
Innover en déployant des technologies IT
Bardée de bases de données, de bornes interactives, de QR-Codes, de robots de manutention, de tablettes Android et, dans le back-office, d’écrans qui analysent en temps réel l’activité commerciale, Sublime est une boutique où l’on a multiplié les technologies IT pour maximiser la rentabilité.
Ici, les clients et clientes repèrent des chaussures en vitrine ou sur des bornes parmi les 16.000 paires disponibles sur place, cliquent pour imprimer le QR-Code correspondant et le donnent à une vendeuse. Celle-ci, après avoir pris la pointure de ses clients, scanne le QR-Code avec sa tablette Android. Cela envoie l’ordre à deux robots situés au sous-sol d’aller chercher la boîte correspondante dans les allées du stock. « Nous résolvons déjà là deux problèmes pour un magasin de cette taille : la vendeuse n’a plus à abandonner son espace de vente pour partir chercher des boîtes de chaussures et nous ne l’obligeons à aller tâtonner dans la pénombre du sous-sol. En somme, nous réduisons la pénibilité de la manutention et augmentons la productivité », se félicite Patrick Vandervoort.
Arrive ensuite l’efficacité commerciale. Pilotés par un logiciel d’analyse, les robots ne prendront pas qu’une boîte de chaussures dans le stock, mais deux, quatre, voire six, pour proposer aux clients des modèles de chaussures similaires ou complémentaires. « Ces boîtes remonteront jusqu’au magasin sur un tapis roulant, tandis que la vendeuse aura échangé avec ses clients, typiquement en leur proposant un café, en leur montrant une collection de vêtements attenante, etc. », décrit Patrick Vandervoort. Bien entendu, après l’acte de vente, les robots sauront où ranger les boîtes non achetées que la vendeuse aura remis sur le tapis roulant, d’après le QR-Code collé sur chacune d’elles.
Vient enfin l’étape du CRM. En Belgique, les cartes d’identité étant déjà équipées de puces, Sublime a mis au point des caisses capables de les lire pour que les clients puissent s’en servir comme carte de fidélité. Outre l’attribution de bons de réductions, les informations de ces cartes alimentent la base clients et donnent aux gestionnaires de la boutique une photographie de leur clientèle en temps réel. « Ces informations vont permettre de prendre des décisions commerciales ; à ce titre, les étiquettes des produits exposés en boutique sont numériques, ce qui signifie que le gérant n’a qu’une manipulation à faire depuis son poste pour changer les tarifs », raconte encore Patrick Vandervoort.
Des matériels clés en mains et des développements faciles
Outre le choix des matériels spécifiques - le système robotique de facture autrichienne acquis auprès de l’intégrateur Egemin Automation, les caisses enregistreuses à écran tactile de marque 4POS et un appareil ScanCube pour prendre en photo chaque paire avant de la mettre dans le catalogue -, Patrick Vandervoort revendique d’avoir effectué tous les développements de ce projet en à peine six mois. « Toutes les applications ont été conçues par trois développeurs embauchés pour l’occasion, un Java, un C++ et un Delphi, plus moi-même qui ai ajouté du code PHP », indique-t-il.
Delphi a été utilisé pour développer deux applications Windows, l’une pour les caisses enregistreuses, l’autre pour le poste de travail attenant au ScanCube (ces deux équipements étant des PC Windows maquillés). Dans un cas, il s’agissait d’écrire un outil pour lire les informations des cartes d’identité que les clients passent dans le lecteur, dans l’autre, il a été question d’écrire un logiciel qui serve à saisir une référence et des critères pour chaque paire photographiée. Il est à noter que c’est le magasinier, préposé à la réception des marchandises, qui s’occupe de ce travail de photographie et de référencement.
Java a servi à écrire l’app Android qui lit un QR-Code depuis une tablette et l’envoie ensuite aux robots. « Il faut dire que c’est là une véritable évolution technologique dans le domaine des objets connectés. La gestion des produits avec des QR-Codes est devenue accessible à tout le monde. Il n’y a plus de douchette optique avec sa plateforme spécifique. Aujourd’hui, la moindre tablette ou le moindre smartphone du commerce fait l’affaire. Et, sur Android, l’app se programme tout simplement en Java, le langage sur lequel tous les jeunes sont formés », note Patrick Vandervoort. Il précise qu’il n’a pas choisi de lire les QR-Codes avec des iPad ou des iPhone car il est bien plus compliqué de trouver des développeurs qui ont les connaissances particulières pour iOS. Par ailleurs, l’environnement de développement pour Java (Eclipse...) est selon lui assez lourd à déployer, « mais cette étape passée, il n’y a plus de difficulté particulière pour développer les apps », ajoute-t-il.
Quand le savoir-faire de l’IT se décline en activité commerciale
A l’autre bout de la chaîne, l’intelligence des robots est en réalité un serveur Microsoft SQL. « Pour entrer dans le détail, la base de données SQL contient toutes les références des produits et tous leurs emplacements dans les rayonnages du stock. Et un applicatif - fourni par le fabricant - exporte à chaque fois en XML une liste d’emplacements que le robot lit pour savoir où il doit aller prendre ou poser des boîtes », détaille le DSI. Patrick Vandervoort a fait le choix d’installer sur le même serveur une base complémentaire qui comporte toutes les informations commerciales des produits : prix, photos, etc. L’ensemble est exécuté sur un serveur rack HPE Gen9 doté de 64 Go de RAM et de 1 To de disques.
Un second serveur, physiquement identique, sert à exécuter tous les applicatifs, chacun sous la forme d’une machine virtuelle Linux orchestrée par l’hyperviseur Open Source Xen. « N’importe quel hyperviseur aurait fait l’affaire, mais j’ai choisi celui-ci car c’est celui que j’utilise depuis de nombreuses années chez TMS ; je m’appuie sur l’acquis », dit Patrick Vandervoort. Parmi ces machines virtuelles, on trouve l’applicatif C++ maison qui reçoit les ordres des tablettes et les envoie à la base de données des robots, le serveur FTP qui contient les photos des produits, ou encore le serveur web et l’applicatif PHP qui dressent les rapports d’activité.
L’ensemble de ce déploiement constitue un savoir-faire que Patrick Vandervoort compte désormais commercialiser. « C’est là toute l’idée de ce projet de transformation. Tandis qu’Alain Smets s’occupe de la gestion de la boutique Sublime, Je chapeaute pour ma part une autre entreprise de prestation - TLS (pour Technical Logistics System) - qui proposera maintenant de décliner le modèle logistique de Sublime dans d’autres magasins », conclut-il. Il est à noter que TLS existe déjà depuis 2011. Son activité jusqu’ici est de proposer des modules informatisés pour aider les activités logistiques des industriels (pesage, bases de données des imports/exports) ; un savoir-faire acquis, encore une fois, au sein de la DSI de TMS.