Robotique, algorithmes, API, PIM : dans les coulisses IT des livraisons du groupe Casino
Pour son service de livraison, le Groupe Casino – également propriétaire de Monoprix – a installé une plateforme logistique robotisée dans un entrepôt flambant neuf et déployé un PIM. Le succès opérationnel du tout repose sur une donnée de haute qualité.
Le 18 mars 2021, le nouvel entrepôt du groupe Casino dédié à la livraison à domicile entrait en service, après deux années de travaux pour construire une entité entièrement robotisée destinée aux enseignes Monoprix, Casino et, demain, Naturalia.
Pour porter le projet, le groupe a créé deux structures : O'commerce et O'logistique.
Un entrepôt entièrement robotisé pour desservir l’Île-de-France
Le groupe Casino a fait le choix de la plateforme robotique OSP (Ocado Smart Platform) d’Ocado, un « pure player » de la livraison de produits alimentaires au Royaume-Uni. Cette société a développé sa propre technologie et la propose aux acteurs de la distribution hors de Grande-Bretagne.
Casino a été le premier client Ocado en 2017. « Leur plateforme technologique est une solution complète, de bout en bout », justifie Laurent Kamiel, Directeur Supply Chain Ecommerce de O'commerce. « La partie front-office intègre de nombreuses fonctionnalités avancées comme la capacité à réserver des créneaux de livraison longtemps à l’avance, garantir des créneaux d’une heure, gérer des listes de courses, ajouter des produits à un panier jusqu’à quelques heures avant la livraison, avec un système qui optimise les tournées de livraison, les approvisionnements et les stocks ».
L’entrepôt a été construit à Fleury-Mérogis dans l’Essonne. Il offre une surface de stockage de 30 000 m2 où seuls les robots Ocado se déplacent. Cette architecture spécifique va permettre à O'commerce de stocker entre 50 000 et 70 000 références, contre 15 000 maximum pour un entrepôt classique.
L’entrepôt a déjà permis de multiplier par trois le volume de commandes traitées pour Monoprix. L’enseigne est devenue le deuxième acteur du marché de la livraison alimentaire en Île-de-France derrière Carrefour, selon les chiffres de Foxintelligence.
Lorsque l’infrastructure sera exploitée à son maximum, elle pourra traiter jusqu’à 100 000 commandes par semaine.
La donnée joue un rôle clé
La qualité de la donnée joue un rôle clé dans ce dispositif. « Il faut fournir [au client] un maximum d’informations et de photos sur des produits qu’il ne peut voir physiquement (volume, labels divers, etc.). […] Le système Ocado permet aussi de garantir une durée de vie à la date de la livraison. Pour chaque produit, le site indique le nombre de jours/semaines/mois pendant lesquels les clients pourront conserver le produit quand ils le recevront chez eux », illustre Laurent Kamiel.
« Cela demande une excellence dans la donnée », continue le responsable. « Il faut disposer de la durée de vie totale du produit, et de la durée de vie restante quand le fournisseur nous livre. Ces données ne sont généralement pas suivies très finement par les retailers, car les magasins font le tri eux-mêmes ». Mais avec un système automatisé, toutes ces dates doivent être connues de manière précise, notamment pour les fruits et légumes ».
Outre cette information destinée aux clients, la partie robotique elle-même nécessite des données exactes sur la volumétrie, le poids et la dangerosité des produits. Il ne faut par exemple pas mettre des légumes et des produits d’entretien dans un même sac de livraison.
Toujours en s’appuyant sur ces données, les algorithmes d’Ocado réduisent les coûts logistiques en optimisant le remplissage des sacs, celui des camions et les tournées (en limitant les trajets avec un intérêt à la fois économique et écologique).
Une IT à deux piliers : le PIM et le SIM
Pour gérer l’ensemble de ces données critiques pour le bon fonctionnement opérationnel, l’équipe transverse O'commerce a mis en place deux solutions : un PIM (Stibo Systems) et un SIM (Supplier Information Management, d'Alkemics).
« Notre activité est par nature multi-enseignes. Cela implique de fusionner les informations provenant de nos différentes enseignes pour commander et approvisionner notre entrepôt avec leurs produits », explique Laurent Kamiel au sujet du PIM, déployé sur site sur les infrastructures IT du groupe Casino. « Nous nous approvisionnons auprès des centrales d’achat de Monoprix et de Casino. La notion de Product Data Syndication est donc importante. »
Sur ce point, Stibo PIM for Retail permet de rapprocher de manière fiable des produits codifiés de manière différente. En effet, le groupe Casino se compose de filiales qui disposent d’une certaine indépendance, avec des systèmes informatiques différents, des codifications de produits indépendants et des assortiments très différents (chaque enseigne s’adresse à des clientèles différentes). « En personnalisant l’algorithme de Machine learning, le PIM fait des rapprochements automatiques de tous les produits qui étaient dans une zone grise et qui demandaient jusque-là une intervention humaine pour décider s’il s’agit d’un produit déjà existant ou pas ».
Laurent KamielGroupe Casino
L’équipe O'commerce a aussi pu se former pour être autonome. « Nous pouvons ajouter des champs. C’est important pour la réactivité, car la donnée produit évolue beaucoup […]. Nous ne dépendons pas d’un intégrateur pour faire évoluer nos modèles de données », se réjouit Laurent Kamiel.
Quant au SIM, il permet au PIM de chercher les informations relatives aux produits directement chez les fournisseurs.
L’équipe Supply Chain définit avec l’éditeur Alkemics les données dont elle a besoin pour alimenter le PIM et le degré d’importance de chacune, dont celles qui sont bloquantes. Des API les déversent ensuite dans le PIM.
Le PIM et le SIM sont, de fait, très complémentaires. « Ils nous permettent de gérer 2 000 fournisseurs et 39 000 références sur nos sites, après un an d’existence seulement », souligne le responsable. « Lorsqu’un fournisseur modifie sa fiche produit (avec une nouvelle photo, par exemple), nous intégrons par API cette modification en quasi-temps réel dans le PIM. La mise à jour est publiée sur nos sites le lendemain, au plus tard. Le PIM est aujourd’hui le seul et unique pilote de la donnée produit sur notre plateforme, que ce soit pour les front-offices ou pour le back-office ».
Un entrepôt qui va monter en puissance
L’entrepôt, qui représente en volume l’activité de trois gros magasins, est destiné à accueillir de plus en plus de produits. L’objectif est d’atteindre entre 45 000 et 50 000 produits d’ici la fin de l’année.
Laurent KamielGroupe Casino
Quant au périmètre des données, il est destiné à s’élargir. « Nous comptons poursuivre le déploiement de la solution Stibo/Alkemics [pour] intégrer des données autres que celles liées aux produits. Nous étudions la possibilité de l’exploiter sur des fonctions plus liées à la logistique, avec les notions de fournisseurs, de planning de commande, etc. », entrevoit le responsable de O'commerce.
À terme, la livraison devrait aussi aller au-delà de l’Île-de-France. Mais les logisticiens vont devoir créer des plateformes d’éclatement en région, tous les départements ne pourront pas être livrés depuis Fleury-Mérogis. Cette évolution est prévue pour la fin de l’année 2021.
Pour l’heure, selon Laurent Kamiel, les premiers résultats sont en tout cas très encourageants. « Nous avons évidemment gagné des clients lors des confinements, mais nous avons su les fidéliser avec une offre produit très large et notre qualité de service », avance-t-il en soulignant que près de 90 % des livraisons ont été réalisées dans le créneau prévu, que les taux de rupture de produit sont extrêmement bas et que la satisfaction client battrait des records.
Enfin, si l’approvisionnement de Fleury-Mérogis est réalisé auprès des entrepôts du groupe, son offre de produits va au-delà. Il inclut des références exclusives et des fournisseurs qui livrent en direct la plateforme robotisée. Là encore, cet approvisionnement direct va être amené à se développer tandis que l’activité du centre logistique va s’accroître.