Pepsi engage un bot pour faire ses entretiens d'embauche
La multinationale de l'alimentation et des boissons utilise l'Intelligence Artificielle, et un bot nommé Vera, pour téléphoner et interviewer les candidats pour des postes peu qualifiés en Russie. Pepsi l'étendra bientôt en Europe et à d'autres recrutements.
PepsiCo, le fabricant d'aliments et de boissons dont les ventes dépassent le milliard de dollars par an, utilise concrètement l'intelligence artificielle (IA) pour trouver des candidats et pourvoir ses postes vacants en Russie.
Vera, le bot qui venait du froid
L'entreprise utilise depuis un an une technologie - baptisée Robot Vera - développée par une startup russe (Stafory).
Cette AI peut mener des entretiens téléphoniques avec des chercheurs d'emploi et répondre à leurs questions sur les annonces. De manière proactive, Vera peut aussi appeler des candidats potentiels.
Le robot recruteur est capable d'interviewer 1.500 candidats en neuf heures. Une tâche qui prendrait neuf semaines aux humains, compare Natalya Sumbaeva, responsable de l'acquisition des talents pour la Russie, lors de la conférence Unleash à Londres.
Pepsi l'utilise aujourd'hui pour sélectionner les candidats aux postes de chauffeurs, de conducteurs de chariots élévateurs et d'ouvriers, ainsi que pour recruter des représentants commerciaux. Mais les projets pour d'autres cas sont déjà dans les tuyaux.
Pour la responsable RH, Vera soulage ses équipes d'un travail répétitif et peu intéressant. « Les RH peuvent consacrer du temps à mieux aider les responsables du recrutement, à mieux travailler avec les bases de données, à faire de meilleures évaluations et à offrir plus de formation », se réjouit-elle.
Natalya Sumbaeva, PepsiCo
Côté algorithmique et reconnaissance sémantique, Vera scanne les CV postés sur les sites d'emploi et téléphone automatiquement aux candidats qui possèdent les qualifications requises. L'AI peut passer jusqu'à 10.000 appels simultanément.
Les candidats sont accueillis par le message : « Bonjour, je suis Vera, je suis un robot. Je travaille avec PepsiCo. Vous êtes en recherche d'emploi ? ».
Le logiciel vérifie les postes vacants qui peuvent intéresser le candidat, puis pose des questions pour déterminer si son profil et ses compétences conviennent. Par exemple, Vera demandera aux prétendants au métier de livreur s'ils ont le bon type de permis de conduire et une expérience de chauffeur.
S'ils n'ont pas les bonnes qualifications, Vera terminera poliment la conversation.
Le bot transmet ensuite les transcriptions de l'entrevue à un humain pour la prise de décision finale.
Vera peut également envoyer aux candidats les détails du poste qui les intéresse par mail, et des rappels par SMS sur l'heure et de la date de l'entrevue - que ce soit avec le bot ou avec un interlocuteur humain.
Pepsi utilise également Vera pour répondre aux appels entrants - qui durent en moyenne de 3 à 5 minutes - suite à la publication d'annonces dans la presse et sur les Job Boards.
Sous le capot du Bot
Vera a été utilisée pour la première fois l'année dernière alors que PepsiCo devait pourvoir 250 postes vacants, en deux mois, pour un centre de supports des ventes à Voronej, une ville de l'ouest de la Russie, à environ 500 km au sud de Moscou.
« Nous avions des ressources limitées, alors nous avons commencé à analyser les options technologiques pour savoir lesquelles pourraient nous aider », se souvient Natalya Sumbaeva.
Et si le taux de conversion est le même qu'avec des appels et un process gérés par des humains, le bilan est positif puisque la tâche a été réalisée en cinq fois moins de temps.
Vera a été développée par Stafory, une startup de 50 personnes basée à Saint-Pétersbourg qui utilise les outils de reconnaissance vocale d'Amazon, de Google et de Microsoft, et qui s'appuie sur la technologie de recherche du Google russe Yandex.
Vera utilise également une technologie d'auto-apprentissage dérivée des réseaux neuronaux. Les programmeurs l'ont formée avec 13 milliards de mots tirés de Wikipedia, de séries télés et avec le texte de 10.000 annonces, ainsi qu'avec des questions posées dans le cadre d'entretiens.
Conduite du changement
Lorsque PepsiCo a fait appel à Vera pour la première fois, 95% des candidats se sont déclarés parfaitement à l'aise avec cette interaction.
Mais en interne, certains recruteurs se sont sentis très nerveux à l'idée d'utiliser cette nouvelle technologie.
Natalya Sumbaeva a alors organisé des séances d'information pour expliquer les capacités de la technologie et donner aux équipes RH l'occasion de jouer et de programmer Vera. « Nous avions besoin de temps pour changer notre perception. Cela a pris entre six et neuf mois ».
Aujourd'hui, les managers peuvent accéder au bilan de Vera avec un navigateur web. Ils voient par exemple le nombre de candidats auditionnés, leurs coordonnées, et ceux intéressés par la poursuite du recrutement.
Bientôt des entretiens avec un avatar
Pepsi prévoit d'étendre l'utilisation de Vera en Russie pour les postes juniors, et à d'autres pays. En commençant par l'Europe de l'Est.
PepsiCo étudie également la possibilité, dès l'année prochaine, de passer par un bot pour mener des entretiens de départ. Dans certains cas, il serait plus facile pour les personnes qui ont des sentiments négatifs envers la société de parler à un agent virtuel plutôt qu'à un humain. la possibilité de réaliser des entretiens vidéo, où les candidats interagissent avec un avatar animé.
« Nous pourrions utiliser des interviews vidéo pour les commerciaux et les responsables des ventes pour voir à quoi ils ressemblent, et comment ils se présentent », imagine déjà Natalya Sumbaeva. « Après l'entretien, les recruteurs pourraient les regarder pour établir leur short list ».
Encore de grands défis dans l'expression orale
Stafory a fourni Vera à environ 250 entreprises opérant en Russie, dont Coca-Cola et Schlumberger. À ce jour, Vera a recensé un million de candidatures pertinentes à partir de bases de CV, a effectué plus de 440 000 appels et conduit plus de 2 300 entretiens.
« Notre prochain grand objectif est de nous rapprocher le plus possible d'un dialogue humain », avance Alexey Kostarev, co-fondateur de Robot Vera.
Le bot est en effet encore assez limité dans ses réponses parlées. « Ce sera un énorme défi. Personne au monde n'a encore réussi à le relever ».