Pour soutenir sa nouvelle organisation matricielle, Quadient unifie son SIRH
En plus de changer de nom, l'ex-Neopost a initié une profonde transformation organisationnelle. Celle-ci s'accompagne d'une refonte de ses applicatifs métiers, à commencer par ceux des RH, et d'un indispensable accompagnement du changement.
Dans le cadre de sa transformation stratégique, initiée il y a presqu'une décennie, Neopost (qui allait devenir Quadient) a racheté plusieurs éditeurs de logiciels en rapport avec la gestion des données et des documents. Le but était de s'affranchir du seul affranchissement de courriers et de trouver des relais de croissance sur de nouveaux marchés.
Problème, jusqu'en 2018, la société rachète mais a, semble-t-il, a quelque peu mis de côté la partie RH (culture et organisation).
« Le succès [de la transformation] était de ce fait un petit peu limité », constate Stéphanie Auchabie, Chief People Office de Quadient avec le recul. « Il y avait un agrégat de sociétés qui devaient toutes générer de la croissance, mais sans réelle stratégie d'ensemble ». L'arrivée d'un nouveau dirigeant va rebattre les cartes, y compris dans les outils IT.
Un restaurant plongé dans le noir
Avant de devenir DRH du groupe, Stéphanie Auchabie occupait déjà ce poste, mais dans une des divisions de la société. « J'y avais mis en place un écosystème RH qui me permettait d'avoir des informations, et qui permettait à mes managers de faire de la planification, de comprendre où étaient les gens, etc. ».
Quand elle reprend la RH du groupe, le constat est différent. « C'était un peu comme de rentrer dans ce restaurant où vous mangez dans le noir », plaisante-t-elle, sans pour autant critiquer ses prédécesseurs. « J'ai allumé la lumière », continue-t-elle. « Quand vous avez 5700 employés, sur 150 entités juridiques, dans 29 pays, si vous n'avez pas de systèmes [RH], c'est impossible [à gérer correctement]. Ou alors vous dites que le RH corporate reste à un niveau de gouvernance, sur de grands principes, avec une ou deux grandes actions par an, et c'est tout ».
En fait, tout change en 2018, avec la nomination d'un nouveau président : Geoffrey Godet. « Quand il est arrivé, il s'est rendu compte que la totale décentralisation [de Quadient] était un frein ». Rapidement, il en tire les conséquences et décide de passer d'une structure de holding à une « One Company » (sic).
« Il a compris que l'évolution devait s'accélérer et que cette accélération passait par une réorganisation en profondeur de la société en plus d'une transformation de l'infrastructure IT [...] Geoffrey Godet a été le moteur de cette organisation matricielle, avec des fonctions supports très fortes (RH, finance, DSI, etc.) », retrace Stéphanie Auchabie.
Une « Global Business Plateform » qui commence par les RH
Le grand chantier interne est lancé. Quadient commence à casser les silos organisationnels.
Côté IT, le projet commence par les RH. Le choix est fait d'unifier le HCM/SIRH au niveau du groupe. Un RSE est mis en place « pour mieux partager, mieux se connaître et appuyer les actions internes ». Et une plateforme de mobilité interne est déployée (« une grosse demande forte des salariés », souligne la CPO).
La transformation IT passera dans un deuxième temps par la standardisation du order-to-cash avec Salesforce et par un nouvel ERP.
Quadient étant une société très décentralisée, ces unités opérationnelles possèdent des ERP et des SIRH très variés. Mais à partir de 2018, l'entreprise essaye au contraire d'avoir une « Global Business Plateform » - des solutions métiers unifiées, pour gagner en visibilité sur les processus et les données.
Workday l'emporte face à Oracle
Pour les RH, c'est Workday qui a emporté la décision en 2019. Le « go live » devrait être effectif en septembre 2020. Un délai nécessaire à cause de la complexité de l'existant. Certaines unités ont en effet déjà un SIRH, d'autres non - « c'est d'ailleurs là que cela risque d'être le plus difficile de faire appréhender la technologie », souligne Stéphanie Auchabie.
Stéphanie Auchabie Chief People Office, Quadient
« Quand il n'y a rien, vous appelez votre RH et les informations apparaissent comme par magie. La technologie vous oblige à être un peu plus proactif », d'où la nécessité impérieuse d'un accompagnement (lire ci-après).
Pour sélectionner son SIRH, la CPO de Quadient décide de passer par un appel d'offres. Stéphanie Auchabie voulait faire un tour d'horizon des offres présentes sur le marché.
Après plusieurs étapes, la « short list » se rétrécit à Workday et Oracle. « C'était très serré », explique la CPO au MagIT. « Jusqu'au PoC, je ne savais pas qui nous allions prendre ».
Le PoC s'est passé en deux journées séparées. « Nous avons donné des scénarios à mettre en place (candidats, recruteurs, performances) aux équipes RH. Et la décision s'est faite au niveau des utilisateurs »
Aujourd'hui, Quadient déploie la presque totalité du SIRH de l'éditeur : Core RR, Absence Management, Performance Management, recrutement, Talent Management, Succession Planning et Compensation & Benefits.
L'intégration et l'implémentation sont en cours mais la CPO se montre très confiante. Le but n'est pas d'intégrer Workday avec d'autres SIRH existant, mais bien de déconnecter et de décommissionner ces applications pour les remplacer par le SIRH choisi.
Seuls les États-Unis resteront dans un premier temps sous ADP Vantage (HCM + paie), avant de suivre en mars 2021, « après la première phase de déploiement de Workday ».
Empowerment
D'un point de vue transformation, le SIRH unifié devrait apporter une vision globale - comme celle qu'avait la CPO dans sa division - ainsi qu'une transparence et de l'agilité, tout en redessinant un cadre d'action cohérent pour les employés.
« L'empowerment est une de nos nouvelles valeurs clefs [N.D.R. : l'encapacitation en français]. Cela veut dire qu'il faut laisser aux gens le pourvoir d'agir... mais dans un cadre », ajoute-t-elle immédiatement.
« C'est ça, l'agilité. Donner à chacun un cadre, et dans ce cadre, il y a une liberté. Le fait [avec un SIRH] de limiter les processus et les points de contrôles sert aussi à cela. Il n'y a plus besoin de demander des autorisations. Chacun sait ce qu'il peut faire, en autonomie. ».
Machine Learning et IA dans la mobilité interne
La transformation amorcée est aussi l'occasion de refondre totalement des processus RH, en premier lieu la mobilité interne.
« Quand j'ai repris la RH, nous n'avions rien pour la mobilité interne, et c'était une grosse demande des salariés. Je m'y suis attelée en premier, pour faire patienter jusqu'à Workday, d'autant qu'il y avait plein de nouveaux postes à pourvoir avec la nouvelle organisation », explique Stéphanie au MagIT.
Quadient a choisi pour deux ans la solution de Phenom People, qui réalise également son site carrière pour l'extérieur. « La plateforme de mobilité interne est sortie en deux mois », se félicite la CPO.
Le but avoué est d'affranchir la gestion des carrières, des évaluations subjectives : « J'essaie de faire en sorte que les RH aient moins de contrôle sur ce processus. [...] On se repose beaucoup [à présent] sur le Machine Learning et l'IA [...] Phenom People est très bon dans le screen des compétences et la mise en relation avec les postes [à base d'IA et de ML] ».
« Lâcher prise »
Pour la CPO, la DRH doit elle aussi saisir l'occasion pour se réinventer.
« Mon message à mes équipes RH, c'est "il faut lâcher prise". Surtout sur des processus très traditionnels, comme le Performance Management. On est en train de remettre à plat tout cela. Avec Workday nous voulons faire du Continuous Feedback et laisser tomber le Rating », donne-t-elle en exemple.
« Il y a une valeur limitée à tout cela. L'idée est de remettre une dynamique entre le manager et l'employé qui soit plus positive, avec une idée de reconnaissance plutôt que de jugement (rating) ».
L'idée est belle mais « tout le monde n'est pas prêt dans notre organisation. Nous bougeons petit à petit. Il faut être attentif et sensible aux différences de cultures, qui ne sont pas forcément des différences de pays ».
Accompagnement du changement
Pour Stéphanie Auchabie, pour que l'IT introduise de l'agilité et de la transparence », il ne faut pas surtout pas oublier une partie très importante : l'accompagnement du changement.
La DRH a parfaitement conscience de la réalité d'une résistance au changement, depuis le début de la réorganisation du groupe lancée en 2019.
Stéphanie AuchabieChief People Office, Quadient
« Il faut aider les collaborateurs, les accompagner, les aider à travailler de manière différente et à se connaître [les uns les autres, parce que] l'autonomie et la responsabilité, c'est stimulant mais c'est aussi angoissant ».
Aider les collaborateurs est simple sur le papier, mais pas forcément facile dans la réalité du terrain. « Certaines RH [d'autres entreprises] reculent un peu, tout comme certains middle managers. Parce que cela remet en cause le pouvoir qu'ils avaient dans l'entreprise », analyse la CPO.
« En fait, tout est contrôle [dans une société]. Donc quand vous expliquez à des responsables [N.D.R. : RH ou autres] qu'ils vont perdre leurs contrôles avec la mise en place d'outils qui apportent de la transparence en terme d'accès aux données et aux processus, cela peut créer une peur panique. Quand vous fondez votre carrière sur une forme de contrôle, le jour où on vous l'enlève, vous perdez le sens de ce que vous faites. Donc il faut vraiment accompagner [...] pour retrouver ce sens et se réorienter ».
Pour gérer cette crise de sens, Stéphanie Auchabie a mis en place début 2019 des ateliers sur des façons différentes de travailler, d'appréhender ses collègues et sur la réinvention du rôle de managers. « Parce que si on dit à quelqu'un "tu ne vas plus rien contrôler du tout, tout la monde va avoir accès à l'info", et si on les laisse à l'abandon... eh bien la transformation digitale n'est pas gagnée ! », insiste-t-elle. « On discute avec le Chief Digital Officer, le Chief Information Officer, le Marketing, etc. Ce sont des projets transverses à toutes les fonctions ».
Vers un nouveau LMS
Le projet n'en est à qu'on son début. D'autres briques, comme la gestion des temps (très liés à la paye et à la comptabilité) et l'Expense Management (gestion des notes de frais) seront refondues après le choix du nouvel ERP.
Mais la CPO a déjà une idée de ce qui marquera un succès du projet IT RH : « que chez Quadient, on se dise qu'on aborde avec sérénité des choses comme la mesure des performances, le planning, la gestion de carrières. Et que dans un an plus tard, quand on fera des sondages auprès de nos employés, de nos managers et même du COMEX, on se rende compte qu'on a réussi. Qu'un exercice budgétaire se passe de manière simple ».
Côté RH, le projet continue avec l'étude d'un portail RH « entre l'utilisateur et le logiciel » et d'un futur LMS, pour qu'ils soient, eux aussi, unifiés à terme.