Pour se transformer Michelin met la gomme sur les services
Michelin a entamé sa transformation numérique en 2015 et a choisi en 2016 Salesforce pour constituer sa plateforme commerciale et marketing et faire évoluer sa relation client à travers la multiplication des services.
Quand on est le deuxième fabricant de pneus au monde derrière Bridgestone (le troisième en volume de pneus produits si nous comptons Lego), et que l’on a 130 ans d’existence, il vaut mieux ne pas tomber en panne sur la route de l’innovation.
Le groupe français basé à Clermont-Ferrand emploie plus de 125 000 salariés dans le monde, dont 20 000 en France sur 16 sites industriels. Ses pneus équipent la plupart des véhicules terrestres et aériens. Voitures, camions, vélos, tracteurs, avions, et même navettes spatiales roulent avec des pneus Michelin.
« Nous ne sommes pas seulement un fabricant de pneus. Nous nous présentons comme un acteur de la mobilité », déclare Eric Chainot, Chief Digital Officer, chez Michelin. C’est de cette manière que l’entreprise a choisi d’opérer sa transformation numérique.
Le groupe français œuvre maintenant dans quatre domaines dont trois adjacents à son activité principale. Il propose des services autour du pneu, des expériences de mobilité et s’est également spécialisé dans la conception de matériaux de haute technologie.
L’ère du « pneu en tant que service »
Dans l’activité « Services autour du pneu », Michelin propose des « services et solutions ». Il y en a quatre. Le premier concerne la gestion de flottes, la télématique donc. Cela représente 860 000 véhicules gérés. Le deuxième met en relation les flottes et les fournisseurs de services. Le troisième vise à proposer le pneu comme un service. Le dernier, le pôle connecté, regroupe toutes les solutions IoT de Michelin dont Track Connect, qui permet de contrôler la pression et la température des pneus en temps réel sur circuit.
La firme a également mis au point un premier pneu d’avion connecté avec Safran, a développé une solution de suivi d’activité des véhicules dans les mines, ou bien a entamé un partenariat avec Sigfox.
Ensuite, « Expériences de mobilité » embarque les applications proposées à l’origine par des startups comme BookaTable (une application de réservation de table en restaurant revendue à TripAdvisor), Tablet (réservation de chambres) et le guide Michelin.
Selon Eric Chainot, en 2015, Florent Ménégaux, à l’époque Directeur Général des opérations de Michelin et maintenant président du groupe, a posé un dilemme lié à la transformation numérique. Le voici : « Soit nous devenons bien meilleurs dans le digital, soit un jour il y a risque que la connexion que Michelin a avec ses clients soit préemptée par les sociétés technologiques », explique le chief Digital Officer.
La transformation digitale chez le groupe français s’exprime dans cinq domaines. L’un d’entre eux est nommé « le client digital ». Cela inclut le CRM « qui est au cœur de nos relations avec les clients, mais il y a aussi nos sites internet, nos applications mobiles, la gestion des réseaux sociaux, des services BtoC, BtoB, BtoD (Business to Dealers), et les applications métiers », affirme Eric Chainot.
Cette transformation, Michelin l’a nommée « Engage ». Elle repose sur quatre piliers : la digitalisation, la simplification, la responsabilisation et la « customer centricity ». « C’est un programme de transformation de groupe, cela touche toutes les lignes business et toutes les régions où nous sommes installés », affirme Sophie Foucque, Global Director Digital BtoB chez Michelin. « Nous avions la volonté de casser les silos entre le marketing, l’engagement client et la collecte des données en vue d’obtenir une vision à 360 degrés des clients. Nous faisons collaborer sur la même plateforme ces différentes populations et nos clients eux-mêmes : des revendeurs et des gestionnaires de flottes », ajoute-t-elle.
Pour cela, Michelin s’appuie sur la plateforme Salesforce.com (renommée depuis Salesforce Platform). Celle-ci doit fournir les outils afin de développer des applications métier à l’aide des différents PaaS de Salesforce. « Nous avons choisi dès le départ de travailler en méthode Agile et d’itérer sur chacun des clouds que nous avons décidé de déployer tous en même temps », affirme Sophie Foucque.
Le groupe a donc déployé Sales Cloud, Service Cloud, Marketing Cloud, Partner Community Cloud, et Commerce Cloud aux Etats-Unis. « Nous pensons qu’il y a plus de valeur à mettre en œuvre cet écosystème et de développer des cas d’usage cross cloud plutôt qu’à aller en profondeur sur chacun des clouds [proposés par Salesforce] », précise la directrice.
« Par exemple, nous avons revu nos processus de gestion communautaire et de « claims management », explique-t-elle. « Un responsable clientèle qui va capturer une réclamation produite sur le terrain, va l’enregistrer dans la plateforme et cette information sera accessible par le service client en temps réel ou par les équipes marketing qui vont ajuster la pression commerciale sur les campagnes à l’aide du marketing automation ».
Concrètement, les commerciaux ont accès à un historique de chaque point de vente, à un carnet de commandes, ou peuvent encore visualiser leurs objectifs de vente. Les outils sont accessibles en mobilité, depuis leur smartphone.
Salesforce, un moteur d’innovations chez Michelin
Une question se pose alors : pourquoi Salesforce ? D’autres éditeurs s’engagent à transformer la manière de s’adresser aux consommateurs et doivent permettre aux entreprises de transformer leurs services. Eric Chainot justifie ce choix. « Tout au début, nous observions des entreprises en provenance de différentes industries en avance sur nous sur leur transformation. Nous avons inspecté les avancées d’une quinzaine de sociétés. Ce que nous avons constaté, c’est que beaucoup d’entre elles avaient en commun qu’elles utilisaient la plateforme Salesforce », affirme-t-il.
Le dirigeant avance un deuxième critère. « Il y a des éditeurs qui connaissent votre philosophie et avec qui le dialogue devient un véritable échange. Salesforce nous pousse à mettre davantage le client au centre de notre approche », ajoute-t-il.
Michelin utilise également AppExchange, la place de marché cloud de Salesforce.com. Le groupe utilise plus particulièrement les services Pictures, MapAnything (planification de déplacements commerciaux), Apptus (aide à la vente et à la facturation), et CornerStone (gestion RH).
« Dès que nous essayons de faire quelque chose, nous voulons le faire dans un délai de commercialisation le plus intéressant possible », assure Sophie Foucque. « La présence d’App Exchange dans le catalogue Salesforce a facilité notre choix ».
Michelin s’est associé à l’éditeur américain pour créer un CRM Lab afin d'« animer l’innovation continue de manière mondiale dans le groupe ». Pour cela, le fabricant de pneus a mis en place un portail interne sur Partner Community Cloud pour partager l’ensemble des processus d’embarquement des clients et des prototypes. Dans ce cadre, les collaborateurs essayent les fonctionnalités d’Einstein Vision, d’Einstein Analytics, et d’Einstein Voice.
Ainsi, Einstein Analytics est en partie en production chez Michelin, tandis que Vision est utilisée dans le cadre d’un pilote. Les collaborateurs utilisent également les éléments de la solution d’intelligence artificielle infusés dans Marketing Cloud. Aux Etats-Unis, la firme emploie Live Chat, le chatbot disponible depuis Service Cloud (qu’elle a déployé depuis septembre 2019 et espère continuer en janvier 2020).
De la même manière, les informations des pneus connectés sont collectées, puis remontées dans des portails clients qui sont liés à ce CRM. « Sur la partie connectée, un jour, nous voulons être capables de dire au client "je sais quelle voiture vous conduisez, où vous le faites, mais aussi comment". Avec toutes ces données, nous serons capables de lui dire quand remplacer son ou ses pneus et de lui proposer la meilleure option selon son profil de conducteur », affirme Eric Chainot.
Un déploiement à ne pas prendre à la légère
La présence des produits Salesforce au sein du groupe français n’est pas anodine. Plus de 7 000 collaborateurs (dirigeants, commerciaux, marketeurs) utilisent la plateforme Salesforce.com et elle permet de gérer les interactions avec 90 000 clients (revendeurs et gestionnaires de flottes) des portails.
Si les données sont traitées dans les clouds de Salesforce, ce déploiement à large échelle a demandé des efforts importants. Les informations proviennent par exemple des installations existantes de la marque au bibendum, c’est-à-dire 27 ERP différents (28 en comptant le contrat passé avec Infor) à travers le monde et du MDM. Mulesoft n’est pas encore de la partie : chaque ERP est connecté point à point avec les clouds Salesforce, à l’aide de connecteurs personnalisés. « Nous étudions les moyens de moderniser ces synchronisations », explique la Global Director Digital BtoB.
La première phase de déploiement a duré 4 mois : de juillet à novembre 2016. Elle concernait 650 utilisateurs Sales Cloud aux Etats-Unis, au Canada et au Mexique ainsi qu’un portail réservé aux distributeurs. « Dès le départ, nos commerciaux avaient une vision d’ensemble même si tout n’était pas encore intégré », affirme le Chief Digital Officer.
Michelin a choisi cette région pour des raisons culturelles. « Les Etats-Unis, c’est le pays du service. C’est toujours bénéfique de commencer avec un pays dont la culture est porté sur le changement », estime Eric Chainot. De plus, il s’agit d’un secteur important économiquement parlant pour la firme.
Si une réorganisation dans le groupe a quelque peu ralenti certains déploiements, l’ensemble des forces de vente bénéficiait des outils Salesforce dont le marketing automation en juillet 2018. Au même moment, la partie service était disponible aux Etats-Unis. En 2019, Michelin s’est occupé de se connecter à tous les clouds Salesforce qu'il a déployé hormis les portails qui sont gérés localement. Au total, cela représente 10 régions et 14 lignes produits.
Des gains significatifs
Les apports du CRM à 360 degrés seraient nombreux. « Nous avons pu relier les produits et des services qui, chez Michelin, provenaient de deux mondes séparés », affirme Sophie Foucque.
« Nous avons mesuré des gains de chiffre d’affaires significatifs parce que les choix technologies s’accompagnent d’un changement de stratégie. Nous nous présentons comme "One Michelin". Un vendeur qui était habitué à proposer des pneus pour poids lourds, demain, il arrive chez son client, il peut vendre différents produits et nous sommes capables d’instrumentaliser ces informations grâce à la plateforme », constate Eric Chainot.
« L’optimisation des processus se fait maintenant en continu. Grâce aux données nous les comprenons mieux et nous visualisons mieux là où il y a des choses à améliorer », remarque la Global Director Digital BtoB. Michelin mesure également des gains d’efficacité parce que les informations sont disponibles en temps réel entre les différentes divisions de l’entreprise, selon la responsable de l’engagement client.
Toutefois, « la boucle n’est pas encore bouclée ». Michelin poursuit sa démarche d’intégration continue et souhaiterait renforcer la connexion entre son écosystème CRM dans le cloud et ses usines. Surtout, il compte renforcer les usages d’Einstein Analytics. « Nous allons continuer à faire de Salesforce.com une plateforme d’action et renforcer l’usage de l’analytique et de l’intelligence artificielle pour rendre la valeur à celui qui capture les données », affirme Sophie Foucque. « Einstein va devenir l’assistant personnel de nos commerciaux et marketeurs », confirme le Chief Digital Officer de Michelin.