RSE : la DSI de la Société Générale instaure le « CSR by Design »
Comme toutes les grandes entreprises, le groupe Société Générale s’est doté d’une stratégie RSE il y a quelques années. Une stratégie relayée par la DSI qui a mis en place une Charte Numérique Responsable en 2019. Parmi les outils phares de cette charte, la démarche « CSR by Design ».
C’est en 2017 à l’occasion du plan stratégique « Transform to Grow » que le groupe Société Générale a formalisé ses ambitions en matière de Responsabilité Sociale d’Entreprise (RSE ou CSR/Corporate Social Responsibility). Le groupe définit alors 6 grandes priorités en termes de climat, d’innovations sociétales et de développement durable.
Le volet digital de cette stratégie a été plus particulièrement étoffé en 2019 avec la Charte Numérique Responsable signée à l’occasion de la TechWeekSG, l’événement Tech du groupe.
Cette charte définissait alors 5 grands engagements : l’optimisation environnementale des outils numériques, rendre les services accessibles à tous, diffuser des pratiques numériques éthiques et responsables, rendre le numérique mesurable, et encourager les nouveaux comportements vertueux.
La problématique RSE à chaque étape des projets IT
Parmi les outils mis en place pour tenir ces engagements, une approche « CSR by Design » que Stéphane Vanrechem, architecte d’entreprise au sein de la division compliance de la Société Générale a détaillée lors de l’événement annuel de l’éditeur Mega.
« Le “by Design” signifie que dans notre système d’information, nous faisons en sorte que les contraintes de la RSE soient prises en compte dès le départ », résume-t-il.
Stéphane VanrechemSociété Générale
C’est la Komerční banka, banque tchèque du groupe, qui a mis en œuvre cette démarche la première. Le groupe capitalise aujourd’hui sur cette initiative afin d’essaimer cette approche sur l’ensemble des filiales et entités du groupe.
Les schémas directeurs informatiques de toutes les banques du groupe à l’échelle mondiale prévoient désormais un paragraphe RSE. Il tient lieu de point de passage obligé pour que les banques de détail du groupe s’engagent sur plusieurs points comme réduire leur consommation énergétique ou faire moins d’impressions papier dans les agences.
La démarche « CSR by design » intervient quant à elle dès les phases amont des projets de développement. La frugalité est désormais la règle. « Les applications que nous créons ne doivent pas être des mastodontes qui cherchent à répondre bon an, mal an aux besoins du client. Celles-ci doivent être conçues en essayant d’instruire différents axes dont la frugalité des besoins, la frugalité des données, la frugalité des infrastructures. »
Les porteurs de projets sont sensibilisés sur la démarche écoresponsable et le rôle des architectes est clé, notamment afin de promouvoir la réutilisation de ressources existantes dans les nouveaux projets. « L’architecte a une vue plus globale sur le système d’information : il va voir comment ces différents projets se mettent en place, comment ceux-ci vont pouvoir utiliser des capacités identiques, même si, bien entendu, chaque projet doit être personnalisé. Il ne faut pas réinventer la roue à chaque fois et réutiliser un maximum de choses existantes. Et par rapport à cette approche, s’appuyer sur la modularisation, la réutilisation et le décommissionnement sont des axes sur lesquels nous agissons pour diminuer l’empreinte carbone du groupe. »
Des données mises au régime pour la bonne cause
Cette frugalité est aussi la norme pour les données traitées par les applications. La règle chez la Société Générale est de pousser une approche « Golden Source ».
Stéphane VanrechemSociété Générale
« Les données sont stockées à un endroit et ne doivent pas être répliquées à de multiples autres endroits du système d’information », résume Stéphane Vanrechem. « Nous disposons d’une liste des Golden Source à l’échelle du groupe et nous avons indiqué aux équipes projet où elles doivent aller chercher les données nécessaires à leurs applications. »
De même, les architectes poussent en faveur de l’utilisation des API afin de limiter les transferts de données et facilement intégrer les nouvelles applications à ces référentiels.
Outre l’action des architectes auprès des équipes agiles, les contraintes liées au RSE ont été intégrées à la démarche DevOps. Le code produit par les développeurs est systématiquement analysé par des moteurs qui valident, ou non, s’il satisfait les règles RSE.
« Nous avons élaboré un corpus de 115 règles RSE. Elles permettent de s’assurer que le code répond bien à nos contraintes RSE, qu’il soit léger, qu’il ne consomme pas trop d’énergie, etc. »
Un autre aspect du RSE qui s’applique très directement aux développements informatiques porte sur l’e-Accessibilité, l’accessibilité des applications à tous les utilisateurs, y compris ceux souffrant d’un handicap. Pour une banque, cette dimension est particulièrement importante, car les outils numériques sont de plus en plus décisifs pour capter puis fidéliser les clients. Il est donc nécessaire de diffuser les bonnes pratiques en matière d’accessibilité auprès des équipes projet. C’est le rôle des UX Designer dont la mission est d’aider les développeurs à concevoir des écrans qui soient utilisables par tous.
Move to cloud
Si côté « Dev » le développement « Green » et l’accessibilité sont devenus la règle, côté exploitation la maîtrise de l’empreinte environnementale des infrastructures IT du groupe passe par sa modernisation.
« Nous comptons encore de gros mainframes dans notre parc applicatif et ceux-ci supportent notre activité. Notre stratégie est de modulariser le plus possible nos applications pour en écarter certaines au fil du temps. Celles-ci seront remplacées par des nouvelles qui prendront en compte tous les aspects de la RSE. »
Cette modernisation des infrastructures IT passe aussi par une migration vers le cloud public d’une partie des applicatifs de la banque. « Cette migration implique que nos applications soient construites de façon adaptée à une exploitation dans le cloud. » Cette modernisation des applications pour les « cloudifier » sera l’occasion de les faire entrer dans la démarche « CSR by Design ».
Susciter l’engouement des métiers
La Société Générale cherche à susciter un engouement auprès des développeurs pour créer des applications plus vertueuses, mais elle cherche aussi à créer une émulation entre les lignes métier.
Stéphane VanrechemSociété Générale
La dépense énergétique des applications de chaque métier est mesurée dans les datacenters. BDDF (l’activité banque France), IRBS (l’activité Banque internationale), la banque d’investissement ou l’activité compliance connaissent précisément la consommation énergétique de leur IT. « Les métiers qui regardent leur SI voient les applications dont ils disposent, mais aussi l’empreinte environnementale de celles-ci. Cela représente un outil pour mener des actions afin de baisser cette consommation » ajoute l’architecte.
« Dans cette démarche “CSR by Design”, nous cherchons [aussi] à rapprocher le métier et l’IT, ce qui est le but de l’architecture d’entreprise. Dans notre démarche “Agile at Scale”, nous cherchons à faire correspondre les OKR (Objective Key Results) de l’IT avec les objectifs stratégiques de l’entreprise, pour faire en sorte que le travail du développeur qui écrit son code ait un sens vis-à-vis de la stratégie de l’entreprise. »
Plus largement, Stéphane Vanrechem conseille de ne pas considérer l’ESG/RSE comme « une contrainte, ce doit être une expérience gagnant-gagnant », invite-t-il. « Construire un SI plus écoresponsable permet de réaliser des gains financiers, car on consomme moins d’électricité et de disposer d’un système qui va pouvoir évoluer plus facilement ».
Stéphane Vanrechem espère, aussi, côté RH, que cette stratégie « CSR by Design » permettra d’attirer de nouveaux talents IT soucieux de l’impact de leur travail sur l’environnement.
Propos recueillis lors de l’événement « Les rencontres de l’EA 2022 » organisé par MEGA International le 17 mars 2022