Southwest Airlines entre dans l’ère de la mobilité pour ses personnels navigants

Grâce à 15.000 mini iPads, fournis et déployés par son prestataire Stratix, Southwest Airlines a équipé tous ses personnels de bord de manuels de procédures entièrement dématérialisés. Un premier pas dans la mobilité en vol qui en appelle d’autres.

Aux Etats-Unis, les personnels navigants (hôtesses et stewards) ont pour obligation d’avoir à bord les manuels de procédures de sécurité qui expliquent aussi bien les consignes d’évacuation que les vérifications à faire en vol ou au sol. Ce matériel documentaire, en constante évolution, pose un défi pour les compagnies aériennes qui doivent en permanence mettre à jour ces livrets papiers (les manuels font plusieurs centaines de pages).

« Une fois toutes les deux semaines, vous retirez des pages pour les remplacer par d’autres », explique Ron Freer, Senior Manager en charge des stratégies à bord de Southwest Airlines. « C’était une méthode très lourde et dépassée ».

Des mises à jour documentaires incessantes

La FAA (Federal Aviation Administration, régulateur de l’avion civile américaine) doit approuver tous les changements apportés aux manuels. Et ces informations doivent être cohérentes entre compagnies. Avec autant de mises à jours – grandes comme petites – et la complexité liée à une impression papier, puis à l’envoi d’un bloc de pages, et enfin au retrait et à l’ajout à la main de ces nouvelles pages par chaque personnel naviguant – la procédure de mise à jour pouvait prendre de une à trois semaines, se souvient Ron Freer.

Chez Southwest, tout cela appartient désormais au passé. La procédure aujourd’hui prend à peine quelques heures grâce à des manuels totalement dématérialisés et déployés sur des mini iPads. Dans ce projet, la compagnie texane a été épaulée par le prestataire de services spécialiste de la mobilité, Stratix, basée dans la banlieue d’Atlanta (plus gros hub aérien du pays).

Une fois que les changements de textes sont validés par la FAA, Southwest n’a plus qu’à les « pousser » via la mise à jour d’une application dédiée sur l’iPad des navigants. Ceux-ci n’ont plus, à présent, qu’à ouvrir leur application pour qu’elle se synchronise au moment du check-in, lors de la réunion de préparation du vol quelques heures avant le décollage.

« C’est devenu une procédure simple et rapide », se félicite Ron Freer.

En septembre, lorsque la FAA a émis une alerte sur les batteries des Samsung Galaxy Note qui prenaient feu à bord, Southwest a immédiatement ajouté l’information et a envoyé une notification à ses équipages quasiment en temps réel.

Autre avantage, les personnels navigants peuvent désormais faire des recherches dans leurs manuels en lançant des requêtes numériques tout comme ils le feraient sur une page web avec un Ctrl+F/Cmd+F. Plus besoin de feuilleter les documents, souvent pendant de longues secondes, pour retrouver la bonne information.

Voyage au long cours vers la mobilité

Ce projet est l’aboutissement d’une démarche au long cours qui a débuté en 2013, avec le remplacement des manuels des « techniques ». La documentation des pilotes pesaient en effet entre 15 et 18 kilos. Contre un peu moins de 500g pour un iPad classique.

Un tel remplacement n’a pas été bien difficile à vendre en interne. Mais le ROI paraissait moins évident pour les « commerciaux » (titre donné abusivement aux hôtesses et stewards qui sont les premiers responsables de la sécurité des vols et les yeux des pilotes en cabine). Chez Southwest, leurs documentations ne dépassaient guère les 2 kilos. Et encore.

Ron Freer a alors eu l’idée de présenter la chose comme « la première étape d’une transformation plus générale ». Son idée est d’utiliser à terme l’iPad pour des tâches diverses comme la vente à bord ou la communication entre personnels pendant le vol, voire avec l’aéroport lorsque l’avion est au sol (pour demander une assistance pour une personne handicapée, par exemple, ou pour transmettre un rapport au chef d’escale).

« Quand on y pense, c’est un appareil tellement puissant. On va pouvoir lui ajouter des usages et des fonctions », s’enthousiasme déjà Ron Freer. « Cela ouvre tellement de portes, tellement d’opportunités. Nous en sommes en train de réfléchir à tout cela pour voir comment la mobilité peut totalement révolutionner le travail à bord dans les 5 années à venir ».

 

La mobilité peut totalement révolutionner le travail à bord dans les 5 années à venir
Ron Freer, Senior Manager, Southwest Airlines

Après plusieurs mois de négociation puis de planification, le projet décolle à l’été 2015. Southwest fait un test (un PoC) avec 200 personnels navigants qui partagent alors leurs besoins, leurs retours et qui aident à concevoir un plan d’accompagnement et de formation au futur outil pour leurs collègues.

Dès le départ, Stratix – en charge du déploiement des 200 premiers iPads minis - est impliqué dans ces réunions.

« Cela allait être un projet d’une envergure beaucoup plus importante que ces 200 premières tablettes. Et ils voulaient aller vite », se rappelle Tabitha Moss qui supervise le dossier côté Stratix. « On a passé tellement de temps en amont à discuter et à planifier chaque étape que quand le moment est venu de le mettre réellement en production, cela s’est passé tellement bien que je crois que c’est le projet que j’ai accompagné qui a connu le moins de couacs dans toute ma carrière ».

15.000 iPads, AirWatch, une app et un portail en self-service

Le passage à l’échelle « grandeur nature » impliquait d’acheter des milliers d’iPads et d’y installer l’application requise (myMobile365, une app de l’éditeur Comply365) pour gérer la bibliothèque de PDFs. La partie supervision IT des appareils mobiles est, elle, assurée avec VMware AirWatch.

Au final, le plus gros défi pour Southwest aura été de livrer physiquement les iPads à ses personnels de bord. Les navigants sont en effet répartis sur une dizaine de sites à travers les Etats-Unis (de Oakland à Houston, en passant par Baltimore, Chicago ou Denver). Pour ajouter de la complexité, les hôtesses et stewards rattachés à une base particulière n’y sont jamais tous au même moment. « Et quand bien même, si ils l’étaient ne serait-ce qu’une fois par an, aucune de nos bases n’a la capacité pour stocker de manière sûre les 1.500 iPads qui lui sont destinés », constate Ron Freer.

C’est là qu’est entrée en jeu un autre atout de Stratix : son portail itrac360. A partir de mars 2016, les navigants ont pu se connecter à ce site web pour s’identifier et choisir une date pour la livraison de leur iPad à leur domicile personnel. « Cette flexibilité a été une exigence centrale », confirme Tabitha Moss.

En passant par un prestataire spécialisé, Southwest a pu - d’après ses propres dires - déployer ses 15.000 tablettes préconfigurées en 45 jours. « On n’aurait jamais pu faire cela nous-mêmes aussi rapidement », admet Ron Freer. « On ne pouvait pas rentrer dans l’Appel Store du coin, acheter 15.000 iPads puis les envoyer comme ça dans la foulée ».

Des terminaux gérés et facturés au mois par le prestataire

Stratix a négocié le prix des tablettes avec Apple, a pris en charge toute la configuration, et facture Southwest sous la forme d’un abonnement mensuel par iPad. « Cela leur donne une visibilité totale sur leurs dépenses et une assurance quant aux services fournis », éclaire Gina Gallo, CEO de Stratix.

Stratix s’occupe également des mises à jour de l’application myMobile365 via AirWatch et gère les demandes de réparation ou de changement d’iPads via itrac360.

Dans le sillage de Southwest, on peut s’attendre à ce que la demande pour ce type de services décolle à mesure que les entreprises – grandes ou petites – réalisent qu’elles ne peuvent pas gérer aussi facilement que cela la complexité cachée qu’introduisent les terminaux mobiles.

Selon MarketsandMarkets, ce marché spécifique des services de gestion liée à la mobilité devrait atteindre les 19,4 milliards de dollars en 2021, contre 4,6 milliards en 2016.

Chez Southwest, les iPads et les manuels dématérialisés ont connu une réception très positive. Particulièrement pour la facilité d’utilisation et pour l’assurance d’avoir toujours les informations les plus récentes.

La sécurité est la première des fonctions des hôtesses et des stewards, ils doivent impérativement avoir et connaitre les procédures les plus récentes

« Très majoritairement, les personnels navigants sont ravis. Le temps passé à gérer les pages papiers pour mettre à jour les manuels étaient gâché bêtement, c’était très frustrant », constate Ron Freer.

Seul regret, les manuels sont au format PDF. Une exigence réglementaire indépassable. La FAA impose en effet que les versions numériques des documents soit strictement identiques aux versions papiers. A l’avenir, Ron Freer ne désespère cependant pas de pouvoir lancer un manuel entièrement sous la forme d’une application dédiée, avec une interface beaucoup plus dynamique.

« Nous nous préoccupons beaucoup de l’expérience utilisateur », explique le responsable qui rappelle ainsi au passage que le design et l’ergonomie ne sont pas marginaux mais au contraire centraux dans le succès (ou l’échec) des projets de transformation numérique par la mobilité.

Un temps d’avance pour Air France et les compagnies du Golf

Certaines compagnies des Emirats fournissent depuis plusieurs années à leurs employés des outils similaires.

En Europe, Air France a déployé auprès de ses équipages des tablettes et des applications du même type (iPads minis, plateforme EMM, apps métiers dédiés).

Un an avant Southwest Airlines (en 2012), la compagnie française avait, elle aussi, commencé par équiper ses pilotes d’iPads, avant de déployer des tablettes pour ses CCP et ses CC (Chef de Cabine Principal et Chefs de Cabines) qui supervisent les équipes à bord. Depuis 2017, comme on peut le constater sur les vols long-courriers, tous les personnels navigants d'Air France ont désormais des outils numériques à leur service. Mais qui font d’ores et déjà la quasi-totalité de ce que Southwest prévoit pour les années à venir.

Pour approfondir sur Administration des terminaux (MDM, EMM, UEM, BYOD)