Pour se transformer, Shell mise sur les jumeaux numériques
Pour transformer ses opérations, la compagnie pétrolière et gazière Shell mise sur plusieurs jumeaux numériques en cours de développement auprès d’Aveva, Akselos, Kongsberg Digital, Bentley et Microsoft.
Shell fait partie des pionniers qui souhaitent exploiter les technologies de jumeaux numériques. À la fin du mois d’octobre 2020, le groupe pétrolier a signé un accord avec Aveva pour déployer Data Warehouse Engineering, un entrepôt de données conçu pour supporter des jumeaux numériques dans la gestion du cycle de vie des actifs.
Oui, il faut bien parler de jumeaux numériques au pluriel. La société pétrolière et gazière a mis en place plusieurs initiatives de jumeaux numériques pour soutenir ses opérations. La crise du coronavirus a rendu l’utilisation de cette technologie de simulation plus importante, car un jumeau numérique peut contribuer à minimiser le nombre de personnes requises sur une installation pour la maintenance sur site. Grâce à l’intelligence artificielle (IA), ce double virtuel peut également améliorer la sécurité et réduire les coûts opérationnels par le biais de la maintenance prédictive.
Le cabinet d’analyse Gartner a prévu que d’ici 2023, un tiers des moyennes et grandes entreprises qui mettent en œuvre l’IoT (internet des objets) auront déployé au moins un jumeau numérique associé à un cas d’usage motivé par la Covid-19. Employé dans un contexte industriel, l’IIoT consiste à équiper les machines de capteurs afin de collecter des données sur leur bon fonctionnement et leurs conditions environnementales.
Non seulement le traitement local à la périphérie (Edge Computing) apporte à ces appareils des données en temps réel, mais les métriques peuvent également être rassemblées de manière centralisée et introduites dans des simulations de jumeaux numériques. Comme le modèle englobe les données réelles des capteurs de la machine simulée, le « digital twin » doit faciliter la compréhension du fonctionnement du système par les ingénieurs et le fait de savoir si des composants doivent être remplacés.
« Les jumeaux numériques peuvent aider les entreprises à reconnaître les défaillances des équipements avant qu’elles ne bloquent la production, ce qui permet d’effectuer les réparations plus tôt ou à moindre coût », assure Benoit Lheureux, vice-président de la recherche chez Gartner.
Benoit Lheureux explique qu’une entreprise peut utiliser les jumeaux numériques pour programmer automatiquement la réparation de plusieurs pièces d’équipement, de manière à minimiser l’impact sur les opérations.
Maintenir les actifs en service
Dans une transcription de la conférence téléphonique sur les résultats de Shell pour le deuxième trimestre 2020 publiée sur Seeking Alpha, le PDG de Shell, Ben van Beurden, a décrit comment l’entreprise a poursuivi ses initiatives de transformation numérique pendant la crise du coronavirus. Parmi les domaines d’intervention, on trouve une réduction de la main-d’œuvre contingente à l’accélération de l’automatisation et la numérisation.
« Nous avons prolongé l’intégration du machine learning dans les activités de maintenance prédictive de notre raffinage et de nos actifs en eau profonde, avec la possibilité de le déployer également dans d’autres parties du portefeuille. Nous avons mis en œuvre de nouvelles fonctionnalités numériques qui nous permettent d’optimiser davantage l’inventaire des matériaux dans nos raffineries, et nous augmentons l’utilisation de l’intelligence artificielle pour faire fonctionner et optimiser nos actifs dans cet environnement sans précédent, ainsi que pour simuler des scénarios de retour au travail pour celui-ci », déclarait Ben Van Beurden.
Ben Van BeurdenPDG de Shell
« Pour nous, toutes ces actions sont plus que des initiatives visant simplement à assurer la continuité des activités pendant la crise. Elles sont en fait des opportunités pour construire davantage de modèles d’exploitation résilients et optimiser les coûts. »
Le navire FPSO (floating production storage and offloading) Bonga Main de Shell, situé à 120 km au sud-ouest du delta du Niger au Nigéria, est opérationnel depuis 2004. Il a une capacité de 225 000 barils par jour et pèse plus de 300 000 tonnes. La compagnie pétrolière a testé un jumeau numérique développé par Askelos, menant en décembre 2020 à la signature d’un contrat d’une durée de trois ans avec l’éditeur suisse d’une plateforme de simulation et d’analyse basée sur la méthode des éléments finis.
Le modèle est régulièrement mis à jour avec les conditions de chargement et les données d’inspection, ce qui permet d’effectuer des évaluations structurelles, de n’importe où et à tout moment.
La société en eaux profondes de Shell, au Nigéria, et l’exploitant de la capacité de 225 000 barils de pétrole prévoient d’utiliser le modèle jumeau numérique pour : identifier les zones critiques en vue d’une inspection, d’une maintenance et d’une réparation prioritaires ; réduire le personnel à bord du navire ; réduire la nécessité d’inspections physiques dans les zones difficiles à atteindre, comme les réservoirs ; et soutenir la planification de scénarios pour les événements météorologiques extrêmes et la modification de l’actif.
Selon Shell, le déploiement de la technologie de simulation permettra également de prolonger la durée de vie des actifs en toute sécurité, en remplaçant les estimations trop prudentes réalisées avec les logiciels de simulation classiques par des évaluations précises qui reflètent la durée de vie restante réelle.
« Le Bonga Main a été le témoin d’un certain nombre de “premières” innovantes lors de sa construction en 2004, il est donc normal qu’il soit le premier actif de ce type à déployer quelque chose d’aussi avancé qu’un jumeau numérique structurel. Nous sommes très enthousiastes à l’idée des nouvelles capacités qu’Akselos apporte et nous pensons qu’il aura un impact positif sur la façon dont nous gérons l’intégrité structurelle. C’est également un excellent exemple de la numérisation qui prend vie. », déclare Elohor Aiboni, gestionnaire d’actifs pour Bonga.
Dans un récent billet de blog, Victor Voulgaropoulos, analyste industriel chez Verdantix, explique que Shell n’a pas seulement choisi la technologie d’Akselos. « Shell est de nouveau sous les feux de la rampe, car l’entreprise cherche à accélérer encore ses initiatives de transformation numérique, en mettant en œuvre des solutions de jumeaux numériques dans l’ensemble de son portefeuille mondial d’actifs et de projets d’investissement. Shell a signé un accord-cadre avec Kongsberg Digital, une filiale de Kongsberg, pour le déploiement de Kognitwin Energy de Kongsberg, une solution “digital twin” de type SaaS basée sur le cloud, au sein des secteurs d’activité amont, gaz naturel liquéfié et aval de Shell », écrit-il.
Simulation de projets
GT JuDirecteur général, Gulf of Mexico Deepwater Projects
De son côté, la division Deepwater de Shell a choisi l’approche de jumeau numérique de Bentley pour normaliser ses projets d’investissement. Avec un plan pour rendre plusieurs projets de raccordement sous-marin au cours des dix prochaines années, la société met en œuvre un environnement numérique intégré de projet et d’ingénierie, qui s’étend de la conception jusqu’à la livraison des actifs.
« Shell Deepwater Projects développe une plateforme intégrée de flux de travail et de données, depuis la sélection du système jusqu’au transfert des actifs, afin de rationaliser les processus de nos projets d’investissement et d’accélérer le délai de mise en production », a déclaré GT Ju, directeur général de Gulf of Mexico Deepwater Projects.
« La plateforme est réalisée en partenariat avec Bentley, en s’appuyant sur sa solution ouverte et évolutive iTwin, basée sur le cloud [Microsoft] Azure, qui assure l’interopérabilité entre les systèmes du propriétaire et de la chaîne d’approvisionnement. Nous pensons qu’une plateforme de bout en bout capable de nous donner une visibilité et une transparence sur les données de projet et d’ingénierie dans l’ensemble de notre portefeuille sera un élément clé pour réaliser des projets compétitifs », conclut-il.